Je ne voulais plus retourner au collège. Je ne voulais plus revivre ce cauchemar. Pourtant j'y suis retournée. Je me suis décidée à faire des études. Je veux réussir ma vie. Je veux réaliser mes rêves.
Mon premier rêve : racheter Figaro et le câliner tous les jours, lui faire passer la plus heureuse des retraites qu'un cheval ait jamais passé.
Mon deuxième rêve : retourner voir Paris, une ville que j'adore.
Mon troisième rêve : devenir écrivain, comme ma mère et comme Denis.
Mon quatrième rêve : faire de l'infographie, j'adore aussi.
Mon cinquième rêve : avoir un petit élevage de chevaux, pour pouvoir écrire quand j'ai fini de m'occuper de mes chevaux. Mais je ne voudrais pas vendre mes chevaux. Ni avoir un manège. Je serais trop triste de vendre des chevaux que j'ai vu naître. Et je ne serais pas capable de tenir un manège à cause de mon problème de communication.
Je suis retournée au collège. Ce n'était pas facile pour moi, mais il le fallait. Il fallait que je prenne ma vie en main et que je réussisse mes études. C'est moi qui ait insisté pour reprendre mes études en réel et pas par correspondance. Maintenant je sais que j'ai eu tort. Il n'y a pas de place dans un collège ou un lycée pour une autiste.
Je crois qu'il n'y a pas de place du tout dans la société pour les autistes.
On les prend pour des débiles alors on veut les envoyer en professionnelle. On pense qu'ils n'ont pas de cerveau et qu'ils sont juste bons à faire un travail manuel. Parce qu'ils ne pensent pas comme les autres. Parce qu'ils ne voient pas le monde, la vie et les gens comme les gens normaux les voient.
Parce qu'ils réfléchissent différemment on pense qu'ils sont incapables ou attardés et que c'est mieux de leur faire faire un travail manuel! On pense que parce qu'ils réfléchissent différemment ils ne savent pas réfléchir. Ils pensent différemment alors on fait tout pour qu'ils apprennent très vite à réfléchir comme les gens normaux mais les gens normaux, eux, ne font pas l'effort eux d'essayer de réfléchir comme un autiste.
Alors qui est le plus intelligent?
Qui réfléchit le mieux?
L'autiste qui raisonne à la fois comme un autiste et qui est obligé de s'adapter et d'apprendre à raisonner comme les gens normaux?
Ou les gens normaux qui raisonnent comme des gens normaux et qui sont incapables de raisonner comme des autistes et qui n'essaient même pas de faire un effort pour les comprendre? Et pire qui les condamnent à une vie triste et sans espoir.
Je suis retournée au collège pleine d'espoir. Quand on a été m'inscrire, je n'ai pas osé dire au directeur qui me demandait ce que je voulais faire plus tard, que je rêvais de devenir écrivain, infographiste et d'avoir un petit élevage de chevaux. Je ne suis pas sûre de moi. J'ai toujours peur que les gens se moquent ou me disent que je suis trop bête pour réussir, que ce n'est pas fait pour moi. Que je ne suis bonne à rien. Et si on me dit que je suis trop bête pour réussir mon rêve alors je perds toute confiance en moi. Je ne sais plus rien faire. Et plus rien ne sert à rien.
Alors j'ai bêtement répondu que je n'avais pas encore d'idée.
En même temps j'avais peur de rencontrer des élèves et en même temps j'avais besoin de voir d'autres gens. Je suis une fille très bizarre.
Le problème c'est que le collège a beau être le jour et la nuit avec mon ancien collège : les profs sont super gentils, à l'écoute et tout à fait différents de mes anciens profs. Mes problèmes de communication eux, sont toujours là.
Mes problèmes avec l'abstrait, le premier degré et mon cerveau que je dois programmer pour qu'il tire ses conclusions tout seul aussi. Donc je reste toujours plus lente que les autres. Et même si j'étudie sans arrêt, même si je n'ai qu'un seul moment de libre sur la semaine, c'est le samedi après-midi quand je monte à cheval, ma moyenne n'est pas terrible du tout.
Mais ce que personne n'arrive à comprendre c'est que je ne suis pas plus lente parce que je suis débile. Non. Je suis plus lente parce que je dois d'abord traduire les cours dans mes mots à moi.
Et ensuite les comprendre. Et puis les étudier. Alors que les autres élèves, eux, peuvent directement comprendre et puis étudier.
Dans ma classe il y a un autiste et lui a un AVS qui lui "traduit", donc forcément il a plus facile et lui il réussit.
Moi, ils ne veulent même pas attendre le diagnostic des examens que j'étais en train de faire.
Mais est-ce que ça veut dire que je suis nulle, incapable et que je peux juste aller en professionnelle?
Et puis il y a les langues aussi. Je n'avais jamais fait d'Anglais ni d'Espagnol de ma vie et j'aurais choisi Allemand que ça aurait été pareil. Je me consacre aux cours les plus importants comme Français, math et histoire-géo pour le brevet, et aussi SVT et Physique-chimie et je pensais profiter des grandes vacances pour étudier les langues en intensif et être au même stade que les autres pour la rentrée prochaine.
Je ne fais vraiment qu'étudier sans arrêt. Je suis épuisée. Je n'ai pas de loisirs. Ça fait des mois que je n'ai plus regardé la télé. J'étudie dans mes cahiers, dans mes livres scolaires, mais aussi sur le site Académie en ligne du Cned, et Assistance scolaire personnalisée ainsi que dans des livres parascolaires, pour étudier les mêmes matières mais expliquées de manière différente en espérant que ça m'aidera à mieux comprendre l'abstrait et à réussir mon brevet.
C'est très dur, mais je veux y arriver. Et je sais que je peux y arriver.
Il n'y a que le cours de math où j'ai peur de ne jamais y arriver parce que pour moi, les maths c'est vraiment du chinois. Mais ce n'est pas grave, parce que j'ai envie de faire le bac L. Et pour le bac L, les math ne sont pas obligatoires.
J'ai appris énormément de choses dans mon nouveau collège.
Je ne pensais pas qu'un jour je pourrais faire autant de progrès.
Apprendre autant de choses. Et surtout depuis que je vais dans ce collège je m'intéresse à tout. Avant je lisais des livres pour jeunes, maintenant j'aime aussi lire des livres qui m'apprennent quelque chose, qui parlent de sujets sérieux. Même si mes progrès ne se voient pas des gens qui ne me connaissaient pas avant. J'ai appris un tas de choses et ça m'a donné envie d'apprendre plein de nouvelles choses. Maintenant tout m'intéresse. Je pose des questions sur tout. Je me renseigne sur tout. Je suis devenue très différente de celle que j'étais avant. Et ça seulement en quelques mois. Avant j'étais fermée à tout. Je ne savais rien sur rien. Je ne m'intéressais à rien. Je pensais que rien ne servait à rien.
C'était comme s'il y avait un mur autour de moi et qu'en allant à mon nouveau collège, ce mur a commencé à se fissurer.
Pour moi rien ne servait à rien. Maintenant je suis ouverte à tout. J'aime même les cours où je ne suis pas forte, même ceux où je n'ai pas des bons résultats, parce que même si j'ai des mauvais résultats à cause de l'abstrait, j'ai étudié et contrairement à ce qu'on pourrait croire en voyant mes points, je connais la matière.
J'aime la biologie parce que ça parle du vivant.
J'aime le Français parce que j'aime lire et parce que je voudrais tellement faire des progrès en écriture pour pouvoir devenir écrivain.
J'aime la physique aussi, c'est très intéressant, ça apprend des choses de la vie.
J'aime l'histoire mais pas la matière de cette année parce qu'on ne parle que de la guerre. On en parle vraiment trop. C'est trop triste. Déjà que dans les infos on ne parle que de guerres et de crimes si en plus on en parle au collège! Je préfère l'Histoire du temps d'Icare, des Grecs, des Romains.
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La petite fille sur la balançoire
Non-FictionJ'ai écrit cette histoire, mon histoire, à l'âge de seize ans. Aujourd'hui j'en ai vingt et un. Je laisse le résumé et le récit dans l'état, parce que c'étaient les sensations et les émotions que je ressentais à ce moment-là. Elles ont évolué depuis...