Sortir de la rue était le problème le plus urgent à résoudre. Rodolphe s'avança et désigna les portes fermés des entrepôts militaires désaffectés et murmura :
— Si on veut partir maintenant, on ne peut que passer par là...
Thomas s'avança à côté de lui et le prince constata qu'il avait deux piercings, l'un sur la lèvre et l'autre sur l'oreille gauche.
— Vous aviez prévu d'attendre la nuit pour repartir ?
Sibylle les rejoignit suivie de Maxime et hocha la tête avant de répondre :
— En effet. Forcer les portes veut dire que nous risquons de déclencher une alarme et d'être encore plus facilement repérés...
Thomas secoua la tête et plissa les lèvres en une légère moue résolue.
— À l'heure actuelle si tout va bien toute l'électricité de la ville devrait être coupée... Il suffit d'aller voir au bout de la rue si les écrans géants sont encore allumés.
Rodolphe sentit comme un faible rayon de soleil réchauffe le cœur, une onde de joie traverser son âme meurtrie.
— Vous avez organisé la coupure d'électricité en prévoyant que cela rendrait les recherches plus difficiles ?
Thomas le regarda longuement et pendant quelques secondes il ne parut pas se décider à répondre.
— Majesté, comment pouvez-vous douter ainsi de notre dévouement ?
Mais alors que Rodolphe, gorge serrée, songeant tout à coup qu'il n'avait peut-être pas tout perdu en fuyant Aileen s'apprêtait à répondre, Sibylle qui s'était éloignée sans qu'il s'en aperçu était revenue vers eux et lançait avec une grimace décidée :
— Les écrans sont éteints. L'électricité est coupée.
Ils se regardèrent tous en échangeant un grand sourire et Rodolphe sentit encore un peu plus son âme s'apaiser.
Maxime fut le premier à se ressaisir et à lâcher :
— Très bien. Alors allons y on n'a peut-être que très peu de temps, tous les soldats de la reine ratissent la ville...
À cette mention directe d'Aileen Rodolphe resta pendant quelques secondes sans pouvoir réagir mais il parvint rapidement à se ressaisir en voyant que tous les regards se tournaient vers lui, questionneurs.
Alors il hocha la tête avec un calme apparent et se dirigea vers la première porte de la rue. Il recula de quelques pas puis commença à courir sans réfléchir pour se précipiter de toute la force de son corps vers le battant. Il alla s'écraser contre les tôles de fer mais elles résistèrent et ils ne purent entrer.
Maxime cria :
— Ils arrivent !...
Un regard sur sa gauche permit à Rodolphe de voir les gardes à l'uniforme qu'il connaissait si bien se poster de chaque côté de la rue. Ils ne couraient pas mais visiblement jaugeaient le spectacle, campés sur leur jambes solidement. Ils venaient contrôler cette rue et ils avaient trouvé ce qu'ils cherchaient...
— Halte ! Encore un geste et nous tirons !
Rodolphe croisa alors le regard paniqué mais ferme de sa sœur et murmura simplement :
— Ensembles ?
Un éclair traversa ses yeux quand elle comprit ce qu'il voulait dire mais il n'eut pas le temps d'approfondir ce que cela pouvait signifier qu'elle répondait :
— Ça marche. Allons-y !
Heureusement qu'ils étaient mutants et plus forts... Alors sans plus écouter les ordres criés des soldats qui commençaient à s'avancer ils se mirent à courir droit vers la porte suivis de près par leurs deux compagnons d'Astra.
Rodolphe eut l'impression que son épaule se déboîtait lorsqu'il heurta de plein fouet la tôle de fer mais le hurlement que laissa échapper sa sœur fut bien pire. Ils traversèrent pourtant et la porte s'ouvrit brutalement, cédant sous leurs poids et tombant en avant.
Maxime fut le premier à aviser dans le noir un escalier métallique dans l'immense rez-de-chaussée désert du dépôt désaffecté.
— Par ici, vite, dépêchez-vous !
Rodolphe n'attendit pas une seconde pour relever d'un geste presque brutal sa sœur toujours blessée et l'entraîner avec lui de nouveau en avant. Il cria en même temps :
— Thomas, suis-nous !
— Je suis coincé sous la tôle !
Un éclair de panique traversait sa voix et Rodolphe sentit en un instant que tout pouvait basculer selon la décision qu'il allait prendre. Sa sœur jeta :
— Non, viens, tu ne peux pas...
Il la poussa en avant et lui répondit dans un cri :
— Cours pour moi sans te retourner ! L'escalier !
Et il revint en arrière sans plus prendre le temps de s'interroger. Thomas gisait la jambe en partie coincée sous la porte en effet dont l'énorme masse l'empêchait de faire le moindre mouvement.
C'était à son oncle Saedor qu'il pensait lorsqu'il se laissa précipitamment tomber sur le sol près de son compagnon pour empoigner à pleines mains le métal.
"Essaie toujours d'être juste et paye tes dettes..."
Le claquement des bottes commençait à résonner dehors et Rodolphe fit appel à chacun de ses muscles pour soulever l'énorme masse. Un instant après qui lui parut durer un siècle mais qui ne prit même pas quelques secondes, l'espace nécessaire à Thomas pour se dégager était libéré.
Dès qu'il eut ôté sa jambe Rodolphe laissa retomber la porte de tôle dans un grognement qui lui échappa :
— Ahh !...
Ce fut Thomas qui cria en se remettant sur ses deux pieds, sa jambe étant heureusement encore en état de fonctionner :
— Vite ils sont là !...
L'escalier devant... Ce devint l'unique but de Rodolphe quand il commença à courir devant le jeune homme au milieu des balles qui sifflaient. Étonnant d'ailleurs qu'aucune ne les aient encore atteint...
— Rodolphe ! Voudrais-tu qu'ils meurent tous à cause de toi ? Rends-toi, tu seras simplement fait prisonnier !...
Le prince venait d'atteindre la première marche de l'escalier. Il ne marqua même pas un temps d'arrêt à l'entente de cette voix amie il y avait encore si peu de temps, mais accéléra au contraire autant qu'il pouvait en tâchant d'ignorer la morsure qui lui dévorait encore un peu plus l'âme. C'était comme si Aileen avait été encore un peu plus près de lui à travers son commandant, Andrei, qui venait de l'interpeller...
Derrière lui escaladait les marches Thomas et les soldats s'étaient élancés eux aussi en avant. Ils n'étaient protégés que par le fait que l'escalier tournait fort et que les balles étaient arrêtées par les parois de verre blindées.
— Rodolphe ! Arrête toi ! Pour le bien de tes amis...
Fermer les yeux, ne pas écouter, continuer cette course folle qui l'entraînait droit vers d'autres étages sans qu'il ait la moindre idée de l'endroit où il pourraient trouver refuge.
Mais dans son dos il entendit Thomas dire d'une voix épuisée :
— Les toits... Il faut gagner les toits plats des entrepôts Majesté... J'ai prévenu les autres astrayens, ils seront au rendez-vous pour nous défendre...
Mais la voix du commandant continuait de se faire entendre, augmentée d'un accent désespéré :
— Rodolphe, veux tu qu'ils meurent tous pour toi ?...
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Les enfants d'Astra T1 [SOUS CONTRAT D'EDITION] & 2
Science FictionLes enfants d'Astra Tome 1 : Souvenirs du passé Plan 439 Année 3126 Dans un monde à l'échelle de la galaxie, deux alliances s'affrontent pour la domination de l'espace : Astra et l'AM.Erica. Cette dernière gagne la guerre et ordonne alors de tuer to...