— D'accord, c'est parfait... Non, rien de grave, simple vérification... C'est moi qui vous remercie, au revoir.
Je raccroche le téléphone, m'empare d'un stylo rouge et barre une ligne de ma liste. Je me suis mis en tête d'appeler tout nos clients de ces deux dernières années pour prendre connaissance d'éventuel signe de rébellion chez nos recrues. Mais pour l'instant, rien à signaler.
Pendant que je perds mon temps, Sullivan analyse les dossiers de toutes les locataires encore présent au Refuge ayant montrées de tels signes. Les documents forment deux piles bien distinctes, séparant deux groupes précis. Une scission nécessaire, mais qui rends l'obstacle infranchissable. Nous espérons qu'ainsi, nous pourrons mettre le doigt sur un dénominateur commun à tous. Une réponse à nos questions.
Ce travail comporte une centaine de schémas génétique à scruter dans les moindres détails à la recherche d'un allèle que l'on retrouverait dans tous le cas étudiés. Autant chercher une aiguille dans une botte foin.
Après des heures de travail sans succès, nos nerfs sont à vifs. Des maux de tête se font sentir, accentués par la fatigue, la déception et la terrible impression de tourner en rond.
— Qu'est-ce que nous allons bien pouvoir faire de tout cela ? Souffle mon compagnon de fortune.
Il n'attend pas de réponse, et tant mieux, car je n'ai aucune idée de quoi lui dire. Nous sommes faits comme des rats. La mutinerie a peut-être été maîtrisée, au prix de quelques vies, mais le danger est toujours présent. Savoir que le projet de toute vie peut être détruit par une bande d'adolescents en furie. Des enfants que j'ai élevés sous mon propre toit.
Et peu importe qu'elles ont été mes motivations, j'aurais pu leur rendre la vie beaucoup plus difficile.
Après avoir passé des heures au téléphone, je rejoins le docteur Charest dans sa mission. Nous épluchons les dossiers, un à un. Nos yeux glissent sur les lettres et les chiffres sans pour autant enregistrer quoi que ce soit.
— Alors ? Demande Sullivan, les nez plongés dans ses documents.
— Rien.
Les pages tournent et se ressemblent. Je suis sur le point de m'endormir quand mon cerveau m'envoie un électrochoc.
— J'ai trouvé.
Sullivan lève les yeux sur moi, perplexe. Je récupère tous les dossiers et empoigne mon fluo pour surligner ce que j'ai vu. Toutes les recrues ayant eu des comportements violents, rebelles ou instables possèdent une mutation génétique particulière. Cette modification touche deux gênes, appelés Maoa et CDH13, souvent associés aux comportements agressifs.
Charest semble mal à l'aise. La génétique, c'est son domaine. Il aurait dû le voir.
— Est-ce que c'est réparable ?
— Je ne sais pas, avoue-t-il. Le reconditionnement n'est possible que dans certaines conditions. Les éléments concernés sont parmi les plus complexes à retoucher. Pour les membres du premier groupe, ça peut marcher. Pour le second, ça sera plus complexe.
— Comment cela a pu vous échapper ? Vous êtes censé vérifier tous les détails.
— Les accidents arrivent, rétorque-t-il d'une voix faible.
— Nous avons à faire à une centaine d'accidents.
Cet incapable préfère se murer dans le silence plutôt que de m'affronter. C'est à mon avantage, je n'aurai pas su me défendre. Au fond, je suis aussi responsable que lui. Nous travaillons ensemble, j'aurai dû le voir aussi.
Préférant ne pas trop y penser, je poursuis :
— Peu importe, nous parlerons de vos lacunes plus tard. Pour l'instant, nous allons lancer une série de reconditionnement pour les éléments déjà ici, voir ce que nous pouvons faire exactement.
— Et imaginons... Hésite-t-il.
— Si ça ne marche pas, nous ne nous débarrasserons de ce problème à ma manière. Cela nous a déjà coûté assez d'argent.
Aucun de nous deux ne souhaite en arriver là. Mais être à la tête d'un des commerces les plus prolifiques de la décennie, exige de faire des concessions.
La sonnerie du téléphone résonne à nouveau dans la pièce. Je l'attrape sans conviction.
— Docteur Maria Gali, j'écoute.
— C'est un plaisir de réentendre votre voix docteur.
Mon sang ne fait qu'un tour. Je reconnaîtrais cette voix entre mille tant elle me dégoûte et me replonge dans les souvenirs les plus noirs de mon existence.
— Votre Majesté. C'est un honneur.
— Je vous en prie, appelez-moi Steffen. Je crois que vous attendiez de mes nouvelles.
Le roi Steffen Brecker est la première personne que j'ai appelée après la rébellion. C'est un roi capricieux et susceptible qui n'hésitera pas à me faire payer cher le moindre mensonge. Et nous savons tous les deux qu'il ne divulguera pas cette information, ça ne serait pas à son avantage de me détruire.
Je sais me défendre, moi aussi.
— Que puis-je pour vous Steffen ?
— Il se trouve que j'ai quelques soucis que vous vous devez de régler. Avec la recrue.
Quand il a appris pour le « défaut » de certaines recrues, il m'a promis de garder un œil sur Faerie. Je ne me faisais pas d'illusion, je savais que le risque était grand. Faerie est défectueuse.
— Ne vous enfaîte pas, le Refuge a une assurance en cas de déficience. Nous vous reverrons une recrue adaptée le plus rapidement possible.
— Non, je veux reconditionner celle que j'ai déjà.
Je fronce les sourcils, dubitative. Sullivan m'interroge du regard et je lui fais signe d'attendre.
— Le reconditionnement est plus difficile, et nous ne pouvons pas garantir les résultats. Pardonnez-moi d'insister, mais je vous déconseille cette option.
— Maria, il m'est impossible de m'en séparer maintenant. Il est trop tard, vous devez le reconditionner au plus vite et sur place.
Je couvre le micro du téléphone et explique rapidement la situation à mon collègue qui est aussi perdu que moi. Le roi joue un jeu dangereux. Et cette fois, je ne peux pas prendre son parti.
— Qu'est-ce qu'il se passe Steffen ?
— Rien, tu sais très bien de quoi je parle.
— Je ne vois pas en quoi te séparer de Faerie, même quelques semaines dans le cas d'un reconditionnement, t'es impossible.
— Je ne parle pas de Faerie.
Mon cœur loupe un battement. Je manque de m'effondrer.
Non.
Ne fais pas ça.
Je n'y suis pour rien.
J'étais si jeune.
J'ai accepté ce marché sans réfléchir.
J'ai déjà payé ma dette.
Je t'en supplie.
Ne déterre pas notre passé.
Pas maintenant.
Pas dix-huit ans après.
— Je te parle d'Ewen.
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Faerie, Fleur du Feu [Terminé]
Science FictionAu Refuge, laboratoire scientifique basé dans le Sahara, tout le monde sait ce qu'il l'attend. Chaque gène de chaque habitant a été choisi par les scientifiques dans un but bien précis : être les recrues parfaites pour les riches familles du monde e...