Chapitre 14 ✅

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J'ouvris difficilement un œil, puis l'autre. Je me sentais aussi à plat qu'après une opération. Je me rappelai à peine ce qui s'était passé avant, tout était vague, mais s'il y avait une chose dont j'étais certain est que j'étais malade comme un chien, et que je l'étais toujours. Jeremy n'aurait quand même pas fait de test sur moi sous ces conditions, non ?

Je me redressai autant que je le pouvais, regardant l'homme en blouse blanche qui s'activait autour de mon lit. Il ne s'était pas encore rendu compte que je m'étais réveillé. Mais quand il se retourna vers moi, je le reconnus aussitôt. C'était l'un des fidèles assistants de Jeremy, l'un des rares à être dans la confidence de mon petit secret.

— Où est Jeremy ? parvins-je à articuler.

— Comment te sens-tu, Miö ?

Je fronçai les sourcils. Est-ce que j'avais l'air d'aller bien ?

— Où est Jeremy ? demandai-je encore. C'est lui que je veux.

Il secoua la tête et me pressa l'épaule pour me forcer à m'allonger sur le lit.

— Miö... Jeremy et toi, je vous ai retrouvé dans les toilettes, à moitié mort de faim. Je ne sais pas depuis combien de temps vous étiez enfermés, mais...

— Lundi.

L'infirmier poussa un hoquet de stupéfaction, avant de se reprendre :

— Nous sommes vendredi. Ça faisait quatre jours que vous étiez là-dedans ! Et vous étiez tellement malades que vous n'aviez même plus la force de vous lever pour boire au robinet. Tu dois certainement à tes gênes bizarres d'être en vie.

Je fermai les yeux en soupirant, alors que l'infirmier allait vérifier mes perfusions. J'étais si fatigué que je passai tout près de sombrer, quand un détail me revint en mémoire :

— Si je dois à mes gênes d'être encore en vie... qu'en est-il de Jeremy ?

L'homme, qui s'apprêtait à sortir de la pièce, s'arrêta sur le seuil et se retourna lentement vers moi. Je compris ce qu'il allait me dire une seconde avant qu'il ne le fasse, rien qu'à sa tête ; deux grosses larmes coulaient sous chacun de ses yeux.

— Jeremy est mort. La grippe avant la faim a eu raison de lui.

Puis l'infirmier quitta précipitamment la chambre, sans me permettre de répondre quoi que ce soit.

Je restai un moment immobile, continuant de fixer la porte close, m'efforçant de trouver un sens caché à ce qu'il venait de me révéler. Il y en avait forcément un.

Je reposai ma tête sur l'oreiller, n'ayant plus la force la tenir en l'air plus longtemps, et fermai les yeux, préférant dormir que d'essayer d'y comprendre quelque chose.

Vraiment, je ne sais pas de quel genre d'humour il s'agit, mais c'est de très mauvais gout...

*

Le lendemain, ce fut le même infirmier qui vint me réveiller. Il m'avait apporté un petit déjeuner de fruits, identique à tous mes repas de la journée. Je me mis difficilement assis et pris une pomme avant de lui lancer un regard noir :

— Pourquoi c'est encore toi ? Je veux voir Jeremy !

Me tournant le dos, il poussa un énorme soupir, le genre que j'aurais facilement pu entendre à l'autre bout de l'étage. Puis il me fit face, le visage rouge, et se pencha au-dessus de moi, l'air menaçant malgré le masque ridicule devant sa bouche et son nez :

— Jeremy est mort ! Il est mort ! C'est moi, le docteur, maintenant !

— Arrête ! Si je suis en vie, il l'est aussi.

L'infirmier prit une grande inspiration pour se calmer, puis posa une main sur mon front pour vérifier ma température.

— Tu fais encore de la fièvre, dit-il d'un ton plus doux. On va dire que ça explique le fait que tu sembles avoir le cerveau complètement ramolli. Mais je t'ai déjà tout raconté la veille. Tu ne te rends pas compte à quel point tu guéris formidablement vite, et Jeremy n'a pas cette chance. La grippe que tu as attrapée peut être mortelle pour bien des gens. Et ce fut le cas pour Jeremy. Je vais le répéter une dernière fois, et comprends-le bien... Jeremy est mort.

Peut-être que la fièvre m'avait bel et bien ramollit le cerveau, mais cette fois, peut-être pour l'infinie lenteur avec laquelle il avait dit ces mots, l'idée qu'il disait peut-être vrai commençait à se frayer un chemin dans mes pensées.

Ma pomme me glissa des doigts quand je me rendis enfin compte qu'il n'y avait pas de peut-être. C'était la vérité. Mes mains se mirent à trembler et ma à vision se flouter alors que la réalité me rattrapait ; Jeremy est mort. Juste comme on semblait se réconcilier.

Je n'irais pas jusqu'à dire que j'aimais Jeremy... mais il avait eu une place tellement importante dans ma vie. Depuis mes cinq ans, il était celui que je voyais pratiquement tous les jours. Mais la pensée qui m'achevait, égoïstement, était cet infirmier, le nouveau docteur. Il était avec Jeremy à la plupart des opérations qu'il m'avait faites, mais ce n'était pas lui qui les faisait. Et s'il avait besoin de toutes les refaire ? Après tout, il se devait de savoir faire les choses.

Je ne pouvais plus m'arrêter de trembler. Pire que la tristesse que j'éprouvais à l'idée de ne plus jamais revoir Jeremy, c'était la peur que je ressentais pour le nouveau docteur qui me tétanisait. Mon cœur battait à toute vitesse, je n'arrivais plus à respirer. Je manquais d'air.

Plutôt mourir que de recommencer tous ses tests à zéro !

J'aperçus le docteur m'empoigner les épaules, j'entendais des mots, mais j'étais incapable de leur donner un sens. J'essayai seulement de respirer. Respirer, lui échapper, m'évader... Tout ça me sembla durer une éternité. Jusqu'à ce qu'il m'enfonce sans ménagement une aiguille dans le bras.

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Je peux pas me résigner à effacer la photo de miö malgré la réécriture. Le voici donc.

 Le voici donc

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Miö (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant