Chapitre 20 - L'heure sombre partie 2

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Je rampais difficilement sur le sol, la poussière brouillant ma vue rendait ma progression d'autant plus difficile, mes ailes étaient encrassées d'une substance noire et collante ressemblant étonnement à du pétrole. Tout autour de moi, les corps jonchaient le sol couvert de sang, je ne parvenait plus à savoir qui était qui parmi les cadavres que les attaques, d'une violence inouïe, avaient rendus méconnaissables. Il fallait que je me débarrasse de cet entrave écœurante, mes ailes étaient un trop grand atout et je ne pourrai pas continuer de me battre ainsi, depuis que j'avais appris à vivre avec, elles constituaient un de mes points d'équilibre principaux, ainsi privé d'elles, je ne tiendrai pas Plus d'une minute debout. Je m'agenouillais près d'un mur à moitié écroulé, cherchant Aria du regard, j'avais besoin de son pouvoir afin de retrouver toutes mes capacités, je scrutais le champs de bataille alors que Julian menait une lutte acharnée à l'épée contre un faune vêtu d'une côte de maille noire, il para un coup de côté et la lame frôla ses côtes, il fit un mouvement rapide de la main et l'arme de son adversaire dévia sur le côté, lui laissant l'occasion de l'empaler. Plus loin les jumeaux usaient de leurs pouvoirs afin de ralentir un groupe de monstres aux visages déformés et effrayants, je n'en n'avait jamais vu de tels, Pablo poussait les arbres à se plier et à attraper ces bêtes de leurs longs doigts de bois fourchus tandis que Diego, les mains plantés dans la terre, faisait pousser d'énormes racines parées de piques d'où un liquide jaune et fumant s'écoulait, trouant la peau épaisse de leurs adversaire. De la fumée s'échappait de chaque côté ou je posais les yeux, il fallait que je me libère et vite. Je fermais les yeux et visualisais Aria, je ne savais pas encore quels genres de dons j'avais reçu mais peut être pouvais-je communiquer à distance ? Je l'appelais intérieurement, dans ma tête, je recommençais encore et encore.
Aria ! Aria !
Wivin ??
L'écho de sa voix résonna dans ma tête, j'ouvrais les yeux un instant, perturbé par cette sensation nouvelle et me concentrais de nouveau sur elle.
Aria je suis près du mur est de Mystia, quelque chose entrave mes ailes j'ai besoin de tes dons.
Elle ne répondit pas. J'attendis quelques instant et sa voix revint s'insinuer dans ma tête.
Je fais le plus vite possible, j'arrive ! Ne bouge surtout pas !
Obéissant, je me laissais glisser contre le mur, angoissant à chaque minute qui s'écoulait, je ne voyais pas Key ni Peter et les autres, il y avait tant de morts, je ne supportais pas de rester ainsi sans rien faire. Tout à coup une lame s'abattit juste au dessus de ma tête, éclatant une brique déjà bien entamée, je roulais sur le côté avant de me relever, empoignant mon épée.
-POUR MANDRAC !
Le troll fondit sur moi en un éclair, je levais alors mon arme qui choqua contre la sienne, perdant l'équilibre je m'adossais au mur, écrasant douloureusement mes ailes contre celui-ci. Profitant de mon étourdissement, il m'envoya un coup de poing dans la mâchoire, m'enfonçant un peu plus contre le mur qui termina de s'écrouler lourdement dans un bruit sourd, me faisant rouler en arrière. En tournant la tête, j'aperçus Aria qui se précipitait dans ma direction, lorsque le troll leva son épée au dessus de moi, une trombe d'eau vint s'écraser sur lui, le plaquant si violemment au sol qu'il en perdit connaissance.
-Merci soufflais-je d'une voix rauque, c'était moins une.
-Tourne toi ordonna t-elle.
Je m'exécutais rapidement et sentis qu'elle passait ses doigts sur la substance dévastatrice, un léger picotement parcourut mon dos, s'étirant jusque dans mes ailes qui finirent par se déployer d'un seul coup. Je lui j'étais un regard plein de reconnaissance avant de courir au front, je devais me rapprocher de l'entrée, évaluer les dégâts et aider à empêcher plus d'ennemis d'entrer dans nos murs. Beaucoup des nôtres étaient encore en vie et se battaient avec bravoure autant qu'avec rage, j'aperçus Elios et Isis cote à cote, repoussant un trio de goules tenues en laisse par trois créatures qui possédaient de drôles d'excroissances dans le dos, on aurait dit des ailes mais elles étaient couvertes de noir et de bordeaux et avaient l'air déchiquetées. Je m'arrêtais un instant, troublé, ce n'était pas possible, je me faisais des idées. Je croisais le regard d'Isis une seconde à peine et elle me confirma ce que je pensais. Ces creatures étaient des anges. Du moins elles l'étaient à une époque, avant que Mandrac ne déchiquette leurs ailes. Un frisson d'effroi parcourut les miennes, faisant frémir mes plumes blanches, imaginer une telle douleur était insupportable alors la vivre réellement... l'un d'eux se tourna vers moi, une lueur fugace illuminant son regard, il relâcha la corde qui tenait sa goule et se mit à genoux, tête baissée.
-Attention ! Hurla Elios alors que la Goule se jetait sur Isis.
Cette dernière leva les mains et les mouvements du monstres ralentirent avant de se stopper totalement, comme si on avait appuyé sur le bouton pause d'une télécommande. La sorcière planta rapidement sa dague dans le cou de la goule et s'approcha de l'homme qui se tenait toujours baissé a quelques mètres de là, face à moi. J'aurais voulu lui parler mais chaque minute comptait, d'un signe de tête j'ordonnais a deux faunes de le faire prisonnier et repris ma course vers l'avant de Mystia, tuant deux de nos ennemis sur la route. Je bifurquais sur la droite quand un cri attira mon attention, Key était aux prises avec un des monstres difformes que j'avais pu voir un peu plus tôt, je me stoppais net, elle tourna sur elle même, faisant valser sa longue tresse blonde, sa cote de mailles blanche étincela sous la lumière de la lune tandis que sa lame coupa net le cou de la créature maléfique. Elle était forte et jamais elle n'avait été Plus Belle qu'à cet instant. Son regard charbonneux croisa le mien et un léger sourire se dessina sur ses lèvres.
-Attention !
Mes ailes de déployèrent brusquement et je m'élançais vers elle, emportant avec moi l'homme qui avait tenté de l'atteindre avec une décharge noire. Je l'écrasait au sol de tout mon poids et serrais ma prise autour de sa gorge, il se débattit comme il le put avant de cesser de respirer.
-Wivin !
Key accourut vers moi, passant ses mains sur mes ailes.
-Je vais bien, et toi ça va ? Tu n'es pas blessée ? Demandais-je en passant mes doigts sur son visage.
-Ça va souffla t-elle en fermant les yeux. Tu dois atteindre les portes, maintenant !
Je la serrais contre moi un peu brusquement, respirant à fond et m'élançais dans les airs, j'y arriverais Plus vite de cette façon.
Un vent violent vint s'engouffrer dans mes ailes, m'empêchant d'avancer aussi vite que je ne l'aurais voulu, en bas, les siphons fixaient le ciel, les yeux vides, ils allaient déclencher une averse dans peu de temps. Je jetais un coup aux phœnix qui, postés devant l'entrée, empêchaient plus d'adversaires d'entrer grâce à leur feu dévastateur. Cachés derrière un mur de flamme maintenu par ces immenses volatiles, des archers continuaient de tirer, abattant nombre de nos ennemis. Si les siphons parvenaient à leurs fins, nous serions perdus.
-Isis ! Hurlais-je en atterrissant, c'est maintenant !
La directrice se tourna vers moi, leva les paumes vers le ciel tandis que de minuscules gouttes commençaient déjà à venir s'écraser sur ma peau, ses yeux devinrent aussi transparent que de l'eau et un éclair de lumière s'échappa de son corps, entourant Mystia d'un halo lumineux. Lorsque le déluge fondit sur la terre, la pluie se mit à glisser sur le dôme immense qui nous recouvrait, gardant notre feu protecteur à l'abri. Je gardais un œil sur la directrice qui était comme figée par sa manipulation quand une nymphe se jeta sur moi en hurlant, elle griffa violemment mon visage avant que je ne l'écarte, j'enfonçais mes doigts dans ses épaules mais elle se débattait avec rage. C'est alors qu'une chose étrange se produisit. Lorsque mon regard captura le sien, elle mit moins de fougue dans ses gestes, lentement elle cessa de bouger et resta plantée là à me fixer, la bouche entrouverte. Je fronçais les sourcils, ce n'était pas normal, quelque chose se passait au fond de son regard, une lueur blanche dansait dans ses pupilles.
-Wivin !
La voix de Key me tira de mes réflexions, je me tournais pour voir qu'elle luttait contre deux hommes, faisant barrage afin qu'ils n'atteignent pas Isis.
-Reste ici ordonnais-je à la nymphe.
-Je reste ici, oui répéta t-elle d'une voix mécanique.
C'est alors qu'un éclair de lucidité vint me frapper. Son regard fixe, le fait qu'elle répète mot pour mot ce que je lui avais ordonné et Plus étonnant encore, qu'elle y obéisse. Je l'avais manipulée mentalement. Je jetais un coup d'œil vers elle en m'éloignant et constatait qu'elle restait toujours à sa place au milieu du chaos qui faisait rage tout autour.
-Key ! Je suis là !
Je levais la main en direction d'une des deux créatures maléfiques et une lumière vive vint s'écraser sur l'homme qui tenait mon amie par le bras, dans un hurlement strident, il décolla du sol pour atterrir quelques mètres plus loin. Décidément, c'était de mieux en mieux. Je relevais Key et me jetais aussitôt sur le deuxième homme, c'était un elfe mais des marques étranges striaient son visage, on aurait dit des genre de tatouages tribaux qui lui donnaient un air effrayant. L'un de ses yeux était blanc, barré d'une cicatrice rosée. Il m'attrapa a la gorge et serra si fort que j'eus du mal à repousser sa main.
-Le règne de Mandrac sera établi.
-Pas... tant que je... que je vivrai !
Mes yeux se révulsèrent tout à coup, mon corps se mit à trembler et la lumière blanche et aveuglante qui avait pris possession de moi un peu plus tôt fit sa réapparition, obligeant l'elfe noir à reculer. D'étranges dessins se gravèrent sur mon visage, je pouvais les sentir me chauffer la peau, créant de drôles d'arabesques partout. Je plaçais mes deux mains autour de son cou et laissait échapper un cri rauque alors que sa peau fondait lentement sous mes doigts. Au bout d'un moment, son cou se rompit et sa tête roula aux pieds de la directrice toujours figée.
-Wiv...
Je me tournais brusquement vers Key qui me fixait d'un regard effrayé, sa lèvre inférieure tremblait et elle semblait être sur le point de pleurer. Tout autour d'elle, des formes blanches et noires se déplaçaient au ralenti, je reconnus Julian, se battant sous une lumière immaculée, luttant contre un troll dégageant une ombre violacée et froide. Un nouveau pouvoir. Sans que je ne puisse l'en empêcher, les gravures commencèrent à se rétracter, retraçant les courbes dans le sens inverse, une douleur brûlante envahit ma peau tandis que la lumière m'abandonnait de nouveau. À bout de force, je tombais à genoux, soutenu par Key qui était arrivée à temps, ma vue brouillée m'empêchait de faire quoi que ce soit, si le champs de bataille m'avait paru parfaitement net et visible jusqu'aux âmes des guerriers, il n'était maintenant qu'un tableau flou animé de formes se déplaçant les unes sur les autres, méconnaissables.
-Je ne vois plus rien articulais-je difficilement, je ne vois plus...
-Calme toi Wivin, regarde moi, montre moi.
Ses doigts chauds passèrent sur mes joues tandis que je braquais mes yeux dans sa direction.
-Là. Continue de me regarder, c'est en train de partir.
Le voile se dissipa peu à peu, laissant apparaître le visage inquiet de la nymphe. Un léger sourire fendit mes lèvres lorsqu'un râle étouffé attira notre attention. Je me tournais rapidement et mon souffle se coupa net, les mains posées au sol je n'arrivais plus à bouger, je ne ressentais plus rien, je n'entendais plus rien, ça ne pouvait pas être arrivé, pas maintenant, pas comme ça. Je me relevais en titubant, avançant dans sa direction, son corps s'écroula alors entre mes bras.
-Non, pitié, non pas ça, restez avec moi pitié.
Une larme s'échappa de son œil vide et sans vie, ses lèvres entrouvertes ne laissait plus échapper un soupir, sa poitrine ne bougeait plus. Un mince filet de sang s'échappa de ses oreilles et de sa bouche tandis qu'une pluie torrentielle commençait à s'abattre sur moi, sur nous tous. J'avais échoué. Je n'avais pas su la protéger. Je n'avais pas su tous les protéger. Je serrais son corps tout contre moi, gelé par les trombes d'eau dévastatrice, sous les cris des phœnix qui s'éteignaient, sous les plaintes de mes alliés qui s'étouffaient dans l'épaisse fumée provoquée par l'extinction des feux. Mes larmes se mélangeaient à la pluie, trempant de plus belle le corps de celle qui nous avait tous aidé à nous découvrir. Son prénom résonnant au centuple dans ma tête. Isis.

                                       FIN

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