5. Gerald

251 12 0
                                    

— C'est toi, l'envoyé de Fiore?

Un homme de taille moyenne, pas très musclé, aux cheveux d'un vert profond et aux tatouages noirs contrastant avec la peau blanche de ses bras, m'observe du fond de ses yeux vert bouteille.

— T'as des origines Caelumiennes?

— Si oui, je ne suis pas au courant.

— Ouais... Ça m'étonnerait quand même un peu... Après, je traine pas avec les Târakâ depuis très longtemps.

Ravi de savoir que je ne suis pas le seul à avoir des doutes.

— Tu sens pas la rose, dis-moi, reprend-il soudain.

— C'est justement pour ça que j'étais venu dans la salle de bain, grimacé-je. Donc si tu pouvais t'éclipser le temps que je m'en occupe, ça m'arrangerait.

— Oh, c'est bon, fais pas ta prude, j'suis un mec...

S'il connaissait maître Bob, il comprendrait à quel point je me fiche de son sexe. Il part néanmoins en poussant un grand soupir.

En sortant de la salle de bain, je trouve Namida en train de ranger mes affaires dans l'armoire. Elle me sourit quand elle me remarque.

— Ah, vous avez fini! Le dîner est prêt, je me suis permis de faire un peu de rangement en vous attendant, dit-elle en indiquant un plateau, sur le bureau, duquel se dégage une odeur alléchante. Malheureusement M. Târakâ a eu un contretemps, il ne pourra donc pas manger avec vous.

— Ce n'est pas grave, répliqué-je du tac au tac en lui rendant son sourire. Et merci pour le repas.

Le lendemain, je suis réveillé par des coups frénétiques à ma porte. Porte qui s'ouvre aussitôt, révélant un jeune garçon frêle aux cheveux et aux yeux blancs. Il porte une longue tunique de la même couleur. Il me faut quelques instants pour distinguer sur son visage de fines arabesques également couleur neige.

— Le petit-déj' va être servi, dépêchez-vous! s'exclame-t-il avant de partir en claquant la porte.

À peine arrivé en bas après vingt bonnes minutes d'errance dans les couloirs, je tombe sur le gamin qui m'a réveillé.

— Venez, c'est par ici! s'exclame-t-il en pointant du doigt une des grandes portes du hall.

Je le suis alors dans une immense salle éclairée par deux vitraux à gauche et une immense baie vitrée à droite, depuis laquelle je peux apercevoir les jardins que renferme le bâtiment. Les murs et le plafond en pierre sont quasiment inondés de sculptures aux motifs floraux et animaliers, desquels émergent parfois une forme humaine ou des candélabres. Au milieu de cette ménagerie se trouve une longue table recouverte d'une nappe blanche et croulant sous les plats de toutes sortes. Une vingtaine de personnes déjà en train de manger complète le tableau.

Le garçon m'emmène à l'extrémité de la table. Certaines des personnes attablées me font les gros yeux quand je passe devant eux. Au bout, Asamashi Târakâ me sourit entre deux bouchées de pain et désigne le siège à sa gauche pour que je m'y installe. Je fais face à une femme qui ne doit pas avoir plus de quarante ans mais dont les mèches blanches au milieu de sa chevelure bleu roi laissent à penser qu'elle a vieilli prématurément. Une fine spirale rouge orne son front. Concentrée sur son assiette, elle ne me remarque que quand Târakâ prend la parole.

— Je vous présente ma femme, Yûmeijin. Yûmeijin, Gerald Fernandes, l'envoyé de Fiore.

Ladite Yûmeijin lève les yeux et, aussitôt, les ouvre en grand, son visage se décomposant. Elle se reprend un quart de seconde plus tard et se construit une moue dédaigneuse, comme si j'étais la chose la plus dégoûtante qu'elle ait jamais vue. Après un rapide coup d'œil à son mari pendant lequel son expression devient indéchiffrable, elle prend la parole d'une voix faible et légèrement rauque.

So close, no matter how far [tome 2] [En pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant