Humain

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Severus s'était raidi à la dernière phrase.

Après tout ce que lui avait raconté Harry, il était évident que le sort de James Potter lui était parfaitement indifférent, mais Hermione avait remarqué sa réaction à la mention de la mère de son ami. Le sort de Lily Potter, ou plutôt Evans, à cette époque, semblait manifestement beaucoup plus lui importer que celui de son futur époux. Il n'était pas bien difficile d'en conclure qu'il avait éprouvé-qu'il éprouvait, des sentiments pour elle. Des sentiments qui dépassaient apparemment ceux d'une simple amitié. Fallait-il y voir la source de son futur comportement ? De sa froideur ? De sa haine envers Harry... voire même de son engagement envers Voldemort ?

Parce qu'il était évident que le jeune homme qui se tenait devant elle, ni dans son comportement ni dans ses raisonnements, ne nourrissait aucun des idéaux prônés par le Mage Noir, même si en public, et au contact permanent de dizaines de graines de Mangemorts, elle comprenait qu'il était bien obligé de 'suivre le mouvement'. Ne serait-ce que pour survivre dans sa Maison. Aucun Mangemort en puissance digne de ce nom ne se serait soucié d'interdire à un Elfe de Maison de l'appeler 'maître'. Comment allait-il réagir lorsqu'elle lui dirait...

Severus s'était de nouveau plongé dans ses souvenirs, et cette fois, il devait en étudier tous les détails, car il paraissait parti depuis beaucoup plus longtemps que la première fois, lorsqu'il émergea, en chancelant, de la Pensine. Il tituba jusqu'à l'un des fauteuils, sur lequel il se laissa tomber, les bras étroitement serrés autour de lui, comme pour contenir une nausée persistante. Il semblait avoir totalement oublié Hermione et l'endroit il se trouvait, et gardait les yeux fixés, sans les voir, sur les flammes qui dansaient dans la cheminée, en se balançant légèrement d'avant en arrière. À un moment, une larme glissa le long de sa joue et alla se perdre dans son cou, sans qu'il marque aucune réaction.

Hermione réchauffa la cafetière, après lui avoir jeté un sort de remplissage, et sans un mot, posa une tasse fumante à sa portée. Au bruit du léger tintement de la porcelaine dans sa soucoupe, il leva vers elle des yeux ravagés. Il lui fallut plusieurs secondes avant qu'il ne se ressaisisse un peu et semble la reconnaitre. Il la remercia d'un signe de tête. Le liquide brûlant parut le faire sortir de son hébétude, et peu à peu, à l'abri du rideau de ses cheveux, il reconstitua son masque lisse et inexpressif.

—Ce n'est pas la peine, vous savez ! Offrit-elle doucement, avec une légère appréhension.

Il releva brusquement la tête vers elle.

—De quoi parlez-vous ?

—Ce n'est pas la peine d'occulter vos sentiments. Pas avec moi. Non seulement je n'ai aucune intention de vous trahir, mais je ne pense pas qu'il soit très... pardonnez-moi ma franchise, sain pour vous d'Occluder en permanence. Ça... ça finira par vous rendre presque... inhumain ! Pour le peu que j'ai pu voir de vous depuis hier, vous êtes quelqu'un de bien, Severus. Je comprends parfaitement que face à la plupart de vos... condisciples de Serpentard, vous soyez obligé de le cacher. Que c'est même très certainement littéralement une question de survie au sein de votre Maison, mais passons un marché, voulez-vous ? Dans cette pièce, restez vous-même, cela vous aidera à libérer le trop-plein de tension qui vous étouffe.

Une lueur dangereuse s'alluma au fond des yeux du jeune homme.

—De quoi vous mêlez-vous ?

Et j'ai aussi vu votre réaction au sortir de la Pensine. Je ne veux pas savoir ce que vous y avez vu, mais ce devait être assez horrible. Vous avez le droit d'être triste, voire malheureux. De pleurer même, si vous en avez besoin. Les larmes ne sont pas un signe de faiblesse, elles prouvent tout simplement que vous êtes humain. Cela ne sortira jamais d'ici, je vous en fais le serment.

Dans l'ombre du tempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant