Chapitre 6 : Religion

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Tate – Dimanche 13 février

J'aimais le dimanche, généralement. C'était un jour où nous pouvions être tranquilles. Il y avait bien la messe le matin, mais jamais mes amis ne m'obligeaient à les suivre à la bibliothèque l'après-midi contrairement au samedi. De toute façon, j'y allais souvent de mon propre chef, mais symboliquement cela rendait les choses différentes.

Mais étrangement, ce matin-là, les choses m'apparurent différemment. Un mal de tête atroce me détruisait les tempes et j'avais la sensation d'être collé à quelqu'un, sans pour autant me rappeler de grand-chose de la veille. J'ouvris les yeux brutalement, me demandant si j'avais fait une bêtise et fus soulagé de constater un visage entouré de cheveux roux. Ce n'était qu'Harley. Je soupirai et le réveillai en bougeant maladroitement ma jambe, lui donnant un coup de pied. Les lits n'étaient pas faits pour dormir à plusieurs.

Il entrouvrit les yeux et marmonna quelque chose avant de se redresser d'un coup avec les yeux ronds. Je me retournai et poussai un cri de surprise en serrant ma prise sur les draps. Je n'étais définitivement pas dans ma chambre. Il y avait trois garçons qui nous fixaient, deux accoudés au matelas, un troisième dont la tête dépassait du lit superposé. Je compris sans mal qu'il s'agissait des colocataires de mon ami qui étaient de la génération inférieure. Ils n'avaient qu'un an de moins que moi.

« Salut ! osa le premier, un blond aux yeux émeraude.

- Tu es le premier mec d'Harley, s'émerveilla le brun aux yeux sombres.

- Il est bon au lit ? demanda en riant le troisième avec ses dents écartées depuis son perchoir.

- Les gars, laissez Tate tranquille, vous allez me le coincer, souffla mon amant.

- Oh, c'est lui, Tate ? recommença le deuxième.

- Ça va être l'heure de la messe, vous devriez vous lever. »

Celui-là, le premier qui m'avait salué, venait de laisser planer un silence de mort dans la pièce. Je levai les yeux sur l'horloge murale de leur chambre et me vidai de mes couleurs. Je ne dormais jamais en dehors de ma chambre. D'ailleurs, effectivement, encore nu et poisseux de la veille, j'empestais l'alcool. Comment m'étais-je retrouvé ici alors que j'étais Easton et Adonis, à la base ?

Harley se releva comme s'il n'était pas fixé par trois paires d'yeux, se baladant nu dans sa chambre pour aller ramasser nos vêtements empilés en vrac sur la chaise de bureau. Caché sous les draps, je me mis à rougir en me rendant compte de la situation, passant du blanc à la même couleur que la peinture qui recouvrait les murs.

« Tate, je te présente Steve, le blond qui est le seul un poil mûr dans cette chambre. Le deuxième c'est Alan, celui qui te regarde actuellement d'en haut. Enfin, Vanish c'est le petit couillon par terre qui s'extasie à peu près sur tout ce qui me concerne. Du plus vieux au plus jeune.

- Tu veux bien répondre à nos questions ? enchaîna le-dit Vanish.

- Non, il ne veut pas et vous allez sortir, trancha le roux en enfilant son pantalon. Il ne réussira jamais à s'habiller si vous continuez à le fixer comme ça.

- Dommage, » fit traîner Alan.

Puis les garçons se dispersèrent, vaquant à d'autres occupations. L'un se rendit dans la salle de bain pour se préparer pour l'église, le second commença à chercher quelque chose dans un sac enfermé dans un casier, le troisième se mit à compléter un cahier des tâches que je ne connaissais que trop bien. J'en profitai pour enfiler toutes mes affaires aussi rapidement que je le pus, puis je sortis encouragé par mon amant qui me rappela qu'Adonis devait s'inquiéter. Je saluai tous les jeunes et allai rejoindre ma chambre qui n'était pas beaucoup plus loin.

          

En entrant, je trébuchai sur un livre posé devant la porte tandis que le regard glacial de mon colocataire se tourna vers moi. Il pinça les lèvres aussitôt, fronça les sourcils et me fonça dessus pour m'agripper le col. Instinctivement, je me crispai en me disant que je ne l'avais jamais vu aussi fâché. Ses joues étaient rouges et ses doigts serraient suffisamment mon haut pour que je susse qu'il tremblait. J'esquissai un rictus désolé, je l'étais sincèrement. Il me lâcha, ne réussissant pas à prononcer le moindre mot, balança ses mains, irrité. Weaston sortait de la salle de bain lorsqu'Adonis réussit enfin à exprimer le fond de sa pensée avec un ton qui ne laissait plus aucune place au doute : il était furieux.

« Tu te rends compte de l'inquiétude que tu m'as causée ? Je t'ai attendu toute la nuit ! Jamais tu n'as dormi ailleurs, tu aurais au moins pu me prévenir que tu ne reviendrais pas et que tu dormirais avec Harley !

- J'étais avec Harley, tu le savais, je ne pensais pas que...

- Tu étais complètement bourré, je pensais qu'il te ramènerait dans notre chambre, bordel ! J'ai peut-être dit à Easton que je ne me sentais pas capable de te gérer car j'étais un peu éméché moi aussi, mais je suis revenu dans notre chambre et je pensais... je ne sais pas, que tu ferais pareil ? C'est stupide dit comme ça. Mais tu aurais au moins pu me prévenir, c'est tout !

- Ne crie pas trop fort, le calmai-je, pitié, j'ai super mal à la tête. Je suis désolé de t'avoir causé du souci, ce n'était pas mon intention. Je ne me souviens plus de grand-chose, mais s'il y a bien une chose que je sais, c'est qu'Harley ne m'aurait jamais fait prendre aucun risque. D'ailleurs, tu le sais très bien.

- Vous auriez juste pu prévenir, grogna-t-il avec une moue. Maintenant que tu es là, il te reste cinq minutes avant qu'on parte à l'église. Tu vas donc aller prendre ta douche fissa car tu pues, Weaston est sorti. Si tu n'es pas devant moi à l'heure, je viendrai te sortir de la douche en te trainant par les cheveux et je suis capable de t'emmener nu dehors pour me venger de l'inquiétude que tu m'as causée. »

Aussitôt demandé, aussitôt exécuté. Je filai dans la salle de bain pour me jeter sous le jet d'eau que j'allumai à l'aveugle sans vérifier la température. Je me savonnai donc sous une température plus glaciale que celle extérieure, me grisant jusqu'aux os. Je sortis donc rapidement pour me brosser les dents et les cheveux avant de me rendre compte que je n'avais pas pris d'uniforme propre. Je pris l'ancien pour le mettre en boule dans le panier prévu à cet effet puis sortis avec encore le tissu imbibé d'eau sur les épaules pour ouvrir mon armoire à la volée et y attraper des vêtements que j'enfilai sans réfléchir.

« Je constate que tes menaces sont plus efficaces que ce que je pensais, se moqua Weaston avant de s'attirer un regard noir d'Adonis. Je n'ai rien dit. Tate, tu feras attention, tu as mis ton pantalon à l'envers. »

Je baissai la tête pour constater qu'en effet, la braguette était sur mes fesses. Le brun me fixait avec dépit, les bras croisés, guettant l'horloge murale. Je ne l'avais jamais vu aussi fâché depuis bien longtemps et c'était la première fois qu'elle m'était destinée, ce qui suffisait à me mettre dans un état de stress que je n'avais jamais encore atteint.

« Tu as dépassé le temps d'une minute.

- J'ai presque terminé, le suppliai-je.

- Tu es habillé n'importe comment, remarqua-t-il. Ne bouge pas. »

Il s'était avancé en parlant et vint reboutonner ma chemise sans sauter de trou, puis il remit correctement ma cravate pour qu'elle ne fût plus de travers. Il lissa les pans de ma veste et baissa les yeux sur mes chaussettes en haussant les sourcils.

Bluesfield [Boy x Boy - en réécriture]Where stories live. Discover now