Loukez

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Le repas se déroula sans réelle surprise. La bâtisseuse, une pointure dans son domaine, s'avéra passionnante. Amalia doutait qu'elles se soient bien entendues hors contexte professionnel, mais Melania correspondait parfaitement au profil recherché par ses patrons : une personne créative et peu regardante sur la paye. La sorcière raccompagna la jeune femme jusqu'à son taxi quand il fut évident que la fatigue rendait leur échange inutile. Elles convinrent d'un nouvel entretien, le lendemain, pour une visite des bureaux d'architectes.

Amalia s'assura de voir le véhicule disparaître dans le trafic clairsemé du milieu de la nuit avant de retourner à une tout autre préoccupation : où était Malo ? À cette heure, le club accueillait plus de fêtards que de professionnels. Elle ne la trouva ni dans la foule de danseurs ni derrière le bar. Amalia décida de revenir un autre soir et d'aller rejoindre Okoro.

Les mains dans les poches, elle chemina sur le trottoir d'une petite rue autorisée aux voitures. Après plus de deux semaines passées à Dubaï, elle ne comprenait toujours pas pourquoi tous les humains n'usaient pas des services d'enchanteurs pour se déplacer en ville. Ces engins, silencieux, fermés, froids, lui tiraient un frisson de dégoût. Les sorciers s'y habituaient bien, lui avait-on assuré. Le mal des transports, après quelques expériences, disparaissait. Pas pour elle.

Au coin de la rue, quelqu'un fumait, assis sur un muret. Amalia sourit. À l'odeur, ce n'était pas du tabac. Un joint. Parfait. Elle n'avait plus fumé de shit depuis sa rencontre avec Kentigern. Elle ralentit en s'approchant de la silhouette nonchalamment installée dans l'ombre.

« Bonjour, commença-t-elle en arabe. Est-ce que je peux vous acheter un peu de... oh ! Malo ?

— Madame Elfric ? »

Amalia se figea sans savoir quoi dire. Gênées, les deux femmes restèrent quelques instants silencieuses, puis l'humaine rit et demanda :

« Vous fumez du shit ? Vous ? Une sorcière ? »

Elle ne se méfiait pas...

Bien sûr qu'elle ne se méfiait pas, elle n'en avait aucune raison. Il était impossible pour Malo de se douter que la sorcière, de l'autre côté du téléphone Yasard, avait assisté à son altercation avec le Breton sur la plage.

Indécise, Amalia hocha la tête. Malo l'invita à s'asseoir à côté d'elle d'une main pendant qu'elle sortait une petite boite en bois.

Pourquoi restait-elle là ? Kentigern l'avait prévenue : ce n'était pas ses affaires. Elle n'avait aucune raison de s'inquiéter, aucune raison de sympathiser avec Malo, mais l'humaine était bretonne. Amalia prit soudain conscience de combien la Bretagne lui manquait. La Bretagne, Wilma, Cédric, Abby...

« Vous m'accompagneriez, Madame Elfric ? C'est tellement rare d'avoir des clients qui fument...

— Appelle-moi Amalia, s'il te plait, demanda la sorcière en prenant place à côté d'elle.

— Amalia, très bien, répondit Malo en commençant à rouler un cône.

— Et charge-le, je tiens bien mieux que toi. »

Discuter n'engageait à rien, autant profiter. Après quelques taffes silencieuses, Malo entama la conversation d'un :

« Tu viens souvent au Kaminn ces derniers temps... Qu'est-ce qui t'y amène ?

— Rendez-vous pro. Je recrute pour un cabinet de bâtisseurs. Le fédéral est ma langue natale, je m'occupe d'accueillir les fédérés qui voudraient travailler pour eux.

— Pas mal comme job. Tu bosses là dedans depuis longtemps ?

— Non. Je ne suis ici que depuis deux semaines...

La Sorcière d'AonWhere stories live. Discover now