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Brigade criminelle de Paris 8h36 -

Le commissaire Neuberg fila dès qu'il eut franchit le pallier du 36 à la machine à café, sans même un salut à l'égard de ses collègues. Plus rien n'allait dans son esprit. À croire que tout gambergeait vers les nimbes de la perdition. On était en Juin et la chaleur qui s'était abattue sur la capitale n'arrangeait pas les choses. En ce moment il se sentait comme un mort-vivant. Entre la fatigue et l'irritation quotidienne, il n'en menait pas large. Comment pouvait-il y remédier ? Il approchait de la cinquantaine, ingurgitait un tas de médicaments sensés le remettre sur place, n'avait pas de vie de famille car il n'en avait jamais été capable. Toutes ces petites choses l'horripilaient au jour le jour.

La tasse à la main il s'adossa au mur du deuxième étage de la brigade, le regard lacunaire posé sur le bout de ses chaussures.
Il pensait aux affaires actuelles qui régnait dans les bureaux du 36. En fin de compte il ne pensait pas car il ne se tramait rien. Néant, exceptées les accoutumées histoires de viols, d'agressions ayant tourné aux coups et blessures... l'accalmie a duré trop longtemps s'était-il dit. Ce n'était pas qu'il avait soif de meurtre et d'affaires sordides mais la chose était indéniable : il s'emmerdait royalement.

- Je vous dérange commissaire ?

La voix si particulière du commandant Descarouges fit l'effet d'un soubresaut dans l'esprit du commissaire Neuberg. Le commandant était un homme fort particulier. Bedaine proéminente, cheveux ras, plaqués sur son crâne tels des racines incrustées dans la terre gelée dû aux températures hiémales. Il pouvait faire preuve d'une érudition incroyable mais également de la pire mauvaise humeur qu'il soit. Neuberg le surnommait « l'homme aux deux visages », mais se tenait à ne pas le divulguer sous peine d'algarades inutiles. Cela faisait exactement trois ans qu'ils coopéraient, lui et son adjoint. Ils formaient une paire particulièrement opérante en matière de résolution de crimes. Il ne leur fallait habituellement pas moins d'un mois pour dénicher le meurtrier, le mobile et toutes les bagatelles administratives. Bien-entendu à l'aide de leurs sous-intendants, principaux protagonistes. Eux deux pensaient, les autres exécutaient.
Simple comme bonjour aurait dit sa mère.

-Qu'y a-t-il Descarouges ? Un souci ? Fit-il d'un timbre de voix mielleux.

- Je voulais savoir, répondit-il.

- Mais savoir quoi commandant ?

- Ce qui vous tracassait en ce moment. Cela est clair comme de l'eau de roche commissaire. Vous semblez perdu dans une de ces contrées lointaines dont vous seul détenez la clef.

- Un simple coup de fatigue, ne vous-en faites guère. Un ou deux traitements et je serai soyeux et rutilant comme de la soie. Qu'en dites-vous ?

- J'en dis que vous dissimulez bien votre jeu. J'ai reçu un appel du divisionnaire ce matin même. Comme cela vous débarrassez le plancher, c'est définitif ? Auriez-vous eu la négligence de vous barrer en douce comme si de rien n'était ?

- Vous ne savez rien de plus que le divisionnaire mais les éléments déterminants sont là. Je m'en vais, j'ai d'ailleurs prévu de ranger mon bureau dès ce soir. Je suis sincèrement désolé Descarouges. Mais les contingences de la vie me mènent droit dans le mur. Je ne vous serai plus d'aucune utilité. Veuillez avoir l'amabilité de comprendre mon choix.

- Je n'userai d'aucun subterfuge pour tenter de vous faire changer d'avis, dit-il déçu.

- Vous savez donc ce que cela signifie commandant ? Vous êtes promu au rang de commissaire jusqu'à la prochaine rentrée. Ensuite cela sera à vous de prouver que vous êtes à la hauteur de ce prestigieux poste.

- Je ne vous décevrais pas. Bonne continuation commissaire, dit-il en lui tendant la main. Restons en contact.

- Avec plaisir, répondit-il en serrant la main de Descarouges.

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