Lorsque j'entrai dans la salle de classe, le professeur Arson était déjà assis à son bureau, la tête penchée, probablement sur la théorie de son cours.
Je laissai tomber mon devoir sur le bureau, ce qui lui fit lever les yeux.
— Voilà les quinze pages, lui dis-je sèchement, tout juste avant de lui tourner le dos et d'aller m'asseoir entre Grace et Lina.
Arson ne fit aucun commentaire, se contentant toutefois de vérifier si j'avais bel et bien rempli toutes les lignes, puis rangea le devoir dans son cartable. La classe se remplit rapidement, sans surprise. Après tout, les fantômes représentaient le point culminant du paranormal. Tout était basé autour d'eux d'après ce qu'on disait.
— Bienvenue dans la classe des Poltergeist, dit Arson avec un sourire charismatique.
Je vis Lina papillonner des yeux en le regardant. Quelle idiote !
— Quelqu'un peut-il me donner la signification d'un Poltergeist ? demanda Arson.
Plusieurs mains se levèrent et ce fut finalement Grace qui eut le droit de parole.
— En allemand, ce terme désigne un Esprit frappeur, répondit-elle. Ils manifestent leur présence par des bruits contre des murs, des cris, des déplacements d'objets, des clignotements de lumière et parfois par des apparitions d'entités.
— Bien. Maintenant, quelqu'un pourrait-il me dire comment entrer en contact avec eux.
Je songeai qu'il fallait être malade pour penser une seule seconde à communiquer avec eux. Je ne pus toutefois retenir un commentaire.
— On appelle SOS fantôme, ironisai-je.
Arson claqua son cahier de notes sur son bureau, me faisant sursauter.
— Mademoiselle Vince, c'est mon dernier avertissement. La prochaine fois, ce ne sera pas un devoir que je vous donnerai, mais un allé simple vers l'Amérique, est-ce clair ?
— Oui, Monsieur, répondis-je en serrant les dents.
— Dans ce cas, pouvez-vous me donner une autre réponse que cette stupidité que vous venez de me sortir ?
— Il faut probablement se trouver dans un endroit où il y a eu des morts. Ceux-ci doivent avoir trépassé de façon suspecte. Un meurtre, par exemple. Ils ont alors décidé de ne pas suivre la lumière et rester. Toutefois, ce n'est pas une raison suffisante pour entrer en contact avec les personnes vivantes.
— Oh ! Nous avons donc une experte en crime !
J'étais justement sur le point d'en commettre un...
— Parfois, lorsqu'on croit trop en quelque chose, on peut se tromper, continuai-je. Par exemple, un coup sur un mur peut provenir de différentes sources.
— Donc, nous sommes tombés sur une sceptique, fit Arson avec un sourire narquois. Je ne suis toutefois pas surpris le moins du monde.
J'eus envie de me lever et de partir en claquant la porte, mais ce geste mettrait sans aucun doute fin à mon séjour au Dark Castle et je n'étais pas encore prête à retourner chez moi. Je voulais élucider le mystère de ces soi-disant revenants.
— Alors, prouvez-moi que les Poltergeist existent, lui lançai-je d'un ton effronté.
Le reste de la classe avait suivi l'échange avec intérêt et plusieurs n'attendaient que cela ; une preuve. Arson, quant à lui, haussa un sourcil.
— Justement, fit-il, quelqu'un aurait-il remarqué quelques manifestations inexpliquées depuis le début de son séjour ici ?
Quelques mains de levèrent.
— J'ai cru voir une silhouette dans un miroir, l'autre jour, répondit un garçon.
— Et moi, j'étais devant le feu de la cheminée lorsqu'il s'est brusquement éteint, ajouta une dame.
— J'entends tous les soirs des grattements dans le salon à côté de ma chambre, dit Lina. J'ignore seulement si c'est une souris ou pas.
J'étouffai une toux pour calmer mon fou rire.
— Il y a une armure dans notre chambre, commença Grace, et chaque fois qu'on la déplace, elle revient au même endroit. Le matin, elle se tient toujours près du lit d'Or.
La salle de classe devint aussitôt silencieuse. J'en perdis l'envie de rire. J'étais à peine éveillée lorsque je m'étais levée, la veille et, lorsque j'étais revenue dans ma chambre, j'avais cru que quelqu'un avait déplacé une fois de plus la vieille armure.
— En plus, j'avais vraiment la frousse lorsque je me suis réveillée et que je me suis rendu compte qu'Or n'était pas dans la chambre. J'étais toute seule avec cette antiquité.
Je pâlissais à vue d'œil. Ma colocataire avait-elle tout inventé de A à Z pour avoir quelque chose d'intéressant à dire ou quelqu'un lui avait-il fait une farce ? Elle aurait toutefois entendu un bruit de ferraille, non ?
— J'enverrai quelqu'un vérifier, dit seulement Arson, comme si c'était un phénomène tout à fait naturel.
Je ne portai pas attention au reste du cours, un peu chamboulée par ce que Grace avait dit. J'entendis toutefois le professeur expliquer notre devoir. Nous devions, pour le prochain cours, ouvrir l'œil (et l'oreille) afin de rapporter au moins une manifestation.
— Pour cela, vous devrez vous promener dans le château et, s'il vous plaît, restez calmes si quelque chose se produit. Vous ne ferez que les énerver si vous vous mettez à crier.
Il jeta un coup d'œil vers Lina et moi en disant ces mots.
— Si jamais un Poltergeist s'avère agressif avec vous, venez immédiatement me voir, ajouta Arson très sérieusement.
Les élèves discutaient tous avec enthousiasme en sortant du cours. Je restai la seule silencieuse. Peut-être faisais-je partie d'une téléréalité sans en être consciente. Je levai la tête et cherchai rapidement les caméras, mais ne vis rien.
La plupart des gens se dirigèrent vers la salle à dîner et je suivis le groupe.
— Arrête de stresser, me conseilla Grace. Tu as entendu Arson ? Il a dit qu'il allait envoyer quelqu'un nous débarrasser de cette armure.
— Il n'a pas réellement dit cela...
— Non, mais je lui fais confiance. Et rien ne prouve que ce tas de ferraille ne soit possédé par un esprit. Peut-être que quelqu'un nous as joué un mauvais tour pendant qu'on dormait.
Elle se tourna vers son petit copain.
— Ce ne serait pas toi, par hasard ? demanda-t-elle à Patrick.
Celui-ci secoua la tête négativement en continuant à manger.
— Si tu as peur, tu n'as qu'à venir dormir avec moi en attendant que cela soit réglé, suggéra-t-il. Je suis sûr que la direction comprendra.
— Oh ! Tu es trop gentil ! s'exclama Grace en l'embrassant.
— Et moi ? m'enquis-je. Vous allez me laisser seule ?
Grace et Patrick haussèrent les épaules.
— Toi qui ne crois pas aux Poltergeist, tu sembles avoir la trouille, me dit Patrick en ricanant.