Aujourd'hui

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La vie vous apprend à composer avec ce que vous avez, et non avec ce que vous pouvez avoir. Cette phrase est d'autant plus vrai lorsque vous n'avez rien, et que vous êtes certain de ne rien obtenir, de personne. Je ne suis rien, et je ne souhaite pas devenir quelqu'un. Seule m'importe la journée que je vis, en ne pensant pas au lendemain. J'étais seule, et je comptais le rester. Ne compter sur personne tel est mon leitmotiv.

Ce jour là, comme tous les autres j'étais de corvée de nettoyage. La maisonnée, ou plutôt la villa, était immense. La première fois que j'y ai mis les pieds, c'était l'année de mes huit ans, après ma rencontre avec le mercenaire Airland. Bien que je ne garde que très peu de souvenir de ce jour là, je me rappelle de ces yeux bleu. Le reste est un flou total. Il me déposa dans sa demeure, et je ne le vis depuis que très rarement, pour ainsi dire jamais. Il faut préciser que la bâtisse était si grande, qu'on aurait pu y loger tout un village sans pour autant y croiser quiconque . Je me souviens de la peur qui me tenaillait la première fois que je vins ici : j'étais terrorisée, j'avais froid et tout m'était inconnu. 

Aujourd'hui, j'étais au service du mercenaire Airland, devenu Lord Airland. J'étais en quelque sorte, sa femme de ménage. Malgré le fait que nous vivions sous le même toit, je ne le croisais jamais, et se fût ainsi pendant des années. Cette villa, comme j'aime à le rappeler était immense, et comportait une grande forêt avec des milliers d'hectares où vivaient des centaines de personnes. La villa principale, était habité par Lord Airland et sa famille ainsi que sa garde rapprochée. Les autres disposaient de chalet de haut standing au cœur de la forêt.

Lord Airland, bien que fort riche. appréciait la simplicité de sa vie dans la forêt,  du moins, c'est ce que je pensais.

Officiellement, je n'étais à leur service que depuis un an. Avant, je faisais office d'aide ménagère dans les cuisines. Puis un jour, Lady Priceless, la tante de Lord Airland, me fit appeler dans le grand salon, et  m'imposa ce poste, j'étais maintenant aide ménagère en « haut », ce qui équivalait à dire, que je m'occupais du haut, et n'avais plus vocation à travailler  "en bas".

Pour comprendre, il faut se plonger dans la hiérarchie de cette maison. En lisant mon histoire, vous comprendrez que bien que nous soyons au XXIe siècle, nous utilisons les termes de lords et de ladys. Lady Priceless, âgée d'au moins une centaine d'année, (d'après mes observations) tenaient à ménager les conventions sociales et exigeaient que le personnel donne du "lady " et du "lord" aux personnes de la maisonnée. Personnellement, je trouvais cela désuet si ce n'est absurde. Mais nous, les "esclaves" à son service, nous n'avions pas vraiment notre mot à dire. Parallèlement à cette catégorie ô combien ridicule, une hiérarchie existait entre les domestiques. Il y avait ceux du "bas" les cuisiniers, les gardes du bas, et ceux du "haut" en charge du service et du ménage.

En théorie, cela constituait une réelle progression dans la hiérarchie des domestiques. En pratique, cela m'obligeait à côtoyer des personnes qui ne m'inspiraient guère confiance. Des personnes qui, j'en avais peur, seraient tôt ou tard mes bourreaux. Bienvenu dans la famille Airland, où l'argent et le pouvoir  n'est rien comparé à la soif de vengeance. 

Depuis bientôt un an, je m'évertuais à me fondre dans le décor et à ne pas attirer l'attention de quiconque. Je me refusais à regarder qui que ce soit dans les yeux, de peur de les provoquer involontairement ; Ce qui faut comprendre avec le clan Airland, c'est qu'un rien pouvait provoquer une guerre. Un regard, un geste, une parole a priori inoffensive pouvaient être mal interprété. Pour en avoir fait l'expérience, la colère des Airland, était fulgurante, vive puis, tout se calmait, et devenait paisible, un peu comme le calme après une tempête. On aurait dit une pièce de théâtre où chacun avait un rôle à jouer et où personne ne savait lequel. J'observai alors en silence cette scène qui à bien des égard me paraissaient factice. Comme si, tout ceci n'était qu'une mascarade pour occulter quelque chose d'autre.

Ce jour là, j'avais pris mon service comme tous les matins, à huit heures précises, je servis Lady Priceless accompagné de ses enfants, Andy, Charles et Tina. Bien que tous adultes, ils se comportaient néanmoins en grand enfant, et chahutait à tout va. Je leur enviais cette connivence, cette chaleur, ce lien indéfectible qui les liaient les uns aux autres. Je ne connaissais pas toute la famille Airland, mais ces quelques personnes dégageaient une telle gaité, que j'avais plaisir à les servir. Il est évident que personne ne m'accordait un regard, pour eux, je n'était que la bonne qui leur servait leur repas, je n'avais aucun intérêt.

Lady Priceless, qui siégeait en bout de table, était toujours affublée de son éternelle écharpe violette, et de sa robe couleur fuchsia, qui ne saurait dissimulé son embonpoint. Ses yeux, d'un vert émeraude et son nez crochu lui donnaient un air de petite fouine. Ses cheveux, striés de blancs, étaient attachés en un chignon sévère qui enlaidissait son visage. Qui aurait pu croire que cette femme, disgracieuse au premier abord mais pourtant agile et perspicace, était en réalité âgée de 200 ans ? (Cela, je ne l'appris que bien plus tard...).

A sa gauche, se trouait Tina, habillée à la dernière mode, robe noire ultra courte et moulante , qui rehaussait la blondeur vénitienne de ses cheveux. Un maquillage parfait accentuait la beauté de ses yeux verts, sans aucun doute hérités de sa tante. A sa droite Andy et Charles, qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau, bruns et cheveux châtains, se disputaient quant à savoir qui conduiraient la porche rouge, nouvelle acquisition de lord Airland. 

Alors que je m'apprêtais à servir le thé, je fus pris d'un violent malaise, des sueurs froides, se glissaient dans mon dos et mes mains se mirent à trembler. J'eus comme un mauvais pressentiment  comme si quelque chose de grave allait arriver. Je reconnaissais le symptômes d'une catastrophe éminente, bien que cela fit plus de 10 ans que je n'en fis pas l'expérience. Ce que je savais, c'était que dans quelques minutes, quelques chose de grave, allait arriver, et qu'il y aurait des morts. De cela, j'en étais sûr.

Voyant mon malaise, Lady Priceless m'interrogea : vous ne vous sentez pas bien ? Mon enfant, vous auriez dû rester au lit ! Quelle idée de travailler dans un tel état ? Je ne saurais dire si elle faisait preuve d'un réelle sentiment de compassion ou simplement d'une vive contrariété à l'idée que je puisse contaminer la maisonnée ?

Je n'eu pas l'occasion de lui répondre car mon regard croisa le rayonnement rouge d'un laser, synonyme d'une arme longue distance qui s'apprêtait à viser Lady Priceless. Oubliant ma panique et ma promesse de tout faire pour rester cacher, je sautais sur elle et criais aux autres de se mettre à couvert. Une fusillade se préparait. Je poussais Lady Priceless  et la trainait sous la table. Pendant ce temps, Andy et Charles sortirent des armes de leur vestes et Tina de sa robe. Par quelle miracle avait elle réussi à cacher une arme dans une robe aussi légère ? Cela restait un mystère...

Des tirs furent échangés et des impactes de balles se firent entendre de part et d'autres pendant une bonne dizaines minutes qui me sembla une éternité. Puis le silence. Un très long moment de silence. Je priais, et suppliais que personne ne soit touchée.  Lady priceless s'évanoui ce qui me permettais de voir sous la nappe les dégâts causés, et c'est là que je vis une marre de sang. Mon sang. C'est là que la douleur se fit ressentir, j'avais pris une balle dans l'abdomen mais trop occupée par l'ampleur de la situation, je n'avais pas pris conscience que j'avais été touché. J'essayais de bloquer l'afflux de sang en mettant ma main sur la plaie béante mais cela ne changea rien. Mes mains tremblèrent et mes yeux se baignèrent de larmes. J'allais mourir sans avoir vécu, j'allais mourir sans connaître le bonheur. Ce furent mes dernières pensées jusqu'à ce qu'un voile noir se couvre devant mes yeux.




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⏰ Last updated: Jun 11, 2018 ⏰

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Entre deux rivesWhere stories live. Discover now