Prologue

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— Un deux trois, plié, un deux trois piqué, port de bras et saut de chat.

La voix de Solange résonnait, froide, ferme et métallique dans la salle de danse. Je concentrai mon regard sur mon reflet dans le grand miroir d'en face.

— Appliquez vous Mesdemoiselles, la représentation est demain. Lucie, plus tendue ta jambe, Claire, soigne ton cambré, tu ressembles à un sac à patates avachie comme cela.

La répétition touchait à sa fin, mes muscles étaient douloureux et je sentais l'agacement me gagner.

— Bien, Maya tu restes après, tu dois absolument retravailler les portés, Dominik nous rejoint.

Je soupirai, ce n'était clairement pas le bon soir. C'était ma huitième heure de danse de la journée et j'ignorai pourquoi, aujourd'hui tout m'avait semblé aller de travers.

Cela avait mal commencé quand, le matin même ma mère m'avait appelé pour me dire qu'elle ne pourrait finalement pas être présente à la représentation du lendemain. C'était la première fois que je remplaçais une étoile dans son rôle. Léonore s'était blessée et il m'avait été demandé d'être sa doublure pour une représentation du ballet Giselle, à l'Opera Bastille.

J'étais affreusement déçue, je travaillais comme une folle pour en arriver là, si ma mère n'était même pas là pour être fière de moi, je me demandais bien qui le serait à sa place.

Après cet affront, j'avais manqué d'être renversée par un connard en scooter. Je l'avais savamment insulté et il s'était contenté de me présenter son majeur en me traitant de « bourgeoise ». Enfin, j'avais l'habitude, je traversais tout le temps sans regarder.

Si mes problèmes s'étaient arrêté là, peut être que j'aurais pu passer dessus et enfin passer une bonne journée, mais en arrivant à l'Opéra, j'avais appris que Benoît avec qui je devais partager l'affiche dans Giselle, s'était lui aussi blessé et était remplacé par Dominik.

Non pas que je détestais Dominik, c'était un adorable garçon à l'accent allemand bien prononcé, mais il me retirait le privilège immense qu'était celui de danser avec Benoit. Benoit était selon moi le plus bel homme du monde, le meilleur danseur de la planète et surtout une source de charisme inépuisable dont l'aura nacrée rejaillissait sur ses partenaires.

Mais Benoit était blessé et je devrais encore patienter avant d'un jour pouvoir faire vibrer les planches à ses côtés.

— Maya ! aboya Solange, Si tu es aussi concentrée demain soir, l'Opera de Paris peut mettre la clé sous la porte !

— Excusez moi, soufflai-je en me reconcentrant.

Une heure de danse plus tard, je sortais enfin de la salle pour rentrer chez moi.

Le ballet, à son plus haut niveau, était quelque chose d'extrêmement exigeant, il fallait des heures et des heures de travail tous les jours. Depuis que j'étais rentrée à l'Opéra de Paris à l'âge de dix ans, il n'était pas passé une journée sans que je ne pense à devenir danseuse étoile.

C'était mon seule objectif, être la meilleure.

FélinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant