La lumière se fit. Ils étaient encerclés par une troupe de bawcks, l'épée au clair et l'air menaçant. Les trois stoltzt ainsi que les bawcks de leur escorte avaient tirés leur arme. Avec du retard Deirane les imita. Mais ils étaient inférieurs en nombre. Öta estima d'un coup d'œil leurs possibilités de retraite. La porte était trop étroite. Seuls un ou deux pourraient sortir avant que les autres ne se fassent massacrer.
— Nous savons maintenant ce que voulait dire le capitaine à l'entrée, remarqua Deirane.
Mais devant la mortification évidente de Mënim, elle regretta cette pique.
Le bawck qui semblait être le chef s'avança.
— Intrus sur territoire de Tergyl pied boueux, roi de Ruvyin. Vous prison et jugement avant exécution.
Cette phrase produisit un effet immédiat sur les trois Helariaseny. Öta laissa retomber son épée, Saalyn avait l'air si désemparée qu'elle se laissa désarmer sans réagir. Quant à Mënim, elle éclata en sanglot. Cleindorel leva un regard intrigué vers Deirane.
— Ruvyin est la ville la plus occidentale de l'Helaria continental, expliqua-t-elle. Et la guerre a commencé à l'est.
— Ça veut dire que l'Helaria n'existe plus ? intervint une des jumelles frakersen ?
— Je suppose que l'archipel doit encore résister. Ça reste un coup dur pour eux, car la forteresse de Ruvyin protège le passage vers leur capitale.
Un bawck se plaça devant Deirane et la gifla violemment.
— Silence, ordonna-t-il.
Deirane obéit en se frottant la joue. Décidément, elle était gâtée ces temps-ci.
Pendant qu'un des envahisseurs refermait la poterne, le reste de la troupe les entoura et les entraîna vers les geôles. Ils contournèrent le bâtiment en construction pour atteindre la nouvelle caserne. Une série de petites cellules de dégrisement y avaient été ajoutées. Elles étaient prévues pour une seule personne. Comme il n'y en avait pas assez pour tout le monde, les bawcks les repartirent trois par trois, sauf Deirane qui ne fut accompagnée que de Cleindorel.
Une fois la porte fermée, Deirane examina autour d'elle. En pleine nuit, la lumière qui entrait par la lucarne était insuffisante. Elle devina plus qu'elle ne vit la petite paillasse accrochée à un mur. Elle écarta sa nièce qui s'était blottie contre elle. Elle lui prit la main et l'entraîna vers la couche, espérant que ses jeunes yeux verraient les obstacles qui lui échappaient. Ce n'était qu'une simple planche de bois retenue au mur par des chaînes. Pas très confortable, ces cellules étaient destinées à des soldats saouls qui devaient rester une nuit tout au plus. Les criminels devant rester enfermés pour une longue durée avaient leurs quartiers dans la prison de la ville.
Elle s'assit un peu rudement. Un corps amortit sa chute, un corps qui poussa un cri de douleur étouffé. Il y avait quelqu'un avec eux. Finalement ils étaient bien trois par cellule.
— Qui est là ? demanda-t-elle.
Comme personne ne répondait, elle tata la forme allongée avec prudence. C'était une femme, et qui plus est une stoltzin, ainsi que la texture de sa peau le lui apprit. En lui posant la main sur l'épaule, elle sentit son corps trembler. En silence, l'inconnue pleurait. Elle était mal placée pour la réconforter.
Elle aida Cleindorel à s'allonger sur la couche, à côté de l'inconnue. Instinctivement, la jeune fille l'enlaça. Comme il n'y avait plus de place, Deirane s'allongea par terre. Elle en avait vu d'autre en vingt ans d'esclavage. Elle ne tarda pas à s'endormir.
Le lendemain matin, un rayon de soleil qui entrait par la lucarne réveilla Deirane. Il lui fallut un moment pour se souvenir où elle était et pourquoi elle dormait sur le sol. Voyant sa nièce allongée sur la paillasse, tout lui revint à l'esprit. Elle ne put manquer d'avoir une pensée ironique sur son sort : mobiliser une centaine de soldats pour la tirer d'une prison pour retomber aussitôt dans une autre. Ses articulations protestèrent quand elle se leva. Elle n'était plus toute jeune. Elle ne supportait plus aussi facilement qu'avant les nuits sur une surface dure et froide.
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La Paysanne (La malédiction des joyaux - livre 1)
FantasyCela fait quatre-vingts ans que les tyrans ont été vaincus, laissant un monde en ruine aux pluies mortelles. Ces dernières années, la chronique a été défrayée par Deirane, la belle paysanne devenue reine. Mais elle ne fait plus parler d'elle depuis...