Musiciens, cracheurs de feu, acrobates, conteurs, magiciens et diseuses de bonne aventure formaient des troupes de gentils troubadours qui passaient dans MnésIque dans le mois d'août, malgré sa petite taille. Ils arrivaient en général en fin de matinée dans des carrioles et en mulet, ou plus tard si ils étaient à pied. Ils distrayaient les villageois dès le retour de ces derniers des champs, moment auquel ils montraient tout leur talent. La plupart apportaient épices, bijoux, talismans et autres babioles (souvent faites de leurs mains) qu'ils vendaient ou troquaient contre quelque ragoût. Certains restaient deux soirs et d'autres partaient au bout de deux semaines.
C'était bien évidemment la période préférée de l'année de d'August, qui se demandait quel tour, quelle acrobatie, quelle parole pouvait se révéler magique. Sa fascination pour ces artistes voyageurs se percevaient dans ses yeux émerveillés chaque minute qu'il passait dans ces veillées de joies et de réjouissances partagées.
Aussi cette fascination se transforma en focalisation paranoïaque en fin d'été de sa dix-septième année, alors qu'il allait remplir sa gourde au puit, une après-midi. Il passait devant un joueur de luth qui accordait son instrument quand il entendit :
- Sirlia.
Ce mot n'avait qu'été chuchoté, mais August le sentait résonner en lui, comme si une note de musique se déplaçait en lui.
- Vous avez dit quelque chose ? interrogea-t-il le luthier, se tournant vers lui.
- Ein, quoi ? Non je n'ai rien dit. répondit-il visiblement géné.
Sur ce, il se mis à jouer. August, méfiant, resta à l'observer. Il remarqua que le son de l'instrument était plus faible qu'il aurait dû l'être. Mais il se souvint vite qu'il avait une gourde à remplir. Plus tard, quand il raconta l'anecdote, on se rit de lui.
Août passa, les derniers troubadours partirent, l'été se finit. L'année s'écoula assez lentement, mais l'été des dix-huit ans du jeune paysan pragmatique vint vite, et le temps des fêtes estivales arriva plus vite encore.
Un soir de spectacle, alors que nos quatre comparses s'étaient donnés rendez-vous dans l'actuelle foire au centre du village, Georges fut interpellé par une table de bras de fer.
- Approchez, Messieurs et venez vous confronter au bras de fer avec l'un des hommes les plus forts du monde, Moi ! Je vous assure que je ne rigole pas ici ! Je viens d'affronter sept hommes, j'ai gagné bien sûr, à partir de maintenant il faudra miser ! s'écriait l'ours quarantenaire à tête humaine qui tenait le stand.
Quelque chose clochait dans ce qu'il venait de dire. Il se rapprocha de l'ours prétentieux :
- Moi je mise quatre sous de bronze.
-Normalement les paris à cinq sous minimum, mais je vais faire exception pour toi, je ne suis pas timoré. Allez viens !
George senti le monde vibrer très légèrement autour de lui. Mais toute son attention de Georges se posa sur son adversaire, qui souriait nonchalamment sous sa moustache. "Quelle belle moustache'' pensa-t-il.
- Prêt ?
- Prêt !
- C'est parti !
George compris dans la seconde qu'il n'avait aucune chance contre la force de la nature qui lui faisait face. Il focalisa toute sa force dans sa paume, en oubliant d'en mettre dans son coude et son bras bascula dans l'instant suivant.
- C'était bien tenté, tu as de la force pour ton âge. Mais je gagne la mise. Moi, c'est Sam. N'hésite pas à repasser, je viens d'arriver avec ma troupe, et nous restons les dix prochains soirs .
- J'y penserais. Georges. se présenta en serrant avec attention sa main.
Et il repartit, sûr d'avoir manqué son coup. Pourtant il avait été concentré. Très concentré même ! Trop concentré, appréhenda-t-il. Sa concentration extrême l'avait fait défaillir Mais pourquoi ? Et d'où venait la force surhumaine de Sam ? Et pourquoi il avait senti tout son être vibrer par ses paroles ? Il avait dit qu'il n'était pas timoré. Non ! Plutôt... ''uipasstim''. Ou un truc dans le genre. Serait ce de la magie ? S'interrogea-t-il finalement. Il fallait qu'il trouve les autres, et surtout Auguy.
Il trouva dans les secondes qui suivirent Amy, à qui il raconta avec empressement ce dont il venait d'être témoin.
- Mais moi aussi j'ai vu de la magie ! s'exclama la jeune fille.
- Ah bon ? s'étonna son ami, la voyant mal faire un bras de fer contre un homme ayant trois fois son gabarit.
- Enfin pas le même tour que mais j'écoutais une joueuse de flûte et le son s'est mis d'un coup à chuter mais personne ne l'a entendu alors qu'elle s'est arrêtée en plein milieu sa musique elle s'est mise à tousser mais je l'ai clairement écoutée, et elle a chuchoté "èneïkem'' !
Amy n'avait pas repris une seule fois son souffle dans sa tirade.
- Il faut tout de suite trouver Auguy. conclut-il.
- Hé les gars vous devinerez jamais ! intervint un Lukas tout excité sortant de la foule.
- Si. répondit malicieusement Amy.
- Quoi ? Non, ça m'étonnerai ! je viens de voir de la magie, de la vraie, celle dont Auguy nous vente chaque jour ! La vieille parlait en faisant des... acrobaties, puis il a dit ''pussnarim'' (Remarque, règles de prononciation : ''u'' se prononce ''ou'', et toutes les lettres se prononcent en règle générale) et puis elle s'est mis à flotter dans les airs ! C'était incroyable !
Lukas n'avait pas arrêté de gesticuler pendant qu'il parlait. Il arrêta les deux actions en même temps, ce qui fit éclater de rire ses deux amis, le laissant incrédule.
- On a pu nous aussi voir de la magie, comme toi, par d'autres troubadours, mais ne tardons pas, il faut absolument trouver notre cher Auguy. dit calmement George, une fois la crise terminée.
Il le découvrirent deux minutes plus tard devant les cracheurs de feu. Lukas commença :
- August, tu dev...
- Chuut ! Leur ami avait les yeux rivés sur un homme manipulant un aux extrémités enflammées. Écoutez-le. reprit-il en le désignant.
L'homme faisait tourner les bâtons de telle sorte qu'on ne voyait deux boules de feux tournoyant autour de chacune de ses mains. Il accéléra son mouvement, transformant les boules de feux en cercles.
- Le feu est au cœur de toute chose ! racontait-il. De la vie, mais aussi de la mort. Il faut le craindre, et il faut l'admirer. ALORS MAINTENANT, CRAIGNEZ ET ADMIREZ LES ESPRITS DU FEU !
Au mot esprit, deux têtes de dragons de feu apparurent devant les cercles, retentissant au plus profond de leur être une note de chaleur l'espace d'un instant. Et l'homme continuait sa litanie :
- VOYEZ COMME LE FEU EST PUISSANT, IL RÉCHAUFFE VOS FOYERS, IL PEUT AUSSI LES BRÛLER ! SEUL LES HOMMES DES TEMPS ANCIENS COMPRENAIENT L'ESPRIT UNIQUE DU FEU.
Le clou du spectacle arriva sans tarder. Il leva les têtes de dragons vers le ciel et réunis les deux bâtons en un. Les deux têtes avaient fusionnée elles aussi, et l'unique dragon cracha un énorme jet de flammes dans le ciel, illuminant toute la place.
- Vous avez entendu ? Ce n'est pas ''esprits'' qui a fait apparaître les têtes de dragon, mais plutôt '' Sprida '', dans '' espridafeu ''. C'était de la VRAIE magie ! Ses amis échangèrent des regards, Vous me croyez pas c'est ça ?
Amy lui prit la main et s'avança :
- Si, c'est tout le contraire, on l'a entendu. Et l'énergie qui nous a parcourue, c'était...
- Réconfortant et brûlant à la fois ? essaya de finir Georges.
- C'est ça !
- Mouais, c'était à peine perceptible. affirma Lukas.
- Tu veux rire ?! s'étonna August. J'avais l'impression d'être plongé dans un four de forge !
- Ah ? En tout cas j'ai senti beaucoup plus fortement la magie de l'acrobate, là-bas au fond. dit-il en désignant un cercle de spectateur où une homme femme sautait à plus de quatre mètres. August plissa les yeux.
- Tu as vu toi aussi de la magie ?
- On en a tous vu de la magie, Auguy.
- Racontez-moi. demanda-t-il, encore sous le choc.
Et c'est ce qu'ils firent. À la fin de leur récit, ils décidèrent d'aller chacun de leur côté pour glaner un maximum de vocabulaire magique, pour se retrouver plus tard et interroger quelque troubadours. Ce fut pour eux une grande surprise quand ils virent ceux qui avaient usé de la magie étaient réunis autour d'une table à rire et à boire, content de leur journée.
- Tiens, nous avons des invités. Venez, n'ayez pas peur. déclara un joueur de tours jusqu'alors masqué. Son visage était remarquablement beau pour un âge presque avancé, se cheveux étaient cendrés mais en abondance et ses yeux bleus-violacé, vous envoûtaient par leur couleur profondeur.
Les quatre comparses avancèrent à tâtons, August commença :
- Nous aimerions vous posez quelques questions, si ça ne vous dérange pas.
- Salut Georges ! C'est le gamin à la poigne de fer dont je vous parlais à l'instant. expliqua Sam à la troupe.
- Salut. Répondit l'intéressé, rougissant.
- Aucun problème, allez-y. reprit le vieil envoûteur.
Ils ne se firent pas prier.
- Que veut dire Sprida, ènaïkim, kulorakim et kulorikim ?
- Et pussnarim, passnurim et pissnerim ?
- Ou encore èneïkim et meriatim ?
- Sans oublier uissptim et tamrim ?
- Et plus personnellement pourquoi vous n'enlevez pas vôtre masque quand vous faites des tours ? Vous êtes terriblement plus convaincant.
À peine avaient-ils commencé à énumérer les mots qu'ils avaient perçus que les troubadours se tendirent, se regardant entre eux avec une méfiance non dissimulée. Seul le joueur de tours semblait garder son sang froid.
- Et bien... Je vais d'abord répondre à ta première question. dit-il en fouillant dans sa besace. Justement, certains disent que je suis TROP convaincant, et c'est en premier lieu trop simple, (ah la la où est-ce que je l'ai encore mis) et en second lieu cela donne un aspect terriblement plus mystérieux. Il m'arrive de montrer mon visage à une personne en plein tour, cependant, ça fait toujours son effet. Ah voilà, je l'ai retrouvé ! Il ressorti un paquet de cartes et en pris une.
- Regardez cette carte attentivement. Faites-vous la passez, allez-y !
- Quel est le rapport avec...
- Vous allez voir. C'est bon ? Elle vous paraît pas truquée ? Parfait, redonnez-la moi.
Tout en la reprenant cela, il lui fit faire de deux un tour sur elle-même et la prit à deux mains.
- Je vous expliquerai ça en détail, pour l'instant appropriez-vous cette carte. Elle n'est pas truquée, vous vous en êtes assurés ? Parfait ! Redonnez-la moi. Laissez-moi vous la présenter, car l'as de pique est une carte unique dans un jeu. On la surnomme la Pointe Sombre, la Noire Destinée ou l'Unique Jugement. Mais je vais essayer de vous prouver qu'elle n'est pas si unique que ça.
- Et...
- Attends encore, jeune impatient. Cette carte, on la retrouve dans chaque paquet, pourtant c'est LÂKHarte.
Ce mot magique était emplie d'une puissance telle que les quatre curieux sentir vibrer tout leur corps et leur vision se troubler l'espace d'un instant. Déséquilibrés ils crurent voir flous en voyant que le vieil homme tenaient maintenant un as de pique dans chaque main, mais ils s'aperçurent vite qu'ils ne rêvaient pas.
Tout souriant, le magicien annonça au reste de la troupe :
- Pas besoins de vous, Troubadours du Paprika, ces jeunes gens ne veulent pas nous nuire, ils ne font que découvrir la magie. Tenez, examinez-les.
- Quelqu'un aurait pu attisé leur curiosité dans ce but, Silem, ça n'aurait pas été difficile. objecta d'un ton méfiant celle qu'August pensait être l'acrobate.
- Rosa, ils ont tous réagis de la même façon et à la même ampleur. Regarde leurs yeux un par un, et dis-moi ce que tu vois.
- Elles sont absolument identiques ! s'étonnait August en levant la tête.
- Moi je ne vois que quatre petits loups émerveillés par le tour préféré de Silem. intervint le musculeux Sam. Soit pas ronchonne, Rosa ! Nous manquons déjà à notre devoir d'hôte. Allez, venez vous asseoir autour du feu et prenez une écuelle, je vais vous servir de notre ragoût. Si, si, j'insiste !
Les bras grands ouverts et le sourire chaleureux du grand magicien eu raison d'eux, mais c'est timidement qu'ils s'installèrent dans la ronde et prirent part au repas originellement joyeux. D'abord silencieux, les discussions reprirent, ainsi que les rires et les railleries. Et les quatre hôtes furent naturellement intégrés aux discussions, comme si ils avaient été là depuis des années. Le temps ne comptait plus, l'atmosphère étais totalement détendue et le repas approchait à fin, quand Silem glissa discrètement à August :
- Alors dis-moi, jeune homme, qu'est-ce que tu penses de la magie ?
- Sincèrement ?
- Pourquoi ne pas l'être ?
- C'est vrai. Je devrais faire attention. Et bien... Je pense de la magie qu'elle peut résoudre tout les problèmes. Elle est incroyable, ses possibilités n'ont pas de limites, si ce n'est que notre imagination. Je pense que tout le monde devrait pouvoir l'utiliser.
- Et que fais-tu des mages noirs ? Des nécromans ? Des mages de sang ? Si tout le monde avait accès à la magie, pas mal de personnes vont l'utiliser pour leurs propres desseins, quitte à en faire pâtir les autres.
- J'y ai réfléchi. Mais pour moi c'est la meilleure solution, car au moins on se battra tous à armes égales.
- Une réflexion fortement intéressante pour ton âge. Il se leva et dit d'une voix puissante. Chers Compagnons du Paprika, mon choix est fait.
- QUOI ?!! s'écria Rosa. Tu ne vas pas quand même leur proposer...
- Le Pacte des Sept Esprits, si, exactement, et comme je l'ai dit à l'instant. Chère Amy, cher Lukas, cher George, et cher August je vous invite à rejoindre notre humble compagnie, mais aussi à apprendre la magie.
- Je m'y oppose !
- Tu sais bien que tu ne peux pas si tu es seule, et je ne vois personne ici, pas même toi, à qui leur présence a dérangé ce soir. Les règles du Pacte sont claires, chère Rosa.
- Mais...
- En quoi consiste ce pacte exactement ? s'intercalla August. J'ai entendu des troubadours l'évoquer entre eux, sans vraiment comprendre pourquoi. Serait-il lié à la magie ?
- Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un engagement en tant que voyageur de la Route de l'Ombre.
- Sérieux ? Vous nous proposez vraiment de venir avec vous et de nous prendre comme apprenti ?! C'est... incroyablement dingue, je suis de la partie.
La voix et le regard de Lukas témoignait d'une envie brûlante, presque démentielle. Ces rêves d'aventures et d'exploration allaient se réaliser !
- Pas si vite, cher Lukas. Avant cela, on va vous laisser jusqu'à la veille de notre départ, dans treize jours, pour vous décider si oui ou non vous vous intégrez à la modeste compagnie du Paprika. Prenez le temps de réfléchir, c'est à vous de choisir dans quel chemin vous allez vivre, nous ne vous obligeons à rien. Mais sur ce, finissons de souper et vous retournerez chez vous vous reposer, il me semble que vous avez des obligations vis-à-vis de vos familles. Sam, je t'ai déjà dit que tes ragoûts étaient les meilleurs que je n'ai jamais manger ?
- Au moins un million de fois, il faut tu n'en as jamais goûté d'autres...
Et la conversation continua sans plus de débat sur la question mais l'air autour de la ronde s'était alourdi. Les rares paroles des troubadours étaient banales, respectant le choc de leurs jeunes hôtes.
Quand ils finirent enfin leur repas et partirent poliment, ce fut dans un calme oppressant qu'il débuteront leur retour à leur maison.
Lukas, qui n'y tenait plus au bout de quelques secondes entonna un flot interrompu de paroles et de gesticulations frénétiques pour exprimer son agitation et sa joie.
August lui répondais presque machinalement, un peu mal à l'aise. Il se posait ses propres questions, de son pragmatisme habituel. Devait-il suivre la voie qu'il rêvait depuis tant de temps ? Ou devait-il suivre son devoir de premier né auquel il s'était voué cœur et âme, depuis la naissance d'Hélena et qu'il avait commencé à travailler dans les champs ?
George, plus en retrait, tremblait de peur. Cette proposition était pour lui un cauchemar, la pire chose qu'on pouvait lui dire. Car ses meilleurs amis, Lukas et August, qu'ils considèraient plus que comme des frères, allaient partir. Sans aucun doutes possibles, quitte à le laisser seul. Et Amy aussi allait les suivre, il en était persuader. Mais aurait-il, lui, le courage de quitter la chose qu'il aimait le plus au monde, son village ?
Amy se tenait encore plus loin derrière lui. Elle était perdue. Son visage était inexpressif, et pour la première fois de sa vie, elle ne savait pas quoi penser. Rien. Son esprit était vide, et son corps, livide.
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AlchimIque
FantasyDans les sombres dédales de MaléIque, August se morfondait sur son sort. Alchimiste passionné, il était près à tout pour faire avancer ses recherches, quitte à fabriquer drogues et poisons. Mais laissez moi vous raconter son histoire avant d'émettre...