La pluie et l'entraînement avaient la merveilleuse conséquence de me faire tomber de fatigue sur mon lit. Tremblant de froid et courbatu, certes, mais pour une fois je m'endormis sans difficulté. Pourtant, les rêves ne tardèrent pas à revenir. Un rêve dément, stupide, où les Dragons de toutes formes, de toutes couleurs passaient et repassaient dans mon esprit. Des mots s'articulaient sans que je puisse es comprendre, des noms anciens, oubliés, sans que je sache à qui les attribuer.
Je vis Virhys et sa gueule flamboyante. Je vis un Dragon fantôme et translucide aussi vieux et tranquille que les étoiles. Je vis un Dragon noir et vif aussi jeune qu'un buisson. Un Dragon vert long et souple, au regard sage comme un vieil empereur. Je vis des formes, des couleurs, des sensations qui se superposaient sans que j'ai le temps de les analyser et de les comprendre.
Tout à coup, une immense ombre rouge, aussi forte qu'une montagne et grande comme le ciel surgit, sa chaleur me brûla le visage comme la lave et un grondement sourd, profond comme le cœur de la terre s'éleva. Son grondement bienveillant me fit trembler de la tête au pied et me tira brutalement de mon sommeil, la poitrine oppressée et le cœur affolé.
Je me roulais en boule sous ma couverture, serrant les paupières. Ces foutus Dragons ne pouvaient pas m'accorder quelques heures de repos ? Je voulais dormir, me lever, manger, dormir, m'entraîner, manger. Comme je l'avais toujours fait. Je ne voulais pas de tout ce bordel de Dragon et de mots magiques qui me faisaient saigner du nez.
Mon pouce caressa mon majeur et le contact de ma peau m'exaspéra. Je m'efforçais de penser à autre chose et me retrouvais à contempler mon plafond de dessins de gosse. Je le connaissais si bien que je pouvais voir les traits de craie dans le noir. Inévitablement, mes pensées retournèrent vers mon rêve.
Je n'avais rien vu du Dragon rouge, sinon sa taille et sa couleur, j'étais incapable de me rappeler sa gueule ou son regard. Pourtant, je savais que je l'avais déjà vu. Un doute violent me serra soudainement le cœur. Je me redressais et grattais une allumette en veillant à ne pas réveiller les autres.
Mes yeux cherchèrent avidement parmi les gribouillis sur le mur. Des chevaliers, un Roi, une famille, mes amis et moi combattant les elfes gris, je passais sur sur ces dessins sans leur prêter attention. Mes doigts s'arrêtèrent quand le halo lumineux éclaira un bout d'aile rouge. L'allumette s'éteignit.
J'avais la gorge serrée dans le noir, à genoux dans mon lit, les doigts sur le mur froid. J'étais de nouveau ce gosse de sept ans qui avait dessiné son cauchemar sur son mur pour l'apprivoiser sur les conseils d'Armelle.
Les mains tremblantes, je craquais une nouvelle allumette. Le halo jaune et lumineux éclaira aussitôt le dessin du Dragon Rouge qui parut me sauter à la figure. Le geste était maladroit, les traits irréguliers et les membres disproportionnés, mais c'était bien lui.
Une immense Dragon rouge écarlate, sur ses quatre pattes, les ailes écartées, avec une gueule béante pleine de crocs. Devant lui se trouvait une minuscule silhouette, la silhouette ridiculement petite d'un gamin de sept ans dont le cœur battait si fort que sa poitrine allait exploser.
L'image de la gueule du Dragon me faisant face me revint au moment précis où l'allumette s'éteignit en me cramant les doigts. Pris d'une soudaine urgence inexplicable et vitale, j'en craquais une troisième, allumais ma lampe et fouillais dans ma caisse à trésor sous mon lit. Je finis par retrouver mes craies usées mais encore utilisables.
Le mur était inégal, je n'avais pas dessiné depuis des années et je n'avais jamais eu le moindre talent. Pourtant ma main bougeait frénétiquement sur le mur irrégulier, la craie rouge déposant des traits précipités. Je ne savais pas ce que je faisais, ce que je voyais était l'image et la gueule du Dragon qui me hantait depuis mes sept ans dans le fond de mon crâne. Je sentais ma main bouger pour suivre ces traits terrifiants, reproduire ces yeux jaunes qui me fixaient sans faillir, cette gueule entrouverte aux crocs saillants.
J'entendais mon souffle haché, je sentais mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine menaçant d'exploser. Mon crâne paraissait enfler, siffler, hurler, rugir, le sang battait dans mes veines. La migraine était insupportable, me vrillait derrière les yeux, transperçait mes tempes, brisait mon crâne. Ma main bougeait de plus en plus vite, l'image du Dragon devenait de plus en plus précise dans mon esprit, je pouvais voir ses écailles, sentir son souffle, entendre sa respiration grondante, voir l'éclat de ses yeux.
Je finis pars ombrer dans un sommeil noir et profond sans même finir mon dessin.
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L'éveil des oubliés
FantasyTome 2 - The Hidden King Après avoir échappé aux geôles de Judicaël et découvert qu'il était le fils du Roi-Dragon, Alec retourne auprès de Briag pour obtenir des explications. L'Ancienne Magie a réveillé avec elle les espoirs et la révolution n'att...