Aujourd'hui je l'attends, je me doute pourtant qu'il ne viendra pas. Voilà trois semaines qu'il est parti, laissant derrière lui quelques habits et sa petite boîte en bois, si belle et précieuse, où il cache son herbe.
Je me dis que, s'il revient, ce sera probablement pour retrouver cette petite boîte.
Cette pensée me fait pleurer. Je suis tellement dépendante des hommes que je rencontre, je lutte tout en sachant que le combat est perdu d'avance.
Celui-là est pourtant plus important que les autres. Il m'effleure depuis tant d'années. Je peux tout lui raconter, de mes ruptures, de mes tristesses, de mes amants, il garde un œil amusé. Avec lui, mon désir est brûlant. La dernière fois qu'il est passé à la maison, c'était pour passer une semaine. Il venait de déménager à l'étranger avec sa femme et ses enfants.
Il était là, à portée de mains.
Une volée d'escaliers et j'aurais pu discrètement entrer dans ses draps, me frotter contre ses jambes, comme font les chats et avec ma petite langue de feu je serai partie m'abreuver à la source, boire goulûment, doucement, de son petit lait.
Il m'aurait sûrement laissé faire, les hommes sont comme cela. Et j'aurais fait de mon mieux pour que son corps se souvienne de moi.
Je n'ai pas osé.
Je suis pourtant montée, un soir, avec la ferme intention d'en finir avec mes satanés fantasmes. Je me suis arrêtée sur le pas de sa porte.
Si seulement je pouvais être ce petit chat noir qui se faufile dans sa chambre, dans ses draps, qui se glisse entre ses mains. Je me suis concentrée, j'ai fait le vide, j'ai poussé la porte. Il n'était pas là mais le chat, lui, trônait sur le lit. Alors j'ai senti un éclair, comme un flash, mon sang s'est mit à bouillir, je me sentais dégoulinante, de sueur et de cyprine, j'ai ôté mon slip, j'ai chassée le chat et je me suis glissée dans ses draps.
Il y régnait son odeur.
J'ai plongé mon nez dedans, j'ai reniflé profondément. J'ai fait glisser un coussin entre mes cuisses. J'ai serré le coussin comme si c'était sa tête entre mes cuisses. J'ai frottée le coussin fermement. Je lui en voulais de ne pas être là. J'espérais bien qu'il allait rentrer et me surprendre dans cette position. J'aurais aimé le tuer, l'étouffer entre mes cuisses et jouir sur sa dépouille. La honte m'a reprise, j'ai eu tout à coup très peur. Peur que quelqu'un ait entendu ma pensée, peur que mon fils ne me surprenne. Je me suis levée, ai retirée la taie d'oreiller, l'ai remplacée, suis allée voir mon fils qui dormait profondément. Il est beau, très beau.
Je suis retournée dans la chambre de l'invité, j'étais encore excitée, la honte provoquée par mes pensées s'était noyée dans la beauté de mon fils, dans son sommeil profond.
Il dort, donc il est rassuré, donc je suis une bonne mère.
J'ai remis la taie humide, la taie coupable sur l'oreiller. J'ai entrebâillée la porte.
J'ai replacée l'oreiller entre mes cuisses et j'ai présentée mes fesses au ciel. J'ai prié Dieu de me pardonner. J'avais envie qu'il rentre, oui qu'il rentre en moi, non pas Dieu, ou oui, enfin, pourquoi pas ? Ce serait si simple. Mais non, pas Dieu, ni l'archange Gabriel, ni Métatron mais mon invité, mon meilleur ami, mon confident, mon fantasme... J'aurais voulu qu'il voie mon croupion, sans mentir, la seule partie de mon corps encore resplendissante ; oui, qu'il voit mon croupion en l'air et qu'il comprenne.
Evidemment les hommes comprennent ces choses là !
Il serait venu silencieusement, puis, passé la surprise de découvrir une petite montagne posée au milieu de son lit ; il aurait découvert une grotte, il se serait rapproché pour la regarder de près. Quel trésor recèle-t-elle ? Est-ce une source d'eau pure, un volcan, un nid de serpent ? Il aurait rapproché son nez pour mieux répondre à ses doutes légitimes. Il aurait senti l'extraordinaire chaleur émanant de ce trou troublant, et cette odeur enivrante. Il aurait hésité puis finalement, au lieu d'y plonger son nez, il aurait sorti la chose et, doucement, lentement il l'aurait fait entrer. Moi je n'aurai pas bougé d'un pouce, splendide nature morte offerte au tout venant, montagne sacrée pour retraite paisible. Tout au plus aurais-je mordu mon avant-bras, pour mêler douleur et plaisir.
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Dans la peau des femmes
RomanceSe mettre dans la peau des femmes que l'on rencontre, imaginer leur vie intime et se donner un rôle principal. Ces histoires ont parfois un fond de vérité, mais je ne puis m'empêcher de pousser la porte du fantasme et embellir mes souvenirs.