Histoire : Si je reste
Chap : 4-
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Pris de curiosité, je m'empressais d'ouvrir d'autres enveloppe. Mes doutes se confirment, cet homme est bel et bien mon père. Apparemment ils s'aimaient d'un amour sincère tout les deux.
Je les revois cette fois ensemble sur une photo, ils sont au bord d'une plage, derrière il est écrit : ''Le plus beau jour de ma vie''.
Dans une autre enveloppe je découvre une lettre soigneusement pliée, tout ce qu'il me fallait pour être fixé. Elle date de 6 ans après ma naissance et ce n'était pas l'écriture de ma mère. Je la lis avec empressement.
''Ma chère Sountou. J'espère que tu as reçu le colis qui accompagne cette lettre, il y a dedans plein de photos de moi et certains de mes affaires. À toi de décider de les donner ou pas à notre fils. Comme je te l'ai dit au téléphone je pars en mission, en guerre si tu veux. Je ne sais pas si je reviendrai en vie. Je ne sais pas si un jour je reverrai mon fils en chair et en os. Nos parents ont tout fait pour nous séparer et ils ont réussi Sountou. Désolé mais je ne pouvais pas leur tenir tête quand ils m'ont demandé de cesser de te voir et oui ils ont été mis au courant que je venais à ton village, en plus tes parents ne m'appréciaient pas non plus, me tenant responsable de tout ce qui t'arrive. Pourtant la seule erreur que l'on a commise a été de nous aimer et d'avoir fait un enfant. Aujourd'hui nous avons tout les deux grandi mais les sentiments que j'ai pour toi demeurent purs et sincères, empreints d'amour et de passion. Je m'en veux de ne pas t'avoir épousé mais j'aurai plombé ma carrière si je l'avais fait. Tout ce pourquoi je me suis toujours battu. J'aurai perdu ma famille en plus ta mère t'aurait tué et pire ton père n'aurait jamais accepté de me donner ta main. Je suis au courant qu'il t'a frappé quand il t'a surprise au téléphone avec moi, c'est pourquoi je préfère t'écrire des lettres et j'attends que tu m'en écrive aussi. J'espère que personne ne tombera dessus. Tu vois il y a tellement d'obstacles à notre union. Je suis fatigué de me battre ma chérie, je dois m'en aller loin de toi et de ma chair, notre enfant. Si je reste, que se passera-t-il? Si je reste qu'est ce que j'aurai à lui offrir? Qu'en sera-t-il de notre histoire? Si je reste me pardonnera-t-il un jour? Je préfère être lâche et partir. Je suis conscient d'avoir gâché ton avenir mais pour me faire pardonner je te promet que je prendrai soin de mon fils jusqu'à ce qu'il soit majeur si je suis encore en vie. Je sais qu'il fera bientôt ses premiers jours d'école, il a six ans normalement, ne t'inquiètes pas je paierai tout et je t'enverrai mensuellement de l'argent pour toi, pour que tu poursuive tes études si toute fois je ne me fais pas tuer ici. Tout ce que je veux en retour c'est que tu ne lui parles jamais de moi. Il n'a pas à me connaître. Jamais je dis bien, celà pourrait flinguer ma carrière et freiner mes ambitions . Je deviendrai général ou colonel peut-être dans quelques années. Je ne voudrais pas avoir la mauvaise réputation d'être le fils de riche qui a engrossé la femme de ménage mineure chez lui et me connaître ne lui apportera pas grand chose vue que j'ai décidé d'arrêter de me battre pour notre histoire et de faire ma vie sans vous. Je t'aimerai toujours bien que nos familles n'approuvent pas notre union. Pardonne-moi d'avoir gâché ta vie Sountou. Prend soin de Mignane.''
Je remonte et relis.
Il s'appelait donc Séga Diouf.
J'ai réussi une minute à garder mon sang froid ne sachant pas quoi penser. Je dépose la feuille comme si elle pesait une tonne. C'est toute ma vie qu'elle résume.
L'homme qui a écrit cette lettre n'a pas le droit de mourir et de me laisser dans le flou avec des questions sans réponses. J'ai besoin de mettre un visage sur tout ce que je sais de lui, le minimum qu'il m'a été permis de savoir. Mais j'ai surtout besoin de calmer mes sens. Je ne peux mettre un nom sur ce que je ressens, je suis embrouillé.
Mon père est peut-être en vie. Secrètement j'espère qu'il est quelque part au fond du Sénégal entrain de crever de faim en attendant que le fils dont il ne voulait pas, vienne le chercher. Où qu'il soit j'irai le chercher et je le retrouverai s'il respire encore même s'il n'a pas envie de me connaître. Ça c'est son problème, pas le mien.
Je lis et relis la lettre, à la recherche d'indice. Mais c'est un nouveau sentiment qui me submerge : le désespoir.
J'en veux à ma mère de m'avoir caché tout ça, parce qu'au fond ça n'a pas de sens mais aussi à cet homme sur les photos pour sa lâcheté et son égoïsme. Tout ce qu'il disait dans ses écrits tournait autour de sa carrière et de sa famille. Quel père fait ça ?
Je n'ai pas demandé à naître pourtant. Ils se sont aimés, venant de deux mondes opposés. C'était à eux d'éviter ça. Je n'avais pas à subir leur égoïsme et leur problèmes et leur amour impossible.
J'en veux tellement à ma mère. Elle qui a osé en vouloir à ma femme quand on a commis la même erreur qu'elle et mon père durant notre jeunesse.
En effet, Poulméra et moi avions eu un bébé dans le passé, bien avant notre mariage. Nous étions encore au lycée et venions de découvrir nos corps, la sexualité, notre sexualité. Malheureusement nous avons perdu le bébé. C'était une fille. Tant mieux disait ma mère à l'époque.
Pourtant j'étais né dans les mêmes circonstances mais ça elle a dû l'oublier et c'est pourquoi elle n'avait jamais supporté mon épouse jusqu'à ce qu'elle tombe malade.
Je me rappelle et comprend mieux aujourd'hui pourquoi ma grand-mère ne m'a jamais aimé et n'a jamais fait semblant.
Chez eux avoir un enfant hors mariage est un crime capital.
J'étais la risée de la maison surtout pendant les matchs père et fils ou la fête de Tabaski où chaque papa sortait son mouton. Je ne voyais pas le mien. Aujourd'hui je suis plus que déterminé à le trouver.
Je range les autres enveloppes pour une autre fois et appelle mon coéquipier Ousmane.
Nous devons faire une petite enquête pour découvrir qui est mon père. Je pense que ça ne sera pas très difficile. Ousmane a des tuyaux dans l'armée, il peut accéder à leur base de données et connaître les soldats qui sont allés en guerre cette année-là.
Je laisse tout entre ses mains et continue de mener ma vie monotone avec mes sœurs et ma femme.
Je n'avais pas revu mon frère depuis mais j'avais entendu qu'il est en Europe pour la soirée d'un célèbre chanteur sénégalais. Contrairement à nous, mon frère vit la belle vie. Son homosexualité lui a ouvert des portes apparemment.
Il a son appartement et sa voiture, voyage quand il veut et rencontre des célébrités. On le parraine même à des soirées.
Mes sœurs et moi crevont quelques fois sous le poids des factures mais jusqu'ici nous tenons bon et n'avons pas encore tendu la main bien que nous ne manquons pas de personnes riches dans la famille. Nous nous suffisons juste à ce que nous avons.
Par ailleurs j'attendais impatiemment le résultat des recherches de Ousmane concernant mon père. J'aimerai savoir s'il est mort au combat ou s'il est rentré sain et sauf chez lui ou au pire des cas s'il a choisi de vivre hors du Sénégal. Je voulais savoir.
J'étais même déconcentré au travail à force de penser à ça, même au lit parfois je n'arrivais pas à régaler ma femme. Elle était tout le temps sur sa faim et le fait que je m'en voulais ne réglait rien et ne faisait qu'accroître ma charge mentale.
Je m'efforçais donc à agir comme un homme, en tout cas du mieux que je pouvais mais c'est surtout pour rassurer mes deux sœurs et la férue de mode que j'ai épousé.
Et ce jusqu'à ce qu' Ousmane me revienne enfin avec des réponses.
Mon père était en vie me fit-il savoir.
Ça m'a fait bizarre. Le hasard fait bien les choses. J'ai su à cet instant que je devais aller le rencontrer. Il est resté en vie, il m'a attendu.
- Cet homme a vraiment gravi des échelons dans l'armée, c'est un héros national. D'où tu le connais ?
Je ne lui avais pas expliqué qu'il s'agit de l'homme qui a participé à ma procréation.
- Tu te rend compte que cet homme a sauvé des milliers de gens. Il a participé à la libération du Tchad.
Je m'en fous Ousmane dis-je dans ma tête. S'il a sauvé des milliers de gens alors qu'il m'a laissé crever celà n'a aucun intérêt.
- Tu as son adresse ?
- Oui je pense que je l'ai noté quelque part dit-il en sortant un carnet de son sac.
Sicap liberté 3...
- Ça te dit qu'on y aille là ?
- Mais bien-sûr j'ai hâte de rencontrer ce héros dit-il tout excité.
Ahhhh ce héros !
C'est donc sur ces mots que nous nous rendons à sicap, à l'adresse indiquée. Mais une fois sur les lieux, on nous dit que l'homme que l'on recherche n'habite pas ici. Ma déception était palpable. La maison en question était à vendre. Désespéré je m'assois devant la porte en me demandant ce que j'allais faire.
- Allons demander au plus vieux suggère Ousmane. Peut-être que ceux qui vivent là sont arrivés y'a pas longtemps et donc c'est normal qu'ils ne le connaissent pas.
- Tu as sûrement raison.
La première dame que nous rencontrons nous demande si c'est la police et nous dit qu'elle n'a rien fait.
Nos têtes de flics sont-elles si facilement repérables ?
Je suppose que oui.
Nous nous en allons demander à un groupe de vieux d'environ la soixantaine.
- Séga Diouf menn mi. Je le connais très bien. Sa famille a déménagé ya très longtemps depuis que son père est devenu député.
- Séga lui-même était dans la politique quand il est sorti de l'armée.
- Il est devenu ministre.
- Il est toujours ministre Sah.
- Je ne sais plus ministre de quoi.
- Ay Séga !
Les commentaires allez bon train. Chacun rappelait le parcours exemplaire de mon cher inconnu de père.
Je tourne et retourne son nom dans ma tête.
Et là mon cerveau fait tilt.
Le ministre Séga Diouf, le ministre de l'intérieur.
C'est lui.
C'est donc lui mon père.
Je me rappelle que moi et Ousmane avions une fois assuré sa sécurité pendant un déplacement.
Seigneur !
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#RebbeiL
9 janvier 2019
00:43