Le reveil

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Le silence complet ou presque. Il n'entendait plus rien, rien d'autre que ce sifflement permanent qui s'amusait à le torturer en passant d'une oreille à l'autre selon son humeur ou son envie. Le pire c'était lorsque, toujours sans raison, ce son strident s'immisçait pile entre ses deux tympans, provoquant à coup sûr une migraine violente. Dans ces cas-là, rien à faire, aucun médicament aussi puissant soit-il, ne pouvait même qu'atténuer cette insupportable pression à l'intérieur de son crâne.

Sur son lit d'hôpital, Arsène tentait de combattre l'une de ces migraines de la seule façon qu'il ait trouvée efficace, bien que longue et laborieuse : le sommeil. Des heures qu'il se tournait et retournait dans ce lit à essayer de faire abstraction de tout : ce bruit indomptable, cette pression constante dans sa tête, la chaleur étouffante d'un après-midi de juillet dont la lumière transformait sa fine couverture blanche en un spot aveuglant. Enfin, l'épuisement lui apporta un répit de quelques heures.

À son réveil, l'après-midi était passé depuis longtemps, il pouvait le voir à la couleur du ciel, ce dégradé si particulier que proposait le Soleil lorsqu'il s'apprêtait à se coucher. Aussi, sa famille se tenait face à lui dans sa chambre : son père et son oreillette collée au visage, sa mère et ses yeux constamment rouges depuis son entrée aux urgences à la suite de l'incident et sa petite sœur Mélodie. Les premiers jours, elle n'avait même pas compris qu'il s'agissait de lui, les bandages recouvraient toute sa tête, ne laissant que quelques trous pour qu'il puisse voir, respirer et boire. Ce ne fut que quelques semaines plus tard, lorsque les médecins le jugèrent bon qu'ils lui enlevèrent ce « masque de momie ». Ces brûlures parsemaient encore son visage, mais ne le faisaient plus souffrir. Quand Mélodie se rendit compte que la personne qu'ils venaient voir tous les jours était son grand frère, le choc fut si violent pour elle qu'elle sortit de la chambre en larmes suivie de son père. Arsène se retrouvait seul avec sa mère, les yeux rouges, appuyés par des petits sursauts de temps à autre qu'il supposait des sanglots. La voir dans cet état le rendait plus triste encore que sa propre situation, mais il fit tout pour ne pas le lui montrer, ça n'aurait fait qu'empirer son état à elle. Incapable de voir son fils comme ça plus longtemps, elle baissa la tête et tourna les talons pour rejoindre le reste de la famille hors de cette pièce qu'elle supportait de moins en moins jour après jour.

De nouveau seul dans sa chambre, ce son strident pour unique compagnie, il laissa couler une larme avant de s'évader dans un rêve où le chant des oiseaux remplaçait le sifflement de la réalité.

Il sut à ce moment-là que les prochains jours s'enchaineraient tous selon ce même schéma : ils viendraient le voir tous les jours à la même heure, dès le début des visites et ce serait à celui ou celle qui tiendrait le plus longtemps face à lui, face à cet adolescent qui ne pouvait les entendre et fermé dans ce mutisme dont il ne semblait pas vouloir sortir. Sa prédiction s'avéra juste, chaque jour ils venaient et partaient l'un après l'autre, pas forcément dans le même ordre, mais le résultat demeurait le même : cette solitude physique rendant écho à sa solitude mentale.

D'après le calendrier accroché au mur face à lui, il entamait aujourd'hui son huitième mois sans aucun autre son que celui dans sa tête. Il venait à peine de se réveiller que ses yeux lui réclamaient déjà le sommeil. C'était sa seule occupation au long de la journée : ouvrir et fermer les yeux. Au début, les médecins et les infirmiers venaient régulièrement le voir, essayant de lui parler, de le faire réagir, mais de plus en plus, leurs visites s'écourtaient, à peine un regard vers lui, ils entraient, vérifiaient le moniteur juste à côté de lui, de temps en temps l'un d'eux réajustait son oreiller ou sa couverture et repartaient. Arsène avait même parfois compté, la détentrice du record, une infirmière qu'il rebaptisa pour l'occasion « Flash » atteignit la barre des 35 secondes.

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⏰ Last updated: Jan 14, 2019 ⏰

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Le télépatheWhere stories live. Discover now