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Cela faisait deux mois que Martin avait débarqué à l'institut sans en informer quiconque. Soucieux, le docteur Véniel avait fait en sorte qu'il ne voit pas sa fille.

«Elle est en rendez-vous, avait-il dit, mais elle fait beaucoup de progrès! Elle arrive désormais à former des sons et à prononcer quelques mots, je suis très fier d'elle.»

Il avait parlé dans le vide. Tout ce qui importait à Martin était que sa fille avait réussi à lui dire une chose: qu'elle avait peur. Et il ne pouvait pas la laisser comme ça. Il avait insisté pour la voir mais, la petite fille, trop épuisée par tout ce qu'elle subissait, avait été incapable d'exprimer son désir de lui parler. Le docteur Véniel avait donc sauté sur l'occasion pour lui refuser l'accès à la chambre, arguant que le corps d'Emma, peu habitué à tant d'efforts, était très faible et ne supportait que très peu de rester éveillé pour le moment.

Martin aurait dû savoir que ces explications étaient louches. Mais partagé entre le désir d'aider sa fille et celui de la laisser s'améliorer, il choisit de partir en expliquant qu'il reviendrait prochainement pour voir sa fille.

«C'est entendu monsieur Durand, nous nous donnons rendez-vous dans quelques semaines et surtout, avait ajouté le docteur Véniel, n'hésitez pas à nous appeler avant votre arrivée, afin qu'Emma soit en pleine forme.»

Dès que la voiture de Martin démarra, le sourire du docteur Véniel s'effaça. Ils n'étaient pas passés loin de la catastrophe.

«Vous me renforcez la sécurité, plus personne, je dis bien personne, ne passe sans que son identité soit vérifiée et que je sois alerté.»

Emma, qui était accompagnée de Jenny, était surprise par cet échange. Pourquoi, alors qu'ils étaient des patients, comme à l'hôpital, le docteur Véniel devait-il être prévenu? Et pourquoi fallait-il renforcer la sécurité? Elle n'eut pas le temps de se poser plus de questions, Jenny la ramena dans sa chambre et, sur demande du docteur Véniel, resta avec Emma pour la nuit. C'était la première fois que la petite fille s'endormait aussi vite: aucun cauchemar n'avait pointé le bout de son nez, il n'était pas là non plus.

Dans la salle de surveillance, les médecins prenaient des notes sur leur patient respectif. Le docteur Véniel s'installa devant l'écran qui montrait la chambre du sujet 66. On voyait la petite fille dormir paisiblement dans son lit, couvée par le regarde bienveillant de Jenny. Il griffonna quelques mots dans son carnet et demanda l'avis de son collègue. Finalement, une petite troupe s'était formée devant l'écran et le docteur Véniel donna l'ordre:

«Jenny, vous pouvez quitter la pièce mais ne faites aucun bruit, il ne faut pas la réveiller.»

Jenny se leva mécaniquement de sa chaise et se dirigea vers la porte. A la seconde où sa main toucha la poignée, Emma se réveilla brusquement.

«Jenny?»

L'infirmière ne s'arrêta pas. L'ordre qu'elle avait reçu était clair. La petite fille se mit à tourner la tête dans tous les sens et elle commença à paniquer. Elle ne pouvait pas rester seule, il allait revenir. Comme il l'avait prédit, la petite fille se recroquevilla dans un coin de la chambre, les yeux rivés sur un point près de l'armoire. Dans le but de se protéger et de savoir si elle était seule ou non, le cerveau de la petite avait mis en place un mécanisme de défense spécial: il analysait tous les changements d'atmosphère de la pièce dans laquelle elle se trouvait. Il sourit. Le sujet 66 était vraiment des plus fascinants.

EMMAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant