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Blanc. Albâtre. Noir encre. Aile de corbeau. Blanc cassé. Blanc de lait. Noir d'Ivoire Blanc de saturne. Noir.

Les couleurs ? Elles n'existent plus ou je ne les perçois plus. Mais ce n'est pas grave, de toute manière le monde ne mérite pas toutes ces couleurs. Lorsqu'on regarde toute la violence, le sexisme, le racisme, le réchauffement climatique, la destruction de notre planète : aucun humain ne vaut ces nuanciers, ces beautés qui rendent tout différent, tout particulier, tout unique, ces colorations absolument magnifiques qui à partir de simplement trois couleurs en construisent des milliers, des milliards, voire une infinité.

Mais ces éclats ne correspondent pas à ma vie, ne me correspondent pas. À contrario le blanc et le noir colorent à m'éveille ma vie. Le blanc est la partie légère et calme, la ressemblance, la redondance, mais je ne m'en plains pas, je suis habituée. Alors que le noir, au contraire, représente ma tristesse, le vide présent partout, dans mon corps, mes yeux, mon esprit, ainsi que la perte de ma joie de vivre. La fin est là, à côté de moi, je le sais, mais je n'ai pas peur. Je l'accueillerai telle une vieille amie, une délivrance qui m'emmènera loin, n'importe où.

Mais toi, tu n'en es aucune. Tu es une stabilité inconstante. Tu es tout et rien. Tu ne peux être représenté car aucune couleur ne pourrait t'aller. Tu es une infinité et personne. Tu es partout et nulle part. Omniprésent dans ma vie. Je te sens, mais je ne te vois pas. Tu es et tu n'es pas. Une expérience ? Ou tout simplement une blague. Je ne peux te comprendre mais je ne cherche plus. Tu es toi. Et on ne peut pas te décrire, ni te narrer. Tu es unique, le plus singulier, le plus fascinant, le plus banal, le plus intrusif, le plus timide. Un être tout à fait étrange qui m'a changée.

Je marche le long de ce bâtiment d'un gris perle, vite. J'accélère au fur et à mesure de mon chemin, plus vite. Je finis par courir dans ces rues sans vie, toujours plus vite. Et toi, tu cours avec moi. D'une légèreté d'un oiseau, tu flottes sur les pavés blanc cassé. Toujours plus vite. Toujours plus loin. Et, tu m'accompagnes tel un ange gardien. Mon ange gardien. Tes regards en coin pour t'assurer que je te suis. Tu n'as plus besoin de me parler, je comprends.

Le chemin, pourtant semblable aux autres jours, me paraît différent. Quelque chose perturbe le paysage habituel. C'est alors que j'aperçois une silhouette au coin de la rue, une présence que je ne saurais décrire. Mais lorsque la silhouette se retourne, je te découvre. Toi. Ton visage muni de ton sourire apaisant. Tes bras qui accueillent mon corps. Ton odeur qui bloque mes sens. Tes yeux qui possèdent plus de couleurs que je n'en ai jamais vus au cours de ma vie.

Tu es enfin là, près de moi. Serais-tu un mirage ? Ou un rêve ? Si c'est le cas, je ne voudrais jamais avoir à me réveiller.

Tu me chuchotes quelques mots au coin de l'oreille, semblable aux mots d'un père qui voudrait consoler sa fille : ils m'apaisent dans l'instant. Après un moment, tu te détaches, et commences à t'éloigner. Je ne veux pas que ce bonheur s'arrête. S'il te plaît, ne pars pas! Mais tu marques une pause et tes mains m'invitent à te suivre. Un bout de chemin ensemble. Tes mots, simples mais d'une réalité frappante, s'infiltrent, s'intègrent en moi. Tout s'explique mais c'est incompréhensible : une vérité inconcevable. Je ne cherche pas à comprendre. On repart vers ce coin de rue, et là, tout me revient. Je n'étais pas prête, pas prête pour ce phénomène, pas prête à quitter ce monde.

J'accepte la main que tu me tends et on s'en va. Où ? Loin, très loin. Libérée, délivrée de ce monde. C'est alors que tout explose en moi : toutes ces couleurs, toute la rage, toute la douleur, tous les non-dits, tout ce que je m'étais obstinée à ignorer. La peur me dirigeait, m'empêchait, m'isolait. Mais à côté de toi, la peur n'est plus. Je renais : une nouvelle vie m'attend, avec toi.


Vous pouvez choisir de croire mon histoire ou pas. Invraisemblable, elle l'est mais n'est-ce pas la vie ? Un enchaînement d'événements inexplicables.

Au coin de la rueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant