Chapitre II: Résurgence Au Crépuscule

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Il expira, et alla chercher le Vésalien qui parlait sa langue pour lui demander où se trouvait sa tente, en espérant que le sommeil l'aiderait un minimum à se remettre en phase avec le monde.

-Toi vouloir dormir nouveau?

Ces mots sortirent d'un sourire d'amusement. Ce que Liaorme ne remarqua pas.

-C'était pas un sommeil normal.

Le Vésalien chercha des tentes pas encore pleines, et il lui en trouva une qui était là où il passera la nuit. Liaorme s'abaissa pour rentrer à l'intérieur, dont toute la gauche était déjà occupée, et il s'allongea sur le côté droit en voulant humblement donner plus d'espace dans le cas où son partenaire aurait le sommeil agité. Dorénavant il n'avait plus rien à faire, il se laissa simplement guider vers le sommeil. Il songea à ce nouveau monde. Sur les têtes de quels inconnus se trouvaient les couronnes? Quelles créations et destructions improbables de nations ont eu lieu? Qu'en est-il des arcanes? Pendant qu'il se posa ces questions, il était arrivé à ce lieu qui avait la particularité de ne laisser à son départ aucun souvenir de lui, si ce n'est des visions mystérieuses tellement étranges et différentes, que si l'une d'entre elles était belle et bien ce à quoi ressemblait réellement le sommeil, personne ne l'aurait su car cette vision aurait été noyée parmi les miroirs oniriques nous renvoyant les éventements derrière nous, les glaces cauchemardesques distordant notre image, grossissant les peurs grotesques, disloquant ce masque de quiétude que tous portent, et les éclats de boule de cristal prémonitoires, dans lesquels on raconte que le futur serait visible comme au travers d'une fente sur le mur du présent. Et parmi cette forêt de verre, peu de choses pourra résister à l'incendie provoqué par le Soleil dont l'arrivée embrasera même le ciel. Forçant l'esprit de Liaorme à quitter ce palais des glaces fondantes pour se retrouver dans un endroit aux murs en toile avare en espace et en lumière. Mais ces dernières étaient plus abondantes qu'hier soir où pas un grain de lumière ne put rendre la vision possible, et où ils avaient du partager à deux le peu d'espace dont-ils disposaient. Mais le Soleil s'était levé, et son camarade de tente s'était éveillé avant Liaorme. Il sortit de la tente et avala une bouffée d'air frais de ce jour nouveau.

Le soleil s'élevait lentement au dessus d'une bande dorée comme du sable fin bordant la mer azurée d'en-haut. Les Vésaliens terminait leur déjeuner et certains commençaient à ranger les tentes. Il alla voir celui qui parlait l'élardien et lui demanda si il pouvait avoir son repas lui aussi.

Pendant qu'il mangeait, il observa la troupe défaire le camp avec un léger goût de gêne causée par sa position de spectateur, regardant avec une impatience immature une troupe de théâtre préparant du mieux qu'il pouvait un beau spectacle. Pour essayer d'oublier ce goût amer, il demanda au gros Vésalien de répondre à une autre question encombrant son esprit depuis qu'ils les avait vus pour la première fois, le gênant à chaque fois qu'il traversa son esprit pour s'installer dans ses pensées:

-Que faites-vous ici?

-Nous chercher trésor ici.

Des pillards. Mais Liaorme ne leur en voulait pas de prendre les ruines de ce qui fut avant-hier son pays, car ils ne volaient qu'à des noms sur des inscriptions et des squelettes, et ils sortaient de l'oubli de nombreux objets inutilisés, maintenant en vie cette vielle carcasse qu'était la Lorande en injectant de minuscules parties d'elle dans les autres civilisations, parties qui au fur et à mesure y dilueront cette âme inutilisée dans les leur, jusqu'à ce que chaque cellule d'elles possède une ombre amenant vers cette contrée mythique, les faisant ressembler à terme à des petits-enfants, dans lesquels on pourrait reconnaître dans chacun d'eux la trace faible, mais persistante d'un aïeul commun et disparu, les liant par cet héritage mélancolique.

Il termina son repas un peu avant la mise en route. Au moment du départ, il remarqua le titan de métal sur la plage qui fit apparaître en lui encore une autre question entravant son esprit. Mais cette fois ci ce n'était pas une banalité que l'on pourrait presque qualifier de triviale dont il pourrait trouver la réponse en grattant la surface du décor simplement avec son regard, mais un mystère que Liaorme n'osait même pas énoncer mentalement, et qui nécessitait de se confronter à ce géant ancien qui fera réalité l'une des deux possibilités: la profanation d'un vénérable monument en exposant ses limites que la décence souhaiterait implicite, et l'autre éventualité, que l'humilité interdisait de l'imaginer. Mais sa logique transgressa brièvement cet interdit pour en déduire deux seules choses: ça ne lui serrait d'aucune utilité sur cette sur cette île, et il voyait mal comment ramener cette chose sur le continent. En même temps qu'il accepta amèrement cette désillusion, il éloigna ce mystère vers les recoins de son esprit tout en étant maintenu à distance du gouffre de l'oubli par son espoir lointain, l'espoir de pouvoir réinjecter dans le titan cette puissance qui le différenciait du tas de ferraille, faisant revenir cette illumination de gloire d'hier dans le royaume terrestre, provoquant une aube annonçant un nouveau jour heureux comme un souvenir...

Quintessence Jardin CélesteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant