18. Ma fille

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Maëlys passe près d'un mois dans ce centre social pour enfants abandonnés, ce qu'elle n'est pas. Martine ne parvient pas à régler la situation de sa sœur qui sombre dans la dépression chaque jour. Elle surmonte mal l'absence de sa fille et sa cure de désintoxication n'aboutit à rien étant donné qu'elle fait un pas en avant puis dix en arrière. Je finance du mieux que je peux son internement pour alléger les charges de Martine. Parallèlement je vais voir Angela quotidiennement pour lui demander de se ressaisir parce que sa fille est là, seule livrée à ce monde cruel, et son père ne peut pas aller la récupérer puisqu'il n'a aucun droit sur elle depuis leur séparation. J'espérais qu'elle se prenne en main et se remette sur pieds pour sa fille, pour Maëlys. Les jours passent et filent avec le temps. Un matin au bureau, je reçois un appel du centre où était internée Angela, elle vient de rendre l'âme. Puisque j'étais là personne chargée des frais d'internat et de son suivi, je suis celle qu'il fallait contacter en cas d'éventuels problèmes. Après avoir raccroché, une grande vague de peine me saisit, pas pour la mort d'Angela, non. C'était pour cette petite qu'elle a laissé seule à cause de son insouciance, pour Martine qui va devoir affronter une épreuve aussi cruelle, pour son mari qu'elle a lâchement quitté sans aucune raison. De son vivant, Angela n'était pas une sainte mais elle ne méritait pas la mort, personne ne mérite cela mais on doit tous y passer. Je prends mon courage à deux mains et j'appelle Martine et lui demande de me rejoindre à l'entreprise. Quelques minutes plus tard elle est là, comment le lui dire? Elle traverse tellement de phases éprouvantes qu'on croirait que la vie avait tronqué tout son bonheur contre un perpétuel désarroi. Je lui annonce de vive voix, sans passer par milles chemins que sa sœur est décédée. Je ne vois pas l'intérêt de la faire tourner en boucle autour du sujet, il faut crever l'abcès pour que la douleur se manifeste mais s'en aille ensuite. Elle s'est effondrée criant de toute ses forces. Elle se tire les cheveux dans tous les sens, se cogne la tête contre les mûrs, on aurait dit qu'elle devient folle, mais je la comprends, son chagrin est immense. D'abord sa mère, ensuite sa sœur, elle a perdu toute la petite famille qui lui reste , exceptée sa petite nièce qui croupit dans un orphelinat désormais. Cette épreuve a vraiment été difficile pour Martine, elle sombre dans la dépression après l'enterrement de sa sœur, elle perd son emploi et n'arrive plus à rien. Je vais rendre une petite visite à Maëlys de manière régulière parce que Martine est incapable de le faire. De plus il faut qu'elle sache pour sa maman. Je lui ai dit que sa douce maman est partie rejoindre les étoiles pour lui envoyer plein de bonheur depuis le ciel, et que chaque fois qu'elle se sentira triste elle n'aura qu'à lever les yeux vers elles et toute sa tristesse disparaîtra. Deux mois plus tard je décide d'aller voir Martine et lui faire part d'une décision qu'il me tient à cœur. Elle est chez elle, seule et tapis dans l'ombre donnant l'impression de redouter le monde extérieur.

- Martine est ce que ça va?
- Comment veux-tu que ça aille?
- Je te comprends et je sais à quel point ça peut être rude mais tu dois te ressaisir.
- Pourquoi faire? Je ne suis plus rien d'ailleurs je n'ai plus rien.
- Non, il te reste encore ta nièce, Maëlys.
- Cette pauvre petite est mieux dans cet orphelinat qu'après de moi. Je n'ai pas les moyens de m'occuper d'elle, je n'ai même plus de travail.
- Justement c'est ce qui m'amène vers toi aujourd'hui. Je souhaiterais obtenir la garde de Maëlys si tu es d'accord.
- Et pourquoi ça ?
- j'ai de la peine quand je vois cette petite dans ce lieu alors qu'elle a encore de la famille, toi. Et si tu n'es pas capable de t'en occuper je le ferai volontier.
- Non, Annah je n'ai pas envie de t'ajouter une autre charge.
- Mais qu'est ce que tu racontes ma pauvre Martine? Tu sais très bien qu'avec Guillaume, l'argent est le dernier de nos soucis.
En plus si mon propre fils Heliam ne peut pas en bénéficier autant en faire profiter ce petit trésor qui est Maëlys.
- Donc tu voudrais l'adopter?
- Oui.
- Quand ça ?
- Je commence  les démarches dès aujourd'hui si tu es d'accord.
- Tu me promets de lui donner tout l'amour qu'elle mérite?
- Je te le promets.
- Tu as tout mon soutien. J'espère juste que je pourrai la voir quand j'en aurai envie.
- Autant de fois que tu voudras. Merci pour ta confiance ma chère amie. Je te ferai un compte rendu de l'évolution des choses.

    D'un pas décidé, je monte dans mon véhicule en direction de l'orphelinat où j'établis la demande d'adoption aussitôt. Maintenant, il fallait que j'en parle à Guillaume. Avec tous ces événements, je l'ai complètement délaissé. J'arrive à la maison et je le trouve étalé sur le canapé. Je me dirige vers lui, lui fais une grosse accolade et il me donne un baiser tendre.

- Tu me manques mon amour.
- Toi aussi tu me manques chéri mais maintenant plus que jamais Martine a besoin de moi.
- Je le sais. Et soutiens la autant qu'il est nécessaire de le faire parce qu'elle nous a toujours soutenu.
- Tout a fait.
- Et comment va la petite Maëlys ?
- Justement, je voulais te parler d'elle.
- Je t'écoute, il y'a un problème?
- Tu sais depuis la mort d'Angela, je lui ai fréquemment rendu visite à l'orphelinat...
- Comment ça a l'orphelinat ? Elle n'était pas censée être dans un centre social où Martine irait la chercher?
- Elle n'y est plus. Elle a été transférée dans un orphelinat étant donné que personne n'a réclamé sa garde.
- Pourquoi Martine ne l'a pas fait?
- Elle est incapable de faire quoi que ce soit en ce moment.
- Je vois.
- Et donc le fait de la voir si triste, seule et livrée à elle-même dans ce lieu m'attriste énormément. Elle ne mérite pas ça , elle est trop jeune pour déjà affronter les farces de la vie.
- Et donc tu veux qu'on l'adopte ?
- Comment tu le sais ?
- Chérie, ça fait deux longues années je partage ton quotidien. Je te connais parfaitement et je lis en toi et dévoile même des choses dont tu crains de me faire part.
- Qu'est ce que tu en penses ?
- Je ne sais quoi te dire. Mais si tu es sûre de toi et de tes intentions envers cette petite je te suis.
- Je ne comprends pas bien ce que tu essaies de me dire.
- Tu es sûre que si tu souhaites adopter cette petite ce n'est-il pas pour qu'elle comble vide qu' Heliam a laissé ? En plus elle n'est sa cadette que d'une année, donc tu pourras rattraper tout le temps que tu n'as pas eu avec lui.
- Mais non. Je veux juste prendre soin d'elle parce que je ne supporte pas de voir un enfant souffrir.
- Dans ce cas adopte tous les orphelins de cette ville. Annah cesse de te voiler la face. Tu veux devenir la mère de Maëlys pour oublier la douleur du départ d'Heliam. Je ne dis pas que tu vas remplacer ton fils, non, cela n'est pas possible mais tu souhaites combler ce vide avec la présence de cette petite n'est-ce pas ?
- (je ne voulais pas répondre à sa question même si je savais qu'il avait parfaitement raison...) Tu es d'accord pour qu'on l'adopte oui ou non?
- je ferai tout pour toi et tu le sais. Tu as entamé les démarches ?
- Oui, ce matin.
- D'accord. Je vais appeler un de mes contacts qui pourra accélérer les chose et Maëlys sera officiellement une MANTER.
- Merci chéri. Je t'aime tellement.
- Tout ce qui fait ton bonheur, fait également le mien.

Nous sommes restés là, allongés sur le canapé à regarder son programme télévisé du soir puis le sommeil nous saisit. Le lendemain je me lève confiante et déterminée. J'ai quelque peu mis ma vie professionnel de côté lorsque je restais aux côtés de Martine. Mais cette fois, tout semble reprendre sa place. J'ai de nouveaux partenaires et en tant que PDG de l'entreprise MANTER and Co, de mon mari, je suis chargée personnellement d'entretenir des réunions avec ces derniers pour définir les enjeux de nos alliances. Je suis la bouche et les yeux de Guillaume. Si je décide de ne pas conclure une affaire, Guillaume me suit les yeux fermés. Je deviens une dure en matière d'affaires, j'arrache de prestigieux contrats ici et là et fais la fierté de mon homme. Parallèlement je mène une autre bataille, celle de l'obtention de la garde de Maëlys. Une bataille personnelle qu'il me tarde de remporter. Les jours qui suivent , je reçois une note d'information de l'orphelinat qui m'annonce que le juge m'accorde la garde de Maëlys. Je suis tellement contente, j'ai l'impression de me sentir mère à nouveau, en plus J'offrirai à cette petite perle mon amour et des conditions de vie agréable. Elle ne connaîtra plus la solitude et l'abandon. Une fois ma lecture achevée, j'appelle le chauffeur afin qu'il me conduise de suite à l'orphelinat chercher « ma fille ». En route, j'appelle Guillaume et Martine pour leur annoncer la bonne nouvelle, ils sont aussi contents que moi, surtout Guillaume qui a hâte de vivre la paternité, chose qui lui a été arrachée il y'a plus de 40ans maintenant. Il me rejoint à l'orphelinat, nous avons signé tous les documents administratifs, parlé avec la directrice des lieux et ensuite nous sommes rentrés à la maison, accompagnés de Maëlys. La pauvre petite ne comprend pas grand chose, elle n'a que cinq ans, tout ceci est bien trop complexe pour son petit cerveau. Les seules paroles dont je me souviens ce jour là c'est lorsqu'elle m'a dit «  Tata Annah c'est où qu'on va? » je lui ai répondu qu'on allait à la maison, dans notre maison et là elle m'a dit « c'est toi ma nouvelle maman? » et je lui ai répondu que je le serai seulement si elle le veut et là elle m'a dit « tu es la plus belle et la plus gentille des mamans. Je t'aime » Je me suis rendue compte que les visites que je lui rendais nous ont permis de développer un certain lien et quelle m'accepte comme sa nouvelle maman. Pour la première fois depuis longtemps j'ai versé des larmes de joie.

Tourments. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant