L'Astre et le Veilleur : Tome 2 : Des flammes dans la nuit

18 ~ Ilashan

En écoutant les aveux du vampire, Ilashan ne peut s'empêcher de repenser à Hilvar, au regard qu'il a posé sur lui et à la façon presque acquise qu'il avait de l'inviter chez lui. Comme si l'humain l'aurait forcément suivi, quelles que soient ses intentions à son égard.
Il repense aussi à l'huile issue des plantes souterraines, et à l'état de fébrilité dans lequel elle l'a mis. Sylath lui a dit qu'ils avaient d'autres substances aux effets similaires qu'ils utilisaient pour le plaisir.
Leur plaisir, ou celui des humains ? Il commence à en douter.
Mais il ne peut que croire à ce que le vampire lui raconte. Il ne l'imagine même que trop bien et se contracte malgré lui, un frisson glacé dévalant son échine.

Il ne pense pourtant pas à repousser les doigts de Sylath. Ils le touchent d'une façon beaucoup trop légère pour que ça le contrarie, mais ils le font frémir d'une façon presque aussi vive que les mots qu'il prononce de sa voix profonde.
Ce discours lui rappelle plus que désagréablement dans quel endroit il se trouve, et qui sont les gens qui le dominent.
Ils ne tuent peut-être pas d'humains, mais le sort qu'ils réservent à ceux qui ne se soumettent pas ne lui paraît pas plus enviable que la mort.

Pourtant, les excuses de Sylath sont aussi inattendues que bouleversantes de sincérité.
Ilashan ne sait pas du tout quoi en penser, incapable de réfléchir. Est-ce qu'il est prêt à lui pardonner ? Il pensait l'avoir déjà fait, sans le lui avoir dit, mais se rend compte en l'entendant parler de tous ces sévices que ce n'est pas tout à fait certain.

Ilashan ne doit son salut qu'à la chance d'avoir plu au bon vampire.
Il ne sait pas vraiment comment il doit se sentir face à ce constat. Ni veinard, ni reconnaissant, ça, il en est certain.
La respiration profonde, il se frotte longuement la nuque, puis le visage.

– Je n'aurais pas dû poser la question. Mais merci d'y avoir répondu.

Il soupire finalement, et ose affronter le regard du vampire.
Au moins, Sylath n'a pas cherché à altérer la vérité. Et cela ne change en rien tout ce qu'il s'est déjà passé entre eux, ni son envie de partir avec lui, une fois l'hiver terminé.

– Qu'est-ce qu'il va leur arriver, si un vampire décide de les revendiquer pour faire d'eux ses esclaves ? Est-ce que Thorvek pourra s'y opposer une fois qu'ils seront dans la garde ?

La même interrogation le hante pour son propre compte, sans qu'Ilashan ose la formuler à voix haute.
Est-ce que Sylath s'y serait opposé, si quelqu'un d'autre que lui l'avait choisi ? Quelqu'un de beaucoup moins patient, qui aurait préféré le plaisir de le briser à celui d'avoir un véritable compagnon à ses côtés ?
Il n'a pas envie de plaindre Dario et ses hommes, mais il ne peut s'empêcher d'éprouver de l'empathie pour eux.
Il lui a fallu du temps pour admettre que Sylath ne lui réserverait pas de tels tourments. Même aujourd'hui, il lui arrive encore d'éprouver des soubresauts de méfiance. Ilashan n'avait jamais connu d'une façon aussi vive la terreur d'être promis à un destin pareil. Une vie de torture et d'humiliation.
Il ne le souhaite à personne. Peut-être pas même à Anacréon.