L'imprimante de la salle de réunion tournait à plein régime, dans un vacarme assourdissant, sous les yeux inquiets de Mélanie. De ses grands yeux foncés, elle scrutait, anxieuse, les liasses de papier se faire avaler puis recracher sans ménagement de l'autre côté par une imprimante surmenée. Comme souvent, dans les quelques jours suivant le début du mois, quelqu'un était tiré au sort pour s'occuper de l'impression du journal du lycée. Cette fois-ci, à son plus grand regret, c'était le nom de Mélanie qui avait été pioché.
Celle qui n'aimait pas les imprimantes, alors qu'au lycée, tout le monde ne jurait que par celles-ci.
Car c'était sur elles que l'on comptait pour les dissertations importantes, c'était elles que l'on s'arrachait pour rendre son DM à la dernière minute, après s'être bagarré autour des ordinateurs de la permanence, et c'était elles qui servaient d'excuse lorsque des devoirs n'étaient pas rendus.
Biiiip. Imprimante surchargée.
Pour le coup, oui, c'était bien sa veine. Elle se retint de donner un coup de pied dans la machine.
Mélanie détestait la technologie. Foutu tirage au sort du comité de rédaction. Pourquoi donc l'avait-on désigné ? Peut-être que le jeu avait été truqué, rien que pour la mettre dans l'embarras.
Enfin, toujours est-il qu'elle se trouvait là, à essayer de comprendre pourquoi, subitement, le bruit automatique et régulier s'était arrêté, et pourquoi plus rien ne semblait sortir de l'imprimante. Accroupie, elle tenta d'ouvrir les tiroirs à papier de toutes ses maigres forces, d'appuyer sur les multiples boutons qui émettaient des sons plus étranges et inquiétants les uns que les autres. Mais rien n'y fit.
Alors, perdue devant le minuscule écran pixellisé de la machine, elle décida de mettre sa fierté de côté, et se rendit timidement au secrétariat.
Devant la porte fermée, la jeune fille s'arrêta quelques instants pour tendre l'oreille. Assourdies, des voix marmonnaient des mots inaudibles – peut-être n'était-ce pas le bon moment pour faire irruption ? Mélanie ne tenait pas spécialement à se retrouver au centre de toute l'attention, mais, après une grande inspiration, elle toqua prudemment à la porte et entra en murmurant l'objet de sa venue. A son plus grand soulagement, deux visages avenants se tournèrent vers elle, l'un des deux répondit, des phrases qui, dans la précipitation, se sont échappés de sa mémoire. D'un pas machinal, elle emboîta le pas à son sauveur.
Quelques combinaisons sur le clavier électronique, et liasses de papier froissé en moins, l'imprimante se remit en route, un remerciement murmuré, et Mélanie se retrouva à nouveau seule.
Le problème réglé, et le rouge de la honte colorant toujours ses joues rebondies, Mélanie se réconforta devant le spectacle des feuillets imprimés jaillissants de la gueule de la machine rugissante. Voir les exemplaires du journal sortir un à un de l'imprimante avait de quoi la remplir de fierté.
Cela faisait un an que le club journal était né, et il grandissait de jour en jour, produisant des articles à une régularité très variable, certes, mais ils arrivaient toujours à un résultat final assez enthousiasmant.
Et jamais elle n'aurait cru que cette idée qui avait germé dans sa tête lors d'un week-end pluvieux prendrait un jour une telle ampleur. Oui, elle était fière d'être à l'origine du journal de son lycée, et ce, même si elle n'occupait plus le premier plan depuis longtemps.
Car, malgré le sourire figé sur ses lèvres, une pointe d'amertume n'avait de cesse de lui nouer la gorge.
Cela faisait aussi un an qu'Olivia était arrivée dans sa vie, en ouvrant à la volée la porte grincante de leur petit local. Et dès lors, de la même façon que le club journal, relégué dans une petite pièce sombre au fin fond du couloir, là où les plafonniers ne s'allumaient plus et où les ordinateurs fonctionnaient encore sous une version de Windows bien trop vieille pour s'en rappeler, Mélanie s'était retrouvée refoulée dans l'ombre de la grande Olivia.
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Dr Marten's et basses hurlantes
Teen FictionQuand quelques jeunes aux idéaux bien trempés se décident à monter un groupe de rock dans leur cave. For those about to rock, we salute you!