Été 1986
Sous l'ombre d'un oranger ou au milieu d'une foule d'une fête de village italienne, deux cœurs battent sur le même air. Un italien un peu insouciant et une parisienne entêtée.
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Quand je suis arrivée hier, tante Adèle était déjà là et j'ai bien cru que ma mère allait me faire un sermon mais au contraire, elle s'est étonnée que je sois déjà rentrée. Je crois encore avoir mal entendu.
Depuis que je suis réveillée, je repense à l'ignoble façon dont j'ai lâché Nino hier. J'espère qu'il est bien rentré, à pied. Ce samedi la librairie est ouverte, seulement le matin exceptionnellement en raison du mariage, mais il est déjà onze heures, le temps que je me prépare et que je fasse la route il sera déjà trop tard, mon papi fermera boutique. Demain, dimanche, c'est le mariage de tante Adèle. Elle passe son temps à tout préparer, déjà ce matin alors que le soleil pointait juste le bout de son nez, du bruit au rez-de-chaussée m'a réveillé. J'ai dû me lever pour claquer la porte de ma chambre qui était restée ouverte. Mon samedi semble bien ennuyeux.
Dix minutes plus tard, Lisa monte dans ma chambre pour me réveiller et venir chercher mon linge sale, je décide donc de me lever et de descendre. Mes pieds claquent contre le carrelage froid des marches, puis du sol. Je cherche un seul signe de vie mais il semblerait que la maison soit vide à l'exception de Lisa dans les chambres. Je ne cherche pas à savoir où ils sont, j'ai très peu envie de m'embarquer dans leur histoire de mariage. Je sors dehors, attrape sur la table de jardin une pêche et vais m'installer sur le bord de la fontaine. Quelques minutes après, j'entends des pas dans l'herbe derrière moi. Lisa apparaît devant moi.
— Lisa, tu sais où ils sont partis ? Je lui demande.
— Ta tante a décidé de changer les plans concernant son mariage, elle commence et je fronce les sourcils, comment ça «changer les plans» ? Elle souhaite faire la réception au milieu des vignes. Dans le vignoble de ton grand-père. Ils sont partis voir où installer les tables pour demain.
Lisa semble bien exaspérée par ce changement de programme. Je trouve l'idée sympa bien que farfelue. Un peu dans le style de tante Adèle à vrai dire.
Lorsque papi rentre de la librairie vers midi-trente, je sors tout juste de la douche. Lisa est dans la cuisine à faire le déjeuné. Je descends dans le salon et trouve mon grand-père entrain de regarder ses vinyles un verre de vin à la main.
Je me laisse tomber sur le canapé derrière lui et il tourne vivement le chef vers moi, ne m'ayant pas entendu rentrer.
— Papi, je commence, pas vraiment sur de moi. Est-ce qu'un garçon est venu ce matin à la boutique ? Je dis en essayant d'adopter une certaine distance.
Cette fois-ci, il se tourne entièrement vers moi et me sourit.
— Le petit Santini ?
Je pince mes lèvres et ouvre grand les yeux.
— Peut-être, oui, je dis en regardant le piano à côté.
Il lâche un petit rire avant de pousser mes jambes du canapé et de s'assoir à côté de moi. Je pause mes yeux sur son visage. J'ai l'impression qu'il a beaucoup vieillie depuis les dernières années. Il a des rides plus marquées, les cheveux définitivement blancs. Malgré ça, il pète toujours la forme. Dans deux ans il pourra toucher la retraite, mais j'ai l'impression qu'il va tenir la librairie encore de longues années. Il n'est pas prêt à s'en séparer.
— Tu l'as r[...] commence mon grand-père mais il se fait couper par ma mère.
— Eh bien ! Vous êtes là tous les deux ! On vient de rentrer. Venez manger.
Aussitôt elle part. Je me tourne vers mon grand-père mais il se lève déjà et quitte la pièce. Je n'aurai pas réponse à ma question, ça va me hanter.
Quand j'arrive à table, quelques minutes plus tard, tout le monde est déjà installé. Je m'assieds à côté de grand-père. Mes coudes sont posés sur la table et mes mains soutiennent ma tête. Ma mère me lance des petits regards de temps en temps, elle semble voir que quelque chose me tracasse, elle sait toujours ces choses-là. Je finis par me lever au milieu du repas, je sens le regard de ma mère me suivre jusqu'à ce que j'atteigne la fontaine où nous prenons l'eau pour boire. D'un geste rapide je passe de l'eau bien fraîche sur mon visage. Comment peut-on penser à ce point à un garçon ? Est-ce juste parce qu'il m'intrigue à sembler si différent des gens que je côtoie en France ? J'espère si fort.