Partie III

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Après un long et horrible après-midi plongé dans les livres et la légende, je me demandais avec effroi si elle pouvait être vraie. Comment expliquer la santé de mon ami ? Comment expliquer sa sortie la veille avec son unique domestique masculin porté disparu depuis ? Je ne pouvais concevoir que mon ami pourrait ainsi sacrifier la vie d'un homme, mais le doute et l'inquiétude me poussaient à le confronter le soir même. Je lui donnais le livre et son expression se figeât.

-Je t'ai vu hier soir partir avec Jaime et revenir seul. Où est-il ?

Aucune réponse. Il était assis sur son fauteuil rouge dans la bibliothèque, un verre d'eau à la main et un roman dans l'autre. Je m'accroupis devant lui.

-Aidan, je suis ton ami. Dis-moi ce qu'il t'arrive, je ferais tout pour t'aider.

Je le pensais vraiment. Je ne pouvais laisser mon ami dans cette situation, je devais l'aider. En voyant que j'étais sincère, il fondit en larme et me raconta tout depuis le début. Il avait été visité par cette créature hideuse et inconcevable devant l'entrée de son manoir une soirée et il l'avait menacé des pires horreurs s'il ne lui livrait pas un homme chaque mois lors de la dernière nuit. Le premier mois, il ne livrait personne et fut attaqué par des loups le lendemain. Il me montrait les cicatrices sur ses bras et épaules, preuves de leur violence et férocité.

-Pourquoi n'est-tu pas parti ?

-Impossible. Il le sent quand je dépasse la limite. Elle est marquée par un cercle de pierres tout autour du domaine. Je ne peux la franchir sans être débusqué et déchiqueté par ses esclaves.

Il avoua avoir livrer des hommes à son service dans le manoir, des marchands qui apportaient la nourriture chez lui, ou même des conducteurs de fiacres.

-Je ne peux plus le faire, Elijah. Trop de morts de ma faute ! J'espérais te voir une dernière fois avant de mourir ou de le rejoindre, peu importe sa décision...

C'est donc pour ça qu'il souhaitait tant que je vienne. Il comptait tout arrêter et faire face à cette créature en sachant qu'il ne survivrait pas. De toute notre existence, ce moment fut le plus sincère et émotif. Je voyais mon ami, désespéré, noyé sous le poids des regrets et de la culpabilité.

-Je t'ai dit que j'allais t'aider, et c'est ce que je vais faire.

Nous passâmes la nuit à établir un plan pour débarrasser le monde de ce fléau. Nous allions le combattre et le tuer, lui et ses sbires.

Je descendais au village chercher de l'aide, toute l'aide possible. Je promis de payer tout le monde qui serai assez courageux et bon pour nous venir en aide. Je à mon grand étonnement, beaucoup de monde me prit au sérieux. J'étais quand même en train de parler d'une créature de légende mi-homme mi-loup capable de transformer des hommes en esclave canin. Mais la légende devait être connue, même si personne n'osait en parler ouvertement. Je rentrais au manoir accompagné de tous les hommes du village, soit environs 30 personnes, et sans plus attendre, nous partîmes à l'assaut. Aidan nous guidait vers la tanière du loup. Il s'agissait vraiment d'une tanière, mais gigantesque. Un énorme trou dans la terre nous conduisait dans des galeries sous-terraine sombres, boueuses et qui empestaient la mort et le sang. Nous fûmes pris au piège quand les loups arrivèrent de tous les côtés. Ils ne bougèrent pas pendant un moment, et Fenulf apparut. Mon corps et mon esprit se figèrent quand je le vis. Je ne pouvais bouger, ni penser. C'était comme si sa simple présence paralysait tout être vivant. J'en oubliais la raison même de ma présence. Sa représentation dans les livres était plutôt correcte, sauf qu'il était beaucoup plus grand et terrifiant en face de vous. Son corps musclé couvert de fourrure noire, ses énormes mains d'hommes, ses puissantes pattes, sa longue queue touffue battant l'air, sa gueule dont les crocs acérés et dégoulinant de sang dépassaient, et ses yeux perçants et rouges, pleins de rage et de sauvagerie donnaient une image cauchemardesque et inoubliable à tous ceux qui posaient les yeux sur lui. Tous les hommes nous accompagnant étaient dans le même état que moi, voir pire quand Fenulf se mit à rire. Ce mélange de rire d'homme et de grognement sourd de loup nous faisait trembler de tout notre être.

-Vous pensez pouvoir venir dans mes galeries armé ainsi sans y laisser notre vie ? Demanda-t-il.

Personne n'osait répondre. Tous semblaient figés en entendant cette créature s'exprimer comme un homme.

-Il est temps pour toi d'arrêter tes tueries. Tu ne feras plus de nous tes esclaves, et nous ne vivrons plus dans ton ombre et tes menaces.

Aidan avait parlé sèchement, sans trembler, ni montrer de peur. Quelque chose qui m'étonnait de lui. Était-ce vraiment l'homme malade de peur durant des jours qui venait de parler ainsi à l'objet même de ses malheurs ? En une fraction de seconde, Fenulf fondit sur lui et le chaos faisait rage. Les hommes contre les loups. Des cris, des grognements, des appels à l'aide, des lamentations... L'odeur du sang devenait de plus en plus forte. Je me débattais au sol, hache à la main, empêchant la gueule du loup de s'approcher de mon cou. Je ne sais plus combien j'en tuais, mais il est sûr que sans l'aide de ces vaillants hommes, jamais je n'aurais survécu. Pendant qu'ils se battaient avec les sbires de Fenulf, je rejoignis mon ami dans un combat des plus difficile et dangereux contre le monstre de légende. Je ne sais comment nous avons réussi à achever cette ignoble créature, ma mémoire ne me montre que des flashs de ce combat là, mais je me souviens très bien de ma hache dans son crâne, de l'épée d'Aidan dans son torse velu et dégoulinant, de sa lourde chute dans le cri le plus atroce jamais entendu, et de la chute des tous ceux qui avaient été ses esclaves. Je me souviens aussi que seul mon ami et moi nous tenions toujours debout. Tous les braves hommes étaient morts.

Nous brûlâmes les corps, et tous souvenirs de cet endroit maudit. Tout était fini. Nous étions libres et en vie.

———

Aidan rentra en Angleterre avec moi, mais les horreurs et la culpabilité eurent raison de lui en quelques semaines. Nos adieux furent des plus douloureux et il ne pouvait arrêter de me remercier de lui avoir sauvé la vie, et de me demander de lui pardonner toutes ses actions.

Cette aventure m'aura appris de tout est possible, et que les horreurs existent, mais ne sont pas insurmontables. Si vous avez tout de même lu ce journal, sachez que même l'homme le plus terrifié peu trouver la force en lui de surmonter et vaincre ses peurs, et que l'aide d'un ami et tous ce qu'il lui manque pour franchir ce cap. Mais j'aurais préféré que vous ne découvrez pas que le mal sous forme de créature légendaire peut exister. J'aurais aimé protéger votre esprit et votre innocence.    

La Légende de FenulfWhere stories live. Discover now