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Le consul connaissait l'organisation de la salle de règne. Ce vaste dôme avait été construit pour Justitia ; au centre se trouvait le cercle d'or où elle reposait son corps supra-humain le temps de ses voyages astraux. Un trait d'union entre le monde physique et le monde spirituel, à l'organisation simple, théâtre des allés et venues silencieuses des prêtresses de la déesse-impératrice.
Mais Aton avait fait de ces lieux son domaine et, contrairement à Justitia, il n'entendait pas se mettre au niveau de la vermine qu'il tenait en esclavage. Aux humains d'affronter les impossibilités physiques qui étouffaient désormais l'espace de cette salle.
Catius prit une grande inspiration. Il fit deux pas et attendit le claquement des battants derrière lui avant d'ouvrir les yeux. Ainsi ne serait-il jamais tenté de fuir.
Comme Justitia, Aton disposait d'un corps pour aller et venir dans le monde réel. Mais contrairement à elle, ce corps n'était pas son attache principale. Avec le temps, les forces titanesques qu'il contenait avaient percé sa structure matérielle et modifié ce qui se trouvait aux alentours. Dans cette salle naissaient et disparaissaient des mondes entiers au gré des ruminations d'Aton.
Une obscurité dense et imperméable régnait autour de lui. En contrepoint de ce brouillard artificiel, une aura violacée émanait de son propre corps, étendant sa perception jusqu'à un mètre, pas plus. On pouvait marcher des heures ou des jours dans un tel océan, guidé par sa propre lumière. Il s'imaginait déjà mourir de faim dans cet espace artificiel devenu infini, comme un puits creusé dans la réalité par la colère sourde du Deus.
« Ô, dieu parmi les étoiles, seigneur parmi les mondes... »
Un pan d'ombre se secoua, comme si l'on retournait un voile suspendu, et une silhouette apparut à quelques mètres de Catius. Une des nombreuses figures du Deus ; un homme jeune doté de cornes, enroulées vers l'avant. Ses bras et ses jambes disparaissaient déjà dans une fumée rougeoyante, sa peau se fendait de toutes parts, annonçant l'éclatement prochain de cette forme obsolète.
Cela ne signifiait pas pour autant qu'Aton se trouvait là, devant lui. Aton était partout alentour et ces formes presque humaines, qu'il y en ait une ou mille, n'étaient que des manifestations. Des échos lointains de son esprit.
« Que me veux-tu, humain ? »
Le champ de visibilité de Catius s'étendit soudain, englobant tout un espace circulaire, doté d'un ciel distant, sur lequel étaient dispersées d'autres formes. Des humains fantomatiques, assis sur un mobilier inexistant, marchant à l'envers, apparaissant et disparaissant sans cesse.
Parler n'était pas nécessaire ; il fallait faire l'offrande de ses pensées. Souvent ennuyé, jamais satisfait de ce qu'il voyait, Aton avait détruit nombre des messagers envoyés à son encontre.
J'ai été nommé consul par le Sénat. Je me présente à toi pour recevoir ton assentiment.
Comme s'il avait jusque-là hésité entre différents vêtements, le dieu fit naître une nouvelle forme humaine aux côtés de Catius et balaya toutes les autres. Une femme sans cornes, au visage très commun. Un embrouillaminis de lignes rouges recouvrait imparfaitement son corps, comme un habit très ancien dont on aurait arraché un fil sur deux.
« Tu est un sujet loyal, Catius » jugea Aton.
La voix chantante, apaisée de cette femme était de bon augure. D'humeur changeante, ombrageuse, Aton empruntait là l'apparence de quelqu'un qui lui avait été cher, ou qu'il tenait en estime.
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Sol Ikarus
Fantasy- Troisième livre dans la trilogie des solains, après Sol Finis et Stella Medius -- L'univers est en péril ! Maître d'un empire interstellaire de dizaines de planètes, Aton se prépare à étendre son domaine aux autres astres. Ses légions sont déjà pr...