ABÎMÉS

2- BLAIR

- Je sors Blair. Dis à papa et maman de ne pas m'attendre pour dîner, me lance mon frère

Je plie le coin de la page que je viens d'achever, referme mon livre, et soupire.

- Encore ? Liam, les parents ne...

La porte d'entrée claque et je devine que mon frère vient de sortir. Je rage intérieurement, il ne m'écoute jamais. Les cours ont repris depuis un mois seulement, et c'est uniquement sa deuxième année à l'université, pourtant mon frère sort tout le temps. Il a deux ans de plus que moi, et j'ai l'impression d'être la plus mature de nous deux. Liam a presque vingt ans, mais se comporte comme un enfant. Il sort, il mange, il boit, et ce, sans s'inquiéter des conséquences de ses actes.

Moi j'ai tendance à tout planifier. Tout analyser, dans les moindres détails. Je déteste les imprévus, et j'ai besoin que tout soit bien organisé afin de savoir clairement où je vais. Cela va donc de ce que je vais porter demain, à mon dossier pour la fac, ou encore à ce que je ferai ce week-end. Cela a tendance à énerver mes proches ; mes parents, mon frère et mes amis — peu nombreux soient-ils —.

De nature perfectionniste, je me suis également créée un entourage très minime et restreint. Riley, une très jolie fille à la crinière blonde et ondulée et aux tâches de rousseurs, ainsi que Lia, une rousse pétillante aux yeux verts perçants, que je connais toutes les deux depuis le collège. Puis enfin Logan, un grand blondinet à lunettes qui est mon meilleur ami depuis la maternelle. Nous formons une bonne petite bande tous les quatre, même si Logan est plus proche de moi de part notre lien unique présent depuis toujours.

J'ai les mêmes amis depuis longtemps, et je ne ressens pas le besoin de me rapprocher d'autres personnes. Alors évidemment, j'aime toujours rencontrer de nouveaux élèves, mais je ne sais pas si je parviendrai à leur faire totalement confiance. C'est un autre de mes défauts, je suis très méfiante. Trop parfois. Mais je ne peux pas faire autrement. Mais amis disent que je suis légèrement paranoïaque sur les bords par moment, seulement je ne peux m'empêcher d'analyser les gens, et de trouver quelque chose qui cloche chez eux.

C'est sûrement dû à tous les romans policiers que j'ai dévoré durant ma courte existence. Un autre point à savoir sur moi : j'adore lire. Je raffole de tous les styles de livres, des romans policiers, à ceux à l'eau de rose, tout me passionne. Si la lecture me dévore, l'écriture me consume. J'adore me plonger dans l'histoire d'un protagoniste et suivre son évolution, tout comme j'affectionne décider de son destin, de ses choix. J'aime écrire, et coucher sur le papier mes pensées intimes, celles que je ne révèle à personne. Mes rêves et tous les mots que je n'arrive pas à prononcer à haute voix.

Rêveuse, passionnée, réservée. Trop timide, si sage...

J'aimerais réellement pouvoir, comme les héroïnes que j'admire, changer ce que je suis. Être capable de sortir de ma coquille. Ne pas vivre des histoires d'amour seulement à travers les romans que je lis. Mais c'est plus fort que moi. Le monde réel me terrifie. Il me fait me sentir insignifiante, inexistante. Il m'écrase, m'oppresse. C'est tellement plus simple, de rêver sa vie, plutôt que de vivre ses rêves. Et que Dieu m'en soit témoin, un grand nombre de fois j'ai essayé. De parler, de faire des blagues, d'être une adolescente normale. Mais à chaque fois mes efforts se sont soldés par des échecs.

Trop bizarre, trop intelligente, trop discrète.

Pas assez intéressante.

Voilà ce que les autres pensent de moi. Mon cerveau les effraie tandis, tandis que mon mutisme les éloigne. C'est si facile de rester cachée derrière ma frange ainsi que mes lunettes rondes et marrons. Mes légères tâches de rousseurs et mes yeux verts émeraudes parviennent à me donner un côté mystérieux, attirant, presque mignon. Mais lorsque les gens remarquent que je parle peu, que je suis timide et qu'ils n'entendront que très rarement le son de ma voix : ils passent leur chemin.