15. Déflagration

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Camila

- Mila ! putain ! On peut savoir ce que tu fous ?

Haletante, je baisse la tête et me renfrogne.

- Désolé, coach.

Je me fous de tes excuses ! Je te remets à ta place de capitaine et c'est ça que tu me donnes ?

Il a raison.

Vendredi, l'équipe des Lions a gagné par miracle. Ma présence n'aurait rien changé à ça, mais les cheerleaders aussi ont merdé et ça c'est de ma faute. Il faut dire que j'ai passé une semaine à me défoncer la gueule tous les soirs. A traîner dans les bars, pour éviter Austin. Pour éviter Brad. Pour éviter la maison.

Pour l'éviter, elle.

A chaque fois que j'y pense, la honte et la culpabilité m'empêchent de respirer. Qu'est-ce qu'on a foutu, putain ? Qu'est-ce qui nous a pris ?

Et surtout, comment ça se fait que je n'arrive pas à me la sortir de la tête ?

Lauren m'accompagne, tout le temps. Cette foutue Lauren Michelle Jauregui. Ma demi-sœur. Mon obsession. Celle qui, il y a quelques semaines encore, je ne pouvais pas encadrer. Celle dont j'avais réussi à occulter à quel point elle est belle, sexy, spéciale. Maintenant, impossible de faire machine arrière. Ce qu'il s'est passé l'autre nuit, putain... C'était incroyablement intense. Après des jours de tension, la toucher enfin m'a paru si bon que j'aurais pu jouir sur place. Même si elle ne m'a pas rendu la pareille. Même si elle a complètement flippé après.

Je dois être malade. Tordue. Complètement perverse.

- Allez les filles, on se remet en place ! ça va aller, Mila ? ironise le coach. Tu te souviens des enchaînements ? Ou tu comptes au moins t'en souvenir d'ici vendredi soir ?

Une heure plus tard, dans les vestiaires, je me change sans même me laver, courbée, prostrée, en essayant d'éviter le regard des autres cheerleaders. Elles pensent que je fais encore la gueule pour avoir été sur la touche à cause de Brad il y a dix jours.

Si elles savaient, putain...

Si Brad savait.

- Eh, Mila ! me lance Ally. On va au cinoche à la sortie des cours. Tu te ramènes ?

- Non, grogné-je. Je dois rentrer direct en ce moment. J'aide mon père à aménager le garage.

- OK, répond ma pote, déçue. C'est juste qu'on ne te voit pas beaucoup, ces derniers temps.

Excédée, je jette mes pompons au fond de mon casier et claque violemment la porte métallique.

- T'es bouchée ou quoi, Ally ? Je viens de te dire que j'étais occupée, merde !

Toutes les filles se taisent, mal à l'aise face à mon énième coup de sang ces dix derniers jours... Puis les conversations reprennent, comme si de rien n'était. Elles me connaissent, ces filles. Elles savent que quand je suis comme ça, ce n'est même pas la peine d'essayer de me parler. Je vois pourtant Brad dans l'entrée tenter de choper mon regard. Qu'est-ce qu'il me veut ?

Est-ce qu'il se doute de quelque chose ?

Une fois que les cheerleaders ont quasiment toutes quittés les vestiaires, le quaterback s'approche et s'appuie contre le casier voisin du mien. Si je ne m'étais pas mise à le mépriser autant, ce petit con, je me sentirais presque mal.

- Alors, c'est qui ?

- De quoi tu parles, Quaterback ?

- Me prends pas pour un con. Jamais de la vie tu aides ton père en ce moment. J'ai passé la semaine dernière chez toi, je sais bien que t'as déserté. Alors ? Blond ? Brun ? Roux ? Chauve ?

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- La semaine entière ? grogné-je. Tu ne crois pas que tu abuses un peu de l'hospitalité de ma famille ?

- Pas ma faute, Mila. C'est ta frangine qui ne veut plus me lâcher. Ça y est, elle est complètement accro. Elle veut expérimenter le rodéo texan façon Bras Simpson.

Il illustre ses propos d'une air levrette, avec un petit sourire satisfait qui me donne instantanément envie de le pendre avec ses propres boyaux. A la place, je frappe un grand coup dans mon casier, sans réfléchir, avant de me maudire intérieurement. Si je continue à me comporter comme ça, Brad risque de comprendre que c'est de l'entendre parler de Lauren qui me fait péter un plomb.

Et que l'imaginer avec elle me fait crever de jalousie.

- OK, t'as découvert mon petit secret. Je me tape un autre mec qu'Austin, aboyé-je quand même sans pouvoir me contenir. Rien de neuf sous le soleil, je suis une connasse. C'est de ça que tu veux me parler ? La vie secrète de mon vagin, c'est juste un hobby ou c'est ta passion ?

- Eh, tout doux, Mila, me répond le quaterback en levant les mains en l'air en signe de paix. Tu sais que je suis bien le dernier à juger. Et que jamais je n'irais jacter sur toi auprès que quiconque, encore moins auprès de Austin...

- Et Lauren ? Tu lui dis quoi, à Lauren ?

- Sans vouloir te vexer, Mila, tu es loin d'être le sujet favori de ta sœur, de manière générale, me lance Brad avec un petit rictus amusé qui me donne envie de lui écrabouiller la gueule. Et depuis qu'elle a dû te « baby-sitter » après la fête chez moi, il semblerait qu'elle ait un peu de mal avec ta petite personne...

C'est plus fort que moi. Je fais volte-face et me penche sur lui. Le désavantage d'avoir trente centimètres de moins, c'est qu'il peut me dominer de sa hauteur. Je sens quand même Brad se raidir. Je le vois tenter de masquer, et mal, sa peur. Une peur d'autant plus forte qu'il ne comprend pas ma réaction.

- Un conseil, Simpson : ne t'avise pas de te mêler de ce qui se passe sous mon toit et au sein de ma famille. Et moi, je ne me mêlerai pas de tes affaires. Deal ?

- Ben non, justement, répond le quaterback, désarçonné. Ça tombe mal, là, parce que j'ai besoin de ton aide... Je te l'ai dit, elle est mûre. Elle m'a même dit qu'elle était prête à le faire. Je vais enfin mettre un coup de poinçon dans sa carte « Vierge ».

J'essaye de ne pas blêmir. J'essaye. Mais je ne suis pas certaine d'y arriver. J'ai l'impression que tout mon sang a migré de ma gueule jusqu'à mes pieds.

- Qu'est-ce que tu racontes, Simpson ? réussis-je faiblement à articuler.

- Tu m'as bien entendu, Mila. Je dois juste trouver un endroit. Alors j'ai eu une idée. Vu que vos parents vous laissent sortir jeudi pour Halloween, à la place, on va se faire notre petite fête perso, Lauren et moi. Je vois les choses en grand. Dîner romantique à Garden Rock. J'ai réservé au Dahlia Bistro. Puis on saute le dessert et je conclus l'affaire. Comme tu es l'experte de la région, en matière de « sexcapades », tu ne connaîtrais pas un motel dans le coin, pas trop cher ni trop miteux ?

- Attends, qu'on soit bien clairs, tu es en train de me demander des conseils en hôtellerie locale pour baiser ma demi-sœur ? J'ai bien compris, quaterback ? grogné-je en l'attrapant par le col de son polo Fred Perry à la con.

- Pourquoi ? Tu vas me dire que tu n'es pas d'accord ? lance-t-il en tentant de se dégager, mais je ne lui laisse pas ce luxe. T'as un soudain revirement ?

Je le plaque contre un casier.

- Ça fait combien de temps que t'es avec elle, hein, Brad ? craché-je à son visage. Réponds-moi.

Il tente une nouvelle fois de se dégager, en vain. Voyant que je ne lâcherai pas l'affaire, il calcule rapidement.

- Pas loin de trois mois, répond-il à contrecœur.

- Et tu en es encore là ? Après tout ce temps ?

Son regard vire au noir, même si je sens qu'il flippe que je pète un câble. Il sait que je suis imprévisible.

- J'ai une réputation à tenir, Mila, alors lâche-moi. Ça te va bien de te la jouer gentille et moralisatrice, mais je te rappelle que si je suis sorti avec ta sœur, tu n'y as pas pour rien. Donc assume.

- Retiens bien ce que tu viens de dire, là, Brad, sifflé-je à son visage. Retiens-le bien. Parce que plus tard, tu pourras t'en souvenir comme du moment où t'as foutu ta vie en l'air. Ce que tu viens de balancer, là, je vais te faire le regretter amèrement.

- Tu vois, là, j'ai comme un doute... Parce que cette histoire, on est tous les deux dedans. Tu caftes, je cafte. Et je pense que les conséquences seront moins pénibles pour moi que pour toi et ta précieuse famille- cette même famille dont tu n'avais rien à foutre il y a trois moi, quand tu m'as donné ton aval. T'es prête à jouer au con avec moi ?

Je m'apprête à lui sauter à la gorge dans l'instant, mais malheureusement, c'est celui que choisit le coach pour entrer dans le vestiaire désert et se précipiter sur nous pour nous séparer. Dans la foulée, il m'emmène à l'opposé de mon casier.

- Qu'est-ce que tu cherches, Mila ? A regarder une nouvelle fois tes coéquipières des gradins ? Parce que je te préviens, si jamais tu passes la saison entière sur la touche, tu peux dire adieu à ta bourse à Notre Dame.

Je regarde Brad furieuse. Puis le coach. Puis Brad. Puis le coach. Cet homme qui m'entraîne depuis trois ans. Cet homme qui a convaincu les grandes universités de mes talents athlétiques malgré mes résultats scolaire médiocre. Cet homme qui a parié sur moi, sur mon futur. Qui m'a offert mon ticket de sortie pour quitter ce trou. Et qui m'a confié l'équipe de cheerleaders, l'entraînement physique de Brad, les yeux fermés, parce qu'il croit en moi. Je baisse la tête, incapable de le décevoir, et marmonne :

- Non, coach.

- Quoi ? Plus fort, gamine, je n'ai pas bien entendu.

- Non, coach, répété-je à haute et intelligible voix en le regardant dans les yeux.

En sentant les miens luire de colère.

- Très bien, gamine. Très bien, de radoucit-il avant de se tourner également vers Brad. Écoutez, je ne sais pas quel est le problème entre vous deux. Et je sais que ce n'est pas facile pour l'un comme pour l'autre après ce qui s'est passé avec Garrison la saison dernière... Mais Simpson est maintenant capitaine de l'équipe des Lions, Mila, que ça te plaise ou non. S'il arrive à les guider aussi bien, c'est grâce à la façon dont tu l'as pris sous ton aile et formé cet été, j'en ai conscience. Mais si jamais j'apprends que tu te chamailles encore avec lui, je te sanctionnerai sévèrement. Est-ce que c'est clair ?

- Oui, coach Gillies, martelé-je d'une voix forte et affirmée.

- Pareil pour toi, Brad. Si jamais je découvre que tu es incapable de te contenir, il va falloir que je révise mes choix et que je lance ton remplaçant sur le terrain. C'est clair ?

- Coach, oui, coach ! répond Brad à la militaire.

- OK. Hors de ma vue, maintenant. Vous m'avez entendu ? Déguerpissez de mes vestiaires ! Allez !

IMMORALE (camren)Where stories live. Discover now