Mercredi douze juin
- Mes parents ne seront pas là demain, alors je me suis dit que vous pourriez venir à la maison.
Alice nous observe à tour de rôle. Nous nous étions rejoints à notre dernière pause de dix heures. C'est presque émouvant. Nous sommes tous assis sur ce petit banc pour la dernière fois.
Maxime croque dans sa pomme, faisant mine d'en n'avoir rien à faire. Alors qu'au fond de lui, il danse le tango. Valentin, beaucoup trop heureux de sortir le soir, hurle de joie. Au moins un qui arrive à exprimer ses sentiments. Un vrai primate. C'est rare qu'Alice vous invite chez elle. D'habitude elle sépare amis et vie privée.
- Ce sera une soirée ? Je peux inviter des amis ?
- Pas si vite Valentin. C'est juste un petit truc entre nous. Ne va pas t'imaginer une soirée arrosée.
- Depuis quand tu as des amis en plus ? Je rajoute.
Mon vieux compatriote réprime un râlement. Ouvrant ses grands bras, il finit par se lever d'un bond.
- Mais pourquoi ? C'est la fin d'une épopée. Il faut fêter ça comme il se doit. Esther, t'es pas d'accord ?
- Ta braguette est ouverte. Et je suis toujours curieuse de savoir qui sont tes amis.
Valentin me regarde un court instant sans me croire avant de finalement baisser les yeux pour s'en assurer. Râlant, en constant qu'il avait faux, il se tourne et sautille pour remettre sa braguette. Or il n'a pas remarqué qu'une petite seconde se tient devant lui, à quelques centimètres. Mon dieu, pourquoi faut-il toujours qu'il se mette dans des situations embarrassantes ?
- Oh merdouille. Désolé, ce n'est pas ce que tu crois.
Contre toute attente, la jeune fille le fixe bizarrement avant de partir vers les casiers. Soupirant Valentin finit par se tourner vers nous. Maxime se tord de rire et mon vieil ami saute sur lui.
- Crois-moi, ce n'est pas comme ça que tu trouveras chaussure à ton pied.
- Je m'en fiche de trouver chaussure à mon pied. J'ai décidé d'attendre.
- D'attendre qui ?
Qu'est-ce qu'il me raconte encore celui-là ?
- Cendrillon et sa chaussure en verre.
Dumbo explose de rire accompagné par Alice. La lucidité chez Valentin n'est pas la qualité première. Ce dernier hausse un sourcil. Finalement, la sonnerie coupe court toute discussion sur des amis fantômes et imaginaires. Sauvé par le gong, comme on dit. Contre toute attente, Valentin entoure ses bras autour de mes épaules avant de m'attirer vers les salles de cours. Chaussure de verre ou ami fantôme, une chose est sure : C'est la fin d'un cycle ininterrompu. Moi je dis champagne.
Drôle de sensation que de quitter cet enfer. Dommage, je commençais à apprécier ces limbes.
Jeudi treize juin (le matin)
Ce qu'il y a de bien lorsque vous révisez le bac c'est que votre famille est soudainement adorablement gentille. Compatissante. Et conciliante.
Leurs sourires me donnent des frissons dans le dos. Merde alors, ils ne croiraient tout de même pas que je vais me rater ?
Jeudi treize juin (le soir)
On ne parle pas assez des contre-temps. Personnellement, je déteste les imprévus. Généralement, ça sent les plans foireux à plein nez. Et cette fois-ci, Valentin n'y est pour rien. Une grande première.
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Les poissons ne savent pas nager
Teen FictionEsther est sarcastique. Esther déteste le lycée. Esther hait le sport, les maths et les profs. Entre un père anarco-grognon, une mère complètement lunatique-intrusive, un frère surdoué et un beau-père collant, Esther écrit et parfois philosophe son...