Jour 30

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Paul s'observait devant son miroir. Ca y est. C'était le grand moment.Il se força à sourire, avant de quitter son appartement.La voiture était resté à sa place. Elle n'avait pas bougé.Combien de temps s'était-il passé depuis la dernière fois qu'il avait touché ce volant ?D'ordinaire, il préférait prendre les transports en communs.Mais aujourd'hui, la route serait plus longue.Paul roula en direction de l'hôpital.Une forme d'excitation s'emparait de lui.

Il passa devant le restaurant.

Paul s'arrêta quelques instants pour rentrer à l'intérieur dans la brasserie.Il partit dans les cuisines.

-Paul ? Qu'est-ce que tu fais là ? Lui demanda Charles.

-Je viens juste chercher quelque chose. Ça te dérange si je cuisine quelque chose ? J'ai déjà tous les ingrédients avec moi, j'ai juste besoin de ta cuisine.

-Tu ne peux pas cuisiner chez toi ? T'as une cuisine, non ?

-S'il te plait ?

Charles finit par céder.

-Bon, allez, dépêche-toi.

-Merci Charles !

Paul se mit directement au travail. René passa sa tête par-dessus son épaule.

-Tu fais des pâtes carbonara ?

-Ouais... C'est pour un ami...

-Met pas autant de sel dans ton eau ! Il faut mettre juste ce qu'il faut. Attends, je te montre.

René prit la salière pour rajouter une pincée de sel.

-Voilà, comme ça c'est bien. Maintenant, je vais te montrer comment faire la carbonara.

-Je sais la faire ! C'est gentil René, mais je vais y arriver.

-Oui, mais tu ne sais pas faire ma carbonara. Allez, tais-toi, et instruis-toi.

Pendant une vingtaine de minutes, Paul observa son collègue cuisiner, tout en écoutant ses différentes instructions.

-Et voilà ! Dit fièrement René.

-Merci beaucoup.

Paul versa tout le contenu dans une boite, qu'il rangea ensuite dans son sac.Il regarda sa montre.

-Bon, il faut que j'y aille. Encore merci René !

-C'est normal. C'est toujours un plaisir d'instruire à la cuisine.

Paul lui fit un petit clin d'œil avant de s'en aller.

Il reprit le volant. La dernière ligne droite avant l'hôpital.


                                                                                                    ***


Après s'être garé sur le parking, Paul passa un moment à observer la façade du bâtiment. Elle gardait encore et toujours cet air sinistre, et peu accueillant.

Il vérifia l'intérieur de son sac. Le repas qu'il avait apporté pour Victor était encore dans sa boite. Il ne s'était pas renversé. Paul était persuadé que ce vrai repas lui ferait plaisir.

Paul finit par rentrer dans le grand hall. Il prit le temps de regarder tout ce monde qui l'entourait. Tous ces médecins, ces infirmiers, chirurgiens, qui prenaient soin de leurs patients.Il grimpa les escaliers jusqu'au premier étage.Une dernière fois, Paul regardait ce long couloir. C'était probablement la dernière fois qu'il mettait les pieds ici.

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Paul avançait jusqu'à la chambre 117.La porte était ouverte.Le jeune homme frappa, puis rentra.Quelque chose n'allait pas. Paul fit un pas à l'intérieur.L'échiquier n'était plus là.Quelqu'un l'avait rangé.

En observant le lit, Paul s'aperçut que Victor avait également disparu. Tout les draps avaient été retirés.Paul sortit un instant de la chambre. Il n'y avait personne.Il rentra à nouveau dans la petite pièce. Paul ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Victor aurait dû être là !

Une bouteille de vin était posé sur la table de chevet. Juste à côté, une feuille de papier était délicatement plié.Paul posa son sac au pied du lit. Il prit la feuille et la déplia. Un message y était inscrit.


Cher Paul,


Jamais je ne vous remercierais assez pour tout ce que vous avez pu faire pour moi. Pendant un mois, vous êtes venu me voir. Vous m'avez tenu compagnie, vous avez discuté avec moi, vous avez jouez avec moi aux échecs... Grâce à vous, mon séjour dans cet hôpital a été moins douloureux à supporter. Vous m'aviez promis de m'aider à sortir de cet hôpital, pour retourner voir ma famille. Pourtant, au moment où vous lisez ces lignes, je suis déjà en route vers les vignes de ma famille. Vous n'aurez donc pas à m'accompagner jusque chez ma sœur.N'ayez cependant aucunes craintes. Sans le savoir, vous me permettiez, chaque jour un peu plus, de m'évader de cet hôpital. Chaque soir, en vous voyant arrivé, je savais que je pourrais me détendre, penser à autre chose qu'à mon accident, ce lit dans lequel j'étais coincé, ou encore cette nouvelle vie. Pour cela, je vous en remercie, sincèrement.

Vous vous demandiez ce qu'il se passerait une fois que la partie d'échec serait terminé. J'avais alors affirmé que nous pourrions chacun reprendre nos vies. J'avais tort. Si vous l'acceptez, nos chemins se recroiseront peut-être.Je crois savoir que votre roman aimerait être publié.Vous trouverez au verso de cette lettre l'adresse à laquelle vous pourrez me trouver.Si vous le voulez bien, je crois avoir trouvé une maison d'édition pour vous.


A bientôt, j'espère,


Victor


PS : Je crois vous avoir promis, il y a fort longtemps, une bouteille tout droit venu de nos vignes. Tenez, je vous en fait cadeau.


Paul prit la bouteille entre ses mains.

-Non... Ce n'est pas vrai !

Un sentiment de tristesse et de colère montait en lui.Victor ne pouvait pas l'avoir abandonné ainsi !Paul reprit la lettre, pour la relire, encore et encore.

-Vous n'aviez pas le droit de me faire ça !

Des larmes commençaient à lui couler sur les joues.

-J'ai perdu la partie ! J'aurais dû vous raccompagner chez vous !

Un profond sentiment d'injustice l'envahit. En ce moment-même, Paul aurait dû être en voiture, avec Victor. Pourquoi était-il parti sans lui ?!

Paul serrait la lettre fort contre lui. Ses mains tremblaient. Il s'effondra sur le sol de la chambre.Il resta un long moment dans la chambre, seul.

Paul fut interrompue par l'arrivée de Sandra.

-Monsieur ? Vous allez bien ?

-Je ne sais pas trop...

L'infirmière l'aida à se relever.

-Votre ami est partie un peu plus tôt ce matin. Vous l'avez raté d'une petite heure.

Paul se calma un peu. Il relut la lettre, et sécha ses larmes. Toujours ces mots inscrits dessus.

-Si vous n'avez besoin de rien, je vais vous demander de sortir de cette chambre s'il vous plait...

Sans un seul mot, Paul obéit.

Il resta un long moment dans le couloir.

Toujours coincé sur ce fameux message, Paul réfléchissait à ce que Victor lui avait proposé. L'adresse au dos de la feuille était bien présente.Peut-être que Victor avait raison, après tout. Tout les deux, ils n'en avaient pas terminé.


                                                                                     ***


Installé dans son siège, Victor observait silencieusement le paysage défiler sous ses yeux. La campagne était plus belle encore que dans ses souvenirs.

A côté de lui, Anna souriait. Son frère était enfin auprès d'elle. Elle n'avait jamais été aussi courageuse que lui. Mais aujourd'hui, plus que tout, elle était prête à changer de cap.

Victor se perdait dans ses pensées. Il espérait sincèrement que Paul verrait son message et accepterait de le rejoindre. Il le méritait.Toujours aussi silencieusement, il observait le paysage, repensant, sans regret, à sa chambre d'hôpital.

30 joursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant