Lorsque Candide arriva au pays du milieu, il fut frappé de plein fouet par la ressemblance entre tous ces jaunes ; l'air sur leur visage ; le même sentiment d'insécurité, comme s'ils étaient observés. « Pourquoi avoir peur, si tout est au mieux dans le meilleur des mondes ? » se demanda-t-il à voix haute. Un homme qui passait par là l'entendit, et fut pris de pitié pour ce savant ignorant. « Ah ! Vous n'êtes donc pas d'ici, pour paraître si insouciant. - Se peut-il, monsieur, que vous soyez philosophe ? - Je pense, monsieur, que ce que vous autres nommez philosophie est parfaitement futile ; en revanche, je serais ravi de discuter avec vous de cette vue sur notre beau pays, et sur notre système sans faille, puisque vous m'avez tout l'air d'un homme d'esprit ; suivez-moi. ». Et Candide le suivit.
L'homme, qui s'était présenté au nom de Zhe Tongzhi¹, habitait au dernier étage d'un grand building ; il avait ainsi meilleure vue sur le peule, disait-il. Vue de haut, la ville était vraiment différente et Candide put ainsi voir les dizaines de caméras présentes un peu partout ; leurs yeux aguerris étaient posés en permanence sur les rues noires de monde ; ainsi, il se permit de questionner son hôte. « Qu'est-ce donc que ces étranges boîtes noires qui vous fixent en permanence ? - Ceci est, monsieur, la forme de surveillance ultime ; une preuve de la supériorité de notre civilisation ; je vous présente ici le crédit social chinois. - Vous me semblez bien savant, Zhe ; qu'est-ce donc que ce fameux crédit social ? - Voyez-vous, mon bon Candide, on ne peut s'occuper de manière efficace d'une si grande population ; certains affreux méfaits passent sous le silence, couverts par d'autres méfaits plus horribles encore ; alors, nous n'avons d'autre choix que de surveiller nos habitants en permanence ; ils reçoivent des bons points en cas de bonnes actions, et en perdent s'ils commettent quelques délits. - Oh ! Monsieur, vous me voyez là bien surpris. Si ce que vous dites est vrai, alors tout ici va bien ; plus personne ne devrait enfreindre la loi ; tous devraient-être heureux. - Nous sommes bien d'accord. ». C'est ainsi que Candide quitta le premier jaune qu'avait mis le chinois sur sa route.
Alors qu'il descendait les escaliers, une jeune femme d'une grande beauté passa en pleurant ; bien qu'il ait toujours en tête la merveilleuse Cunégonde, il avait le cœur pur ; il ne put s'empêcher de demander à la malheureuse ce qui clochait. « Qu'est-ce que cela peut vous faire ? Vous ne comprendrez pas, de toute façon ; les Orientaux ne comprennent jamais rien. - Je ne prétends pas être un génie, madame ; mais j'ai reçu un enseignement de monsieur Pangloss, le meilleur des philosophes du meilleur des mondes ; c'est pourquoi je suis sûr que je comprendrai votre mal-être si vous me l'expliquez ; bien que je conçoive mal qu'on puisse pleurer dans une contrée aussi parfaite que la vôtre. - Monsieur, je ne sais qui vous êtes ; je sais, en revanche, que vous n'êtes pas de ce que le royaume appelle le bas peuple chinois ; s'il-vous-plaît, ne parlez pas d'une chose qui ne vous concerne pas ; comment mon pays pourrait-il être parfait, si personne n'y est libre ? Je sais qu'en ce moment on nous écoute ; je sais que je vais perdre des points à cause de ce que je dis ; je sais que j'ai même déjà perdu des points, puisque je vous ai parlé ; mais je n'en ai plus rien à faire, je ne suis déjà plus une femme libre ; depuis que j'ai rendu visite à mon frère en prison, je n'ai même plus le droit de prendre le métro ; merci d'avoir essayé de m'aider, monsieur ; mais vous et moi ne faisons pas partie du même monde. » Sur ces mots, la triste beauté a disparu dans un appartement sur la porte duquel était inscrit son nom : Nu Tongku².
Un vieil homme, qui avait tout entendu en passant par là, s'arrêta pour causer avec Candide. « Avez-vous mentionné Pangloss ? - En effet, j'ai parlé de Pangloss ; il s'agissait de mon précepteur, lorsque j'étais encore au château du baron de Thunder-ten-tronchk ; le connaissiez-vous ? - Pangloss est une vieille connaissance ; nous aimions discuter ensemble des effets et des causes ; j'imagine qu'il vous a transmis ses valeurs ; j'aimerais donc faire votre connaissance ; puisque votre présence ici a été prévue par quelconque entité afin que nous nous rencontrions, nous nous sommes rencontrés ; venez donc avec moi. » L'homme, qui s'était présenté sous le nom de Suo Zhidao³, vivait dans une bâtisse traditionnelle et lui servit un thé à son arrivée.
« La femme que vous avez rencontré dans les escaliers ne survivra plus longtemps ; elle risque de se donner la mort bientôt. - Mais, pourquoi être si désespéré si nous vivons dans le meilleur des mondes possible ? - De tels sacrifices sont nécessaires pour que le monde garde son sacrifice ; cette jeune, si belle soit-elle, n'avait pas appris la bonne philosophie ; elle était trop pessimiste pour vivre dans le meilleur des mondes ; elle n'était pas faite pour ce monde ; aussi mourra-t-elle sous peu. ». Candide buvait les paroles du vieux comme s'il s'agissait de Pangloss. « Elle a choisi de se soumettre à son mal, alors qu'il était nécessaire qu'elle passe par cette épreuve pour se rendre compte que tout allait bien. - Ici, tout est pourtant fait pour aider le destin ; les hommes n'ont-ils pas été faits pour être dirigés ainsi ? Je suis certain que monsieur Pangloss en dirait ceci ; que les hommes ici ont été faits pour être surveillés ; aussi sont ils toujours observés ; mais c'est ainsi qu'on leur permet de vivre dans le meilleur des mondes. - N'est-ce pas ? Je suis également de votre avis. Mais il se fait tard ; vous devriez rentrer chez vous, jeune homme ; ce fut un plaisir de causer avec vous. ». Alors Candide se remit en route vers d'autres contrées, toujours plus curieux de découvrir le monde qui l'entourait.
¹en chinois, 者 统治 (Zhe étant le nom de famille et Tongzhi le prénom)
²en chinois, 女 痛苦 (Nu étant le nom de famille et Tongku le prénom)
³en chinois, 所 知道 (Suo étant le nom de famille et Zhidao le prénom)
(oui, j'ai utilisé Google Traduction pour les noms, m'en voulez pas mais au moins ils ont un minimum de signification pour un non-sinophone)
YOU ARE READING
Candide
Short StoryA la manière de Voltaire, racontez un épisode de Candide plongé dans un lieu, une situation de notre monde contemporain dont vous effectuerez la dénonciation, en utilisant l'ironie. Reprenez les éléments de la philosophie de Pangloss "du meilleur de...