CHAPITRE 13 : « Souvenir éphémère »

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E D E N

Mes yeux se ferment tout seul, lorsque je m'enfonce dans le siège trop moelleux face au bureau d'Estelle. Ma nuit avait plutôt bien commencé grâce aux cachets, jusqu'à ce que mes cauchemars me réveillent et m'empêche de me rendormir.

Je sens que Estelle scrute mes traits, tirés par l'épuisement. Sans commentaire, elle s'assoit derrière son bureau et coche quelque chose sur l'un des nombreux papiers, qui recouvre la table.

— Comment te sens-tu, Eden ?

Je pourrai lui mentir, à elle aussi. Mais je n'en ai pas la force. Parfois la vérité peu aider, et je sais qu'avec Estelle se sera le cas. Elle a cette faculté de tout comprendre, sans même avoir déjà vécu la situation.

— Fatigué, je lâche du bout des lèvres.

La silhouette de Ella m'ayant hanté toute la nuit, il est impossible que je me sente bien. Alors que j'avais réussi à faire oublier cette soirée à mon esprit, durant quelques jours, la voilà qui se remet à tourner en boucle dans ma tête.

— A cause de tes cauchemars ? s'enquiert Estelle, en se penchant légèrement sur le dessus de son bureau.

A cause de sa silhouette, de son ombre, de ses prunelles claires, de ses taches de rousseur, de son sourire, de son rire. A cause de ma culpabilité...

Les yeux baissés, je hoche lentement la tête. Je voudrai tant que ça cesse. Surtout après tout le boulot qu'elle a fourni pour m'aider à oublier. Mais mon cerveau dysfonctionnel n'arrive pas à oublier, lui.

— Pour chasser les mauvais souvenirs, tu vas m'en raconter un bon. Un souvenir qui concerne Ella qui puisse te redonner le sourire et te rappeler combien elle était merveilleuse.

Durant quelques secondes, j'ai l'impression que mon esprit patine. Comme s'il était en train de s'enliser dans des milliers de souvenirs. Des souvenirs merveilleux, mais beaucoup trop sensibles et intimes à mes yeux.

Je cherche le sourire de Ella dans ma mémoire. Je cherche tous les sourires qu'elle a put m'adresser, à moi. Tous ces moments où j'ai réussi à la combler, avant de tout gâcher. Tous ces instants magiques où son rire avait encore le pouvoir de résonner à mes oreilles. Ces secondes où ses yeux pétillants pouvaient encore plonger dans les miens. Ces secondes où le bonheur nous faisait pousser des ailes. Et où, ensemble, nous nous envolions.

— On était tous les deux à la fête foraine, parce que ça faisait des semaines qu'elle réclamait à mes parents d'y faire un tour. Alors j'ai finis par l'y amener ! je commence. Au début, elle boudait un peu, parce qu'elle ne pouvait pas faire les grands manèges à cause de son âge. Je l'ai emmené faire un tour de grande roue en espérant que cela lui redonne le sourire. Plus la roue tournait, plus son sourire s'agrandissait. Et moi aussi je souriais, parce que si Ella était heureuse, je l'étais aussi. Lorsque nous sommes arrivés au point culminant, la grande roue s'est arrêté. Surement pour prendre des nouveaux passagers. Et Ella s'est levée de son siège pour observer la vue. Je me rappelle qu'elle m'a regardé avec son air curieux et elle a dit « Pourquoi, quand on est si haut, tout est si petit ? ».

Devant le regard curieux et le sourire lumineux de Estelle, je reprends mon souffle. Les traits de ma petite sœur apparaissent dans mon esprit. Le sourire qu'elle affichait ce jour-là s'imprime devant mes yeux, et un tout petit sourire frôle mes lippes.

— « Parce qu'on est petit, Ella ». C'est ce que je lui ai répondu. Elle ne m'a pas contredit, elle ne m'a pas posé d'autres questions. Mais elle avait sur le visage cette moue perplexe qu'elle affichait quand elle ne comprenait pas quelque chose. En même temps, comment une gamine de sept ans aurait-elle pu comprendre cela ?

Le Fracas de nos CœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant