Le temps d'une vie - Tome 2

23. Inquiétude

Je crois que cela fait maintenant deux bonnes heures que je suis ici, dans cette salle d'attente, à tourner en rond tel un lion en cage. Aucun infirmier, aucun médecin en vue. Personne n'est venu me donner des nouvelles de Lucy. Je me ronge le frein à l'idée qu'elle ne s'en sorte pas. Comment pourrais-je continuer à vivre sans elle ? À élever notre fille qui me rappellera probablement ma femme sans cesse lorsqu'elle grandira. Je ne sais même pas si j'aurai la simple force de continuer à me lever chaque matin avec la sombre perceptive que je ne reverrai jamais plus son doux visage, ses grands yeux verts ou son sourire angélique.

Il fait nuit noire dehors et mes réflexions dénudées de joie se tournent vers ma fille qui doit déjà dormir à cette heure-ci. Ma Hailey... Ma jolie princesse qui grandit si vite. Je ne peux quand même pas lui annoncer à un an et demi qu'elle ne reverra plus jamais sa mère !

Relax, mec. Lucy va survivre et ira bien. Vous rentrerez à la maison tous les deux et retrouverez Hailey pour continuer votre tranquille petit train de vie quotidien.

Malheureusement, ma tentative d'auto-rassurance ne fonctionne point et je me retrouve une seconde fois à m'imaginer les pires scénarios dans lesquels Lucy nous quitte pour rejoindre le ciel. Plongé dans mes idées noires, je n'entends presque pas mon téléphone portable résonner dans la salle d'attente. Ramené à la réalité par le bruit harassant, je m'empresse de répondre.

— Allô ?

— James, tu vas tout de suite me rassurer en me disant que toi et Lucy êtes en parfaite sécurité chez vous, me lance Damien d'un ton cruellement inquiet.

Ne pouvant lui fournir la réponse qu'il espère, je préfère laisser le silence parler à ma place. Damien, d'un esprit naturellement perspicace, me demande :

— Quel hôpital ?

— Royal Victoria, répondé-je en passant une énième main dans ma chevelure en bataille.

La ligne se coupe et je devine que mon beau-frère débarquera ici d'une minute à l'autre. Je balaie la salle du regard et remarque que les quelques personnes se trouvant ici me jettent des coups d'oeil apeurés. C'est à ce moment que je réalise que mes mains et ma chemise sont encore maculées du sang maintenant sec de Lucy. Je râle de dégoût et me dirige vers les toilettes les plus proches.

Je vais au moins nettoyer ça avant qu'un membre du personnel de l'hôpital ne me prenne pour un psychopathe !

• • •

Lorsque je suis retourné dans la salle d'attente des urgences, Damien attendait déjà sur un siège. Dès qu'il me voit, il se jette sur moi afin de me serrer fraternellement dans ses bras. Nous nous séparons et retournons nous asseoir alors que Damien en profite pour me poser des questions sur l'événement.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Je rentrais chez moi quand on m'a appelé en panique pour me dire qu'il y a eu une fusillade à William's Business, me dit Damien.

— Eh bien... Tout allait comme sur des roulettes... On allait faire une photo quand... Cette femme est sortie de nulle part et a tiré en l'air...

— Une femme ? Je croyais que c'était un homme !

— Non, il y avait deux personnes. C'est l'homme qui a tiré sur Lucy, renchéris-je.

Je soupire bruyamment et me frotte vigoureusement le visage.

— En fait, j'en sais rien... Que ce soit un mec ou une fille, au fond je m'en tape. Je veux juste que cette ordure se retrouve sous les verrous... finissé-je par lâcher en laissant ma tête reposer contre le mur blanc derrière moi.