Le printemps s'installa peu à peu sur Poudlard. Les élèves de sixième année qui auraient dix-sept ans avant le 21 avril eurent l'occasion de suivre des séances d'apprentissage du transplanage supplémentaires à Pré-au-Lard, ce qui soulagement secrètement Ginny : Dean était si déterminé à obtenir son permis qu'il semblait avoir complètement occulté son envie de passer une journée seul avec elle. Lorsqu'il quittait le château pour se rendre à Pré-au-Lard le week-end, Ginny en profitait pour passer du temps avec ses amis.
Un samedi soir, alors que Ginny s'était réfugiée dans son dortoir avec Sally et Lucy pour raccourcir sa soirée avec Dean, le professeur McGonagall fit irruption dans la pièce. Il était plus de minuit, et elle était accompagnée d'une élève plus jeune qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à Lucy et qui semblait effrayée.
— Emily ? s'étonna Lucy.
— Miss Montgomery, veuillez me suivre jusque mon bureau, s'il vous plait, demanda le professeur McGonagall.
L'atmosphère du dortoir, encore joyeuse quelques minutes plus tôt, changea radicalement. Un silence anxieux s'installa, que la voix tremblante de Lucy finit par briser :
— Que se passe-t-il, professeur ?
— Il vaut mieux que nous en parlions dans mon bureau, insista McGonagall d'un ton ferme mais doux.
Le professeur McGonagall employait rarement ce ton-là.
Lucy parvint enfin à bouger. Telle une automate, elle avança vers sa petite sœur, lui attrapa la main et suivit le professeur McGonagall hors du dortoir.
Ginny et Sally échangèrent un regard. Elles savaient ce que cela signifiait. Tout au long de l'année, la Gazette avait rapporté d'horribles incidents qui touchaient régulièrement les familles des élèves de Poudlard.
— Tu crois que c'est sa mère ? demanda Sally d'une petite voix qui ne lui ressemblait pas. Elle travaille au Ministère, non ?
— Oui, confirma Ginny. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais c'est sûrement grave...
Sally et Ginny veillèrent longtemps ce soir-là, incapables de dormir. Lucy ne revint pas de la nuit. Le lendemain matin, son lit était toujours vide. Ginny et Sally, les yeux plein de fatigue, s'efforcèrent de se lever pour aller prendre leur petit-déjeuner et emprunter l'exemplaire de la Gazette de Colin. Elles ne trouvèrent aucune information sur ce qui avait pu arriver à la famille Montgomery et rendirent le journal à Colin sans lui révéler, ni à lui ni à leurs autres camarades, ce qui s'était passé la veille. Mais lorsque Neil s'interrogea sur son absence, Ginny et Sally échangèrent un regard qui parut l'alarmer.
— Que s'est-il passé ? s'enquit-il.
Avec un soupir résigné, Ginny lui raconta la visite de McGonagall. Leurs camarades prêtèrent une oreille attentive à son récit puis se perdirent dans un maelström de suppositions. Ils passèrent la matinée dans la salle commune, trop inquiets pour se concentrer sur leurs devoirs ou jouer à la Bataille Explosive.
Lorsqu'ils redescendirent dans la Grande Salle pour le déjeuner, les élèves de sixième année qui avaient passé la matinée à Pré-au-Lard pour leur leçon de transplanage s'y trouvaient déjà. Dean adressa un signe de main enthousiaste à Ginny qui se résigna à le rejoindre.
— J'ai réussi à transplaner, déclara-t-il avec le sourire. Et Seamus aussi.
Il se plongea dans le récit de sa matinée, puis finit par demander :
— Ça ne va pas ? Tu n'as pas l'air très en forme...
— Je n'ai pas beaucoup dormi, répondit-elle évasivement.
Le lendemain matin, Ginny attendit à nouveau la Gazette avec une boule d'anxiété coincée dans la gorge. Colin écarta les gobelets, les bols et les assiettes puis étala le journal sur la table. Ginny, Sally et Neil se penchèrent par-dessus son épaule pour lire l'article à la une qu'il leur pointa soudain du doigt avec un hoquet de surprise.
ATTAQUE DE LOUP-GAROU : MORT D'UN ENFANT DE CINQ ANS
Jamie Montgomery, âgé de cinq ans, a été victime d'une attaque brutale de loup-garou dans la soirée du seize mars. La mère de l'enfant, Cecilia Montgomery, est parvenue à repousser la bête et à transplaner à l'hôpital Ste Mangouste avec son fils, où ce dernier a immédiatement été pris en charge. Il est malheureusement décédé des suites de ses blessures. L'identité du loup-garou et les causes de cette attaque sont encore inconnues. Les enquêteurs du Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques du Ministère tentent de faire la lumière sur ces questions et de déterminer si la bête se trouvait là par hasard ou si l'attaque était visée. Jamie Montgomery laisse derrière lui ses parents Archibald et Cecilia Montgomery ainsi que ses deux sœurs aînées Lucy et Emily Montgomery. L'enterrement aura lieu le vingt mars au cimetière de Tinworth.
Ginny se rassit sur son banc, sonnée. Un loup-garou avait tué le petit frère de Lucy...
— C'est horrible, commenta Sally, les yeux humides.
— Vous croyez que c'est lié à... à Vous-Savez-Qui ? demanda Colin.
— Probablement, répondit Neil. Il paraît qu'il a toute une communauté de loup-garous derrière lui... C'est ce que mon père m'a dit, en tout cas.
Les jours suivants, des rumeurs commencèrent à courir parmi les élèves qui s'étaient intéressés à la nouvelle. Owen Griffith, dont le père travaillait au Département de Contrôle et de Régulation des Créatures Magiques, affirma que Fenrir Greyback était le loup-garou coupable de l'attaque et que celle-ci avait visé le fils de Cecilia Montgomery, Langue-de-Plomb du Ministère, en raison de son refus d'aider les Mangemorts. Ces informations, toutefois, ne parurent pas dans la Gazette et les élèves durent s'en tenir à ces rumeurs.
Ils n'eurent aucune nouvelle de Lucy. Ginny fut tentée de lui envoyer une lettre de soutien et de condoléances, mais elle n'avait aucune idée de la manière dont il fallait s'y prendre sans platitudes et sans maladresse. Elle se rappela Hannah Abbott, une élève de sixième année à Poufsouffle qui avait quitté Poudlard au début de l'année après l'assassinat de sa mère. Elle n'était pas revenue depuis. En irait-il de même pour Lucy et sa sœur ?
Mars céda la place à avril. Les élèves de cinquième année avaient attendu les vacances de Pâques avec impatience, mais les professeurs les surchargèrent tant de devoirs qu'ils durent se résigner à passer leurs vacances à travailler. La veille de la rentrée, Sally pestait encore contre la quantité de travail qu'on leur avait donné à faire :
— Les BUSES par ci, les BUSES par là, j'en ai ma claque ! On ne s'est même pas reposés du tout ! C'est complètement...
Elle s'interrompit soudain. Une silhouette venait d'apparaître sur le seuil du dortoir. Lucy croisa le regard de Ginny et Sally, puis des larmes remplirent ses yeux. Ginny et Sally se précipitèrent aussitôt sur elle pour l'enlacer. Lucy donna alors libre cours à ses sanglots.
Ginny et Sally la conduisirent jusque son lit où Lucy se laissa tomber.
— Il était déjà à Ste Mangouste, quand McGonagall est venue nous chercher, expliqua-t-elle une demi-heure plus tard, quand elle se fut un peu calmée.
Des sillons de larmes creusaient toujours ses joues.
— Mais quand on est arrivées là-bas, c'était déjà trop tard... Il était déjà mort...