24 - Evan

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Accompagné de Léonor et Emilien, je toque à la porte de la maison de Yannis à 21h, comme prévu. Ce dernier sort de chez lui et nous salue en disant :

– J'ai cru que mes parents de laisseraient jamais sortir, c'était chaud.

– Je croyais que tu les avais prévenus hier ?

– Mais mon père a décidé de changer d'avis au dernier moment, sympathique qu'il est, me répond-il en soupirant.

Je le regarde silencieusement, jetant un coup d'œil à Léo en quête de soutien. Elle a du comprendre mon message car elle lance joyeusement :

– Bon, il habite où ton pote, Yannis ? On y va à cette soirée, ou bien ?

Après quelques minutes de marche, nous arrivons devant une grande maison qui a l'air d'appartenir à des personnes plutôt aisées. Je me demande bien ce qu'ils peuvent venir faire dans ce genre de quartiers, d'ailleurs.

Yannis, connaissant les lieux, ne sonne pas et ouvre directement le portail qui donne sur un jardin bien tondu. Il se dirige d'un pas décidé vers la porte d'entrée et l'ouvre elle aussi. Il a eu raison car, à l'intérieur, la moitié des personnes présentes sont déjà bourrées. Je me tourne vers Emilien et Léo, déstabilisé par l'odeur d'alcool, quand je vois du coin de l'œil Yannis partir à l'autre bout de la salle.

– Dis-le si on te fait chier, murmure Léo en suivant mon regard.

Elle tourne alors les talons et se dirige vers une des tables pour prendre un verre. Emilien et moi nous regardons, indécis, puis nous finissons par lui emboîter le pas. Emilien se sert lui aussi une bière et il m'en propose une, mais je préfère décliner et prendre un coca. Il en faut au moins un qui soit raisonnable.

Pendant que Léo va danser pour, je cite, "se changer les idées", Emilien s'affale sur le canapé du salon à côté d'un mec qui me paraît familier. C'est l'un des amis de Yannis, avec qui j'ai joué au foot hier. Je lui adresse un signe de tête pour lui faire comprendre que je le reconnais et ce dernier, pensant que je lui parle, commence à nous taper la discute.

Après quelques minutes à l'écouter nous raconter sa vie, en ne l'entendant qu'à moitié à cause de la musique, Emilien m'adresse un regard suppliant. Message reçu, je fais un sourire au gars et nous nous levons dans un même geste.

– Enfin, murmure Emilien, j'ai cru qu'il ne s'arrêterait jamais de parler !

Je rigole puis nous décidons de visiter la maison pour nous occuper.

Nous montons les escaliers, qui sont pleins de gens bourrés qui trébuchent en rigolant trop fort. Un fois en haut, nous nous engageons dans le couloir, bordé de portes entre-ouvertes qui laissent voir des couples qui s'embrassent. Ils ont un peu chaud, d'après ce que je peux voir.

Au bout du couloir, Emilien et moi trouvons une salle avec un baby foot sur lequel sont accoudés une dizaine de gars. Quelques filles disputent une partie devant leurs regards admiratifs. Emilien prend alors la parole en rigolant :

– Qu'est-ce qui peut être aussi intéressant dans une partie de baby pour que vous soyez tous scotchés à la table ?

Nous nous approchons sans attendre de réponse quand mon regard se pose sur l'un des mecs, un petit brun avec le bras en écharpe.

– Loan ! Ça faisait longtemps. Comment ça va depuis la dernière fois, ton coude s'est remis ?

Le regard de mon ami s'éclaire quand il me voit à son tour.

– Ça va moyen, c'est un peu chiant et du coup je ne peux pas jouer, mais on survit comme on peut, répond-il en s'éloignant du baby foot. Viens, y'a une espèce de salon juste là.

Il m'entraîne dans la pièce d'à côté et je le suis, laissant Emilien derrière moi. Là, sur le canapé, deux filles sont en train de s'embrasser passionnément sous le regard accusateur d'un groupe de gars. Loan, les voyant prêts à faire une réflexion, s'agace :

– Vous avez jamais vu deux personnes s'embrasser ou quoi ?

Voyant le regard perplexe des mecs, il continue.

– C'est pas parce que vous, petits machos égocentriques, vous êtes hétérosexuels et contre la différence, que c'est forcément le cas de tout le monde. Ayez un minimum de respect. Je demande pas grand-chose quand même.

Sur ces mots, il fait demi-tour et retourne près du baby foot.

– Bon, c'était peut-être pas le meilleur endroit pour se poser et parler, finalement, rit Loan.

– Faut pas t'énerver en fait, je te connaissais pas comme ça ! dis-je, admiratif.

– Je pense que la bière n'y est pas pour rien, je suis plus timide d'habitude. Mais là, je connais ces filles et elles sont super sympa. Elles ne demandent rien à personne, juste d'être tranquilles. Et ça fait longtemps que ces mecs leur tournent autour en leur disant tout un tas de trucs pas forcément très cool.

Il soupire, l'air impuissant.

– Mais sinon toi, ça va ? renchérit-il avec un sourire.

– Bof, mon meilleur pote a du partir à Toulouse avec ses parents et, comment dire, se réunir sans lui, ça fait comme un vide.

– Je comprends. Ma copine a plus le droit de sortir depuis quelques jours et c'est vrai que c'est pas facile.

Je me sens soudain obligé de me justifier :

– Mais c'est pas mon copain hein, juste un pote !

Il rigole.

– J'avais compris, t'inquiète.

Nous parlons encore pendant presque une heure, à se remémorer des souvenirs de la gym ou à parler de tout et de rien.

A un moment de la soirée, les gars de la salle nous proposent de venir faire un tournoi de baby foot avec eux. Les matchs se joueront en deux contre deux et en trois points pour aller plus vite. Les perdants de chaque manche devront boire une gorgée. Après quelques secondes d'hésitation, face au visage ravi de Loan, j'accepte et me joins à eux.

La partie est bien entamée quand je remarque que Emilien a disparu. Je regarde mon téléphone : j'ai un nouveau message de Léo.

« On est rentrés avec Emilien, la drogue dure c'est pas pour nous »

Comment ça, de la drogue dure ? Je ne m'interroge pas plus car Loan m'appelle : c'est à notre tour de jouer.

La Nature reprend ses droitsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant