Chapitre 9

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Lorsqu'Anna releva la tête pour voir sa sœur, elle s'attendait à être envahie d'un sentiment de soulagement, ou de la joie, peut-être de la culpabilité. Mais tout ce que ses prunelles reflétaient en ce moment, c'était de l'émerveillement.

"Wow, Elsa, tu es... différente, nota sa cadette. Et ça te va très bien ! s'empressa-t-elle de préciser. Et ce palais est..."

Elle laissa un temps pour trouver les mots.

"Splendide, finit-elle par décider."

Légèrement attendrie, Elsa sourit. Anna, dont les deux tresses rousses sortaient d'un bonnet rose fushia à fourrure, était affublée d'une cape d'hiver de la même couleur que son bonnet et d'une robe chaude au jupon bleu marine, ainsi que d'une paire de bottes fourrées marron et de moufles bleu ciel, le tout donnant un accoutrement assez incohérent et inhabituel, en particulier pour une princesse.

Tout de suite, Elsa se fit la réflexion qu'elle avait beau s'être promis de chasser vertement tout inconnu, elle ne pouvait pas chasser Anna, pour la simple et bonne raison que malgré les années qu'elle avait passé à l'ignorer, Anna n'était pas une inconnue. C'était bel et bien sa sœur. Et elle avait le droit à quelques explications, surtout après tout le chemin qu'elle avait dû parcourir pour la retrouver, comme en témoignaient son nez et ses joues rougies par le froid. Après, et uniquement après, Elsa lui demanderai de regagner Arendelle pour ne jamais revenir. C'est pourquoi tout en gardant ses distances, elle lui répondit gentiment :

"- Merci. Je ne savais pas moi-même que c'était possible.

- Elsa, enchaîna Anna en commençant à gravir les marches pour se diriger vers son aînée, je suis vraiment navrée, si j'avais su je-

- Non, non, ce n'est pas grave, la rassura Elsa avec un mouvement de recul. Tu n'as pas à t'excuser."

Elle se tordit les mains, avant de détourner les yeux pour prononcer :

"- Mais tu devrais partir.

- Partir ? Mais je viens d'arriver ! répliqua Anna avec un mouvement du bras et un sourire, pas offensée pour deux sous.

- Ta place est à Arendelle, insista Elsa.

- La tienne aussi !

- Non ! Ma place est ici, affirma Elsa. Seule."

Elle sourit à ce mot et se dirigea à pas lents vers la balustrade du palier pour poursuivre :

"- Où je peux être moi-même. Sans faire de mal autour de moi, soupira-t-elle.

- A ce propos, Elsa, tenta sa sœur avant d'être interrompue par une voix."

Un bonhomme de neige qui semblait animé de vie déboula dans la pièce en agitant joyeusement les branches qui lui servaient de bras.

"Bonjour ! Je m'appelle Olaf et j'aime les gros câlins ! annonça-t-il joyeusement."

Ces simples mots firent remonter un tourbillon de souvenirs dans la tête d'Elsa, avant que son cerveau ne fasse le rapprochement entre le bonhomme de neige qui se tenait devant elle et celui qu'elle avait créé la veille, lorsqu'elle errait dans la montagne. Incrédule, elle répéta :

"Olaf ? Et..."

Elle déglutit.

"Tu es vivant ?"

Olaf sembla réfléchir sérieusement à la question, regardant son corps et agitant chacun de ses membres, avant de relever la tête vers sa créatrice pour conclure sur un ton des plus sérieux :

"Eum, oui. Je crois."

Elsa regarda ses mains. Elle ne savait que penser. Ses pouvoirs étaient si puissants ! Cela la dépassait. Elle avait l'impression d'être écrasée par un fardeau bien trop grand pour son corps, bien plus grand qu'elle, et peinant à contenir cette magie, elle se retrouvait ballottée, instrument de ses pouvoirs. Chaque jour son étonnement était plus grand. Comment savoir si c'était quelque chose de bien, ou si c'était mal ? Comment ce qui avait blessé Anna pouvait avoir créé quelque chose d'aussi adorable, gentil et innocent qu'Olaf, la figure même de la joie pour son âme d'enfant ?

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Entre temps, le petit bonhomme de neige s'était rapproché d'Anna, qui s'était accroupie pour se mettre à sa hauteur :

"Il est comme ceux que nous faisions étant petite, lui fit remarquer Anna d'une voix enrouée par l'émotion et gorgée de tendresse, tout en levant les yeux vers sa sœur."

Face à cela, Elsa ne put que lui offrir un sourire sincère, son visage s'illuminant pour lui répondre simplement :

"- Oui.

- Nous étions si proches autrefois, murmura Anna. Nous pourrions le redevenir, j'en suis sûre."

C'était comme si elle lui avait tendu la main. L'espace d'un instant, Elsa voulut prendre cette main. Elle voulait repartir d'ici avec sa sœur, retrouver le château, bavarder joyeusement avec elle, redécouvrir son royaume et son peuple, mener une vie simple. Une vie normale.

Mais tu n'es pas normale.

Soudain, le souvenir de l'accident refit surface dans son esprit. Elle vit nettement une jeune Anna sauter, puis son ancien elle glisser et envoyer un jet de magie de travers. Anna tomba comme une poupée de chiffon, inconsciente et gelée. Sa mèche blanchit.

Anna !

"Non, impossible."

Elle se rendit compte alors qu'elle avait parlé à voix haute. Elle secoua la tête, tourna le dos à sa sœur et lui dit d'une voix ferme :

"- Au revoir Anna.

- Attends ! argua sa sœur en se précipitant vers elle, son entreprise légèrement entravée par la matière glissante de l'escalier sous ses pieds.

- Non ! Va-t-en, cela vaut mieux pour toi, lui assura Elsa d'une voix qui tremblait légèrement."

Mais Anna ne pouvait pas partir comme ça. Elle se devait de ramener sa sœur. Et elle devait ramener l'été à son peuple, même s'il lui en coûtait de savoir qu'elle devrait peut-être abandonner sa sœur après qu'elle ait dégelé le royaume si c'était son souhait. Les responsabilités avant tout. Sans plus attendre, elle tenta de rattraper Elsa qui empruntait des escaliers sur la gauche qui menaient sûrement à l'étage.

"Elsa, s'il te plaît. Prends le temps de m'écouter, lui intima-t-elle."

Elle inspira un grand coup, prête à débiter tout un discours pour la convaincre tout en montant l'escalier de glace.

"Elsa, tu ne comprends pas ? Tout ce temps, j'ignorais pourquoi tu te tenais à l'écart, pourquoi tu portais des gants, pourquoi les portes étaient fermées. Mais maintenant c'est différent ! Maintenant que je sais, je serai là. On va surmonter cette épreuve ensemble, main dans la main. Si tu m'aides, on trouvera une solution, j'en suis sûre ! Parce que pour le première fois, et à jamais, je serai là. Ta sœur sera là pour toi.

- Anna, soupira Elsa, rentre au royaume. Arrête de t'inquiéter pour moi. Vis ta vie, loin du froid de ces montagnes, va retrouver le soleil d'Arendelle !

- Oui mais-

- Je sais, l'interrompit sa sœur les mains devant elle pour lui intimer de se calmer. Ne m'en veux pas de vous quitter, s'il te plaît."

Elle se dirigea vers son balcon pour contempler le paysage des montagnes et s'imprégner de cet apaisant silence, avant de poursuivre :

"- Certes je suis seule, mais seule et libre. Je me sens bien ici, délivrée de toute responsabilité. Ici, j'ai le droit d'être moi, sans crainte de blesser qui que ce soit. Sans crainte de te blesser. Je te sais en sécurité. Et ça, ça vaut toutes les couronnes de ce monde, lui avoua-t-elle en tournant son regard vers sa cadette. Alors..."

Le Froid [ABANDONNÉE]Where stories live. Discover now