5 Juin
—Bonjour, je cherche la chambre d'Aurore Bogaert, je demande à l'accueil de la maternité. Je suis son frère, Hugo Bogaeart.
—Carte d'identité s'il vous plait.
Je la lui tends. Elle y jette un oeil avant de me la rendre. Après quelques instants à pianoter sur son clavier, la secrétaire m'accorde à nouveau son attention.
—Chambre huit. Vous prenez ce couloir, ce sera sur la gauche.
Je la remercie avant de suivre ses indications. Le sac avec le cadeau parait peser une tonne dans ma main au fur et à mesure de mon avancée.
J'ai été poussé à la porte du Fox par Charles. Dès qu'il a appris la naissance de ma nièce, il m'a obligé à prendre un jour de congé pour aller voir ma sœur. Aucune protestation permise de ma part, alors même que j'insistais pour travailler après ces deux semaines loin du boulot.
Après, j'ai peu protesté, trop heureux de pouvoir les voir toutes les deux. J'aurais pu venir un peu plus tôt, mais je préférais éviter un peu le rush post-accouchement.
Surtout pour me préparer face à l'arrivée de cet enfant. J'ai tant de mal à réaliser que je suis parrain. Un an semble s'être écoulé entre le moment où j'ai accepté la proposition et celui où Aaliyah est née. Sauf qu'il n'y a qu'un peu plus d'un mois que j'ai pris cette décision.
Arrivé devant la chambre, je marque un temps d'arrêt. Je reprends ma respiration afin de calmer les battements affolés de mon cœur.
Pour enfin donner de petits coups sur la porte.
—Entrez !
Je m'exécute et suis accueilli par le salutations plus qu'enthousiastes d'Aurore et Mohammed. Leurs mines sont pourtant fatiguées, sans doute car les nuits en tant que jeunes parents sont courtes.
Mon beau-frère me fait une accolade vigoureuse qui me coupe la respiration tant je ne n'y étais pas préparé. Je la lui rends une fois le choc passé.
—C'est bon de te voir ! me dit-il une fois lâché. Comment tu vas ?
—Plutôt bien. Et vous deux ?
Mohammed ricane tandis qu'Aurore rit un peu jaune.
—Moi ça va, réponds mon beau-frère. Ce n'est pas moi qui a accouché, ni celui qui doit manger la bouffe dégueulasse de l'hôpital.
—C'est pas une légende alors ?
Ma sœur secoue la tête.
—Pas du tout, frissonne-t-elle. C'est immonde. Vivement qu'on me fasse un bon petit plat quand je rentrerai à la maison.
—Si j'avais su, j'aurais préparé quelque chose.
—Ne t'en fais pas pour ça.
Elle me fait signe d'approcher pour me coller un baiser sur la joue. Sa main s'attarde sur mon bras, plus longtemps que d'habitude. Je lis dans ses yeux qu'elle aussi voudrait m'interroger sur les récents événements. Après tout, elle et moi n'en avons pas encore parlé.
Mais elle ne le fera pas devant Mohammed. Ce qui m'offre un moment de répit : je ne me sens pas de me livrer devant lui. Encore moins sur tout ce que j'ai traversé.
Traverse encore par moments. Tant la bataille contre mes pensées et les souvenirs de Logan est loin d'être terminée.
Mais je survis. Un peu mieux. J'apprends à vivre avec la douleur et l'absence, car c'est ce que l'on attend de moi. Et que je ne peux pas imposer à mon entourage d'être au plus bas.
—Regarde qui voilà ! C'est ton parrain !
Nous nous tournons vers Mohammed. Il est allé chercher Aaliyah dans son berceau, la tient dans ses bras et l'a tournée vers nous. Le visage du jeune papa est extatique, comme presque tout parent peut l'être dans un premier temps.
Le bébé semble tellement minuscule dans ses bras massifs. Aaliyah regarde autour d'elle avec ses immenses yeux clairs, sans comprendre ce qu'il se passe.
Mohammed prend la petite main de sa fille et la secoue vers nous, avec un air complètement gaga sur le visage.
—Bonjour parrain !
—Il fait ça avec tout le monde, me dit Aurore qui ne cache pas sa propre joie. Un vrai papa-poule.
—Dit celle qui ne m'accorde plus un regard dès qu'elle a cette superbe princesse dans les bras.
—Je l'ai portée neuf mois, je dors dans la chambre avec elle et je l'allaite : c'est prouvé que ça crée du lien.
—Ah l'excuse du lien mère-enfant. Ça faisait environ une heure que tu ne me l'avais pas sortie.
J'ai plus l'impression de voir des frères et soeurs se chamailler qu'un couple. Même si Aurore et moi n'avons pas ce genre de lien. Est-ce ça le secret pour que tout fonctionne en amour ?
Mon cœur se serre soudain en pensant à Logan et ce semblant de relation et de complicité que nous avions. Mais je dois me ressaisir. Pour tout le monde mais surtout pour moi-même.
Je tends mon sac à Aurore.
—Un cadeau pour elle, je dis.
Elle jette un œil avant de sortir le mouton en peluche que j'ai acheté en sortant du boulot hier soir. Je ne savais pas quoi prendre d'autre et puis, les enfants grandissent si vite : des vêtement auraient été obsolètes après quelques semaines.
Au moins, ça fera un souvenir matériel de moi à ma filleule. Le premier. Peut-être un de ceux qu'elle gardera toute une vie.
—Il est tellement mignon ! s'exclame-t-elle.
—Ça change des vêtements moches ! commente Mohammed.
—Arrête un peu, il y en a de très jolis.
—Ouais, deux sur les huit.
Aurore roule des yeux avant de me glisser la peluche dans les mains.
—Donne-le lui, m'encourage-t-elle.
Rien de compliqué à ça. Pourtant, cela contribue à rendre mes mains moites. Aaliyah aura donc droit à un mouton marqué de ma sueur : tu parles d'un cadeau formidable.
J'approche de Mohammed qui lève un peu plus ma nièce vers moi. Difficile de déjà dire à qui elle ressemble, si ce n'est que sa peau est d'une teinte assez semblable à celle de son papa. Ses grands yeux clairs viennent définitivement des Bogaert par contre.
—C'est tonton Hugo, dit Mohammed à sa fille d'une voix très douce.
—Coucou toi, je réponds avec le ton typique qu'on emploie en parlant aux bébés. Regarde.
Je montre la peluche et la secoue doucement. Un petit bruit de clochette arrive, ce qui semble la captiver.
—Eh oui, il est pour toi !
Je caresse sa joue du bout de l'index. Mon coeur fond devant cette bouille déjà si adorable.
—Tu veux la tenir ? me demande Mohammed.