Chapitre 14 - Partie 2

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TRISTAN

Ma tête va exploser. L'aspirine prise au réveil ne se montre pas à la hauteur des excès de la veille. Je n'ai presque jamais séché, mais s'il ne s'agissait pas du cours de monsieur Lupus, je serais resté au fond de mon lit. Ce matin, un jeûne s'impose. Le moindre aliment ressortirait aussitôt et si j'ai la chance de croiser Lou, je ne compte pas lui vomir dessus.

Sur le trajet, mon sac à dos semble peser des tonnes sur mes épaules. Mes tempes battent au rythme de la marche. En plus de ne pas fonctionner sur mon esprit, l'alcool s'agrippe à mon corps avec violence. C'était vraiment une mauvaise idée. Merci les gars.

À mon habitude, j'arrive le premier dans la salle de cours. J'observe les étudiants entrer un par un, mais pas de princesse névrosée à l'horizon. Il n'est pas rare qu'elle se pointe avec un peu de retard, alors je garde cet espoir ridicule.

Avant de démarrer son cours, le professeur Lupus m'interpelle devant la promo. Il me demande de rester à la fin de sa présentation pour parler de mon projet. Tout de suite, des murmures embaument la salle. À cause de Brad et Ludo, la nouvelle s'est vite répandue. Je déteste être le centre de l'attention et j'ai le sentiment que cette matinée me réserve entre des surprises.

La porte de l'amphithéâtre s'ouvre alors que le cours a commencé. Mon cœur s'arrête. Mes yeux se redressent. Sauf que la petite rousse qui s'excuse de son retard ne ressemble en rien à Lou. Je dois me faire une raison, je ne la verrai pas aujourd'hui.

Je me focalise à nouveau sur mon cahier quand la retardataire s'installe sur le siège libre d'à côté.

— Tristan, c'est bien ça ? m'interpelle-t-elle.

— Ouais.

Je peux paraître froid, mais les opportunistes ne m'intéressent pas. Et clairement, la salle est à moitié vide, je ne la connais pas, donc je ne vois pas d'autres raisons que celle de ma récente notoriété pour qu'elle pose ses fesses ici.

— Moi, c'est Patty.

Je garde le silence, peut-être comprendra-t-elle que je ne suis pas d'humeur.

— Waouh, je te pensais plus cool que ça. J'ignore si c'est la fame qui t'ait monté à la tête, mais je n'aurais certainement pas dû écouter Ludo et venir te parler avant, marmonne-t-elle.

Ludo ? Quel rapport a-t-elle avec lui ? Il n'a jamais évoqué une Patty.

— Ça n'a rien à voir avec ma prétendue célébrité, mais je ne te connais pas et, en effet, tu n'as pas choisi le meilleur jour, me défendé-je.

— Parce que la grande Lou Campbell est absente, c'est bien ça ?

— Pardon ? sursauté-je.

Je relève finalement la tête vers elle. Son visage se veut plutôt amical. Son petit nez retroussé rempli de tache de rousseur lui donne même un côté personnage de dessin animé. Elle est assez mignonne.

— Je suis en cours de graphisme avec ton pote, Ludo. Il m'a parlé de ton projet il y a quelques mois...

Traître.

— Comme nos univers se rapprochent, je voulais venir à ta rencontre et découvrir ce fameux jeu. Mais quand j'ai vu le genre de personne que tu fréquentais..., continue-t-elle. D'ailleurs, il m'avait prévenu. Il m'a dit que tu ne t'intéresses plus à grand-chose en dehors d'elle. Déçue de constater qu'il ne se trompait pas.

— Tu ne nous connais ni l'un ni l'autre, je te trouve un peu gonflée de juger et de tirer des conclusions.

— Certes, je ne te connais pas, mais elle... Crois-moi, j'ai eu affaire à la bête. En général, je mets directement tous ceux qui ont la force de la supporter dans le même panier. J'espérais me tromper sur ton cas... Bref, peut-être à une autre fois, la star !

Sur ces belles paroles, elle part s'installer ailleurs malgré le regard noir de Lupus. Mais c'est qui celle-là ? Pourquoi je dois toujours tomber sur des barges ?

Comme promis, je reste à la fin du cours. Après m'avoir longuement félicité, le professeur cherche à connaître mes ressentis face à ce projet. J'ai rarement vu quelqu'un de sa stature si humain, si compréhensif. Son sourire amical me pousse à lui en confier un peu plus. Je lui raconte mon histoire, la situation compliquée avec ma sœur, mes parents qui veulent me voir sortir de Stanford diplômé. Il ne juge pas, ne prend pas parti. Il tente de me rassurer tout en me tirant vers le chemin qui me comblera le plus.

Au fond, je le sais bien. Je me tue aux études depuis de nombreuses années et si je passe à côté d'une opportunité pareille, je n'aurai plus la force de continuer à ce rythme avec autant de motivation. Une occasion si belle ne se représentera peut-être jamais. Comme là si bien dit Lupus, ce n'est pas mon père qui aura à assumer ce choix toute sa vie. Reste encore à trouver le courage d'en parler avec mes parents.

Alors que je me crois libre, et que je m'apprête à renoncer à mes principes d'assiduité pour retourner dormir, il me retient pour évoquer un tout autre sujet.

— As-tu des nouvelles de mademoiselle Campbell ?

— Non, soupiré-je.

— Elle n'a pas honoré le rendez-vous que nous nous étions fixé à la rentrée et j'ai remarqué qu'elle n'était pas non plus présente aujourd'hui...

Donc, elle n'a pas remis les pieds à la fac. C'est bien ce que je craignais.

— Malheureusement, je ne peux pas vous aider, je ne l'ai pas vu depuis le Spring-Break, confessé-je.

— Je dois t'avouer que j'espérerais de meilleures nouvelles. Son cas m'inquiète de plus en plus, je pense que je vais contacter ses parents.

— Faites ce qui vous semble bon, mais je doute que vous obteniez plus de résultats avec sa famille...

— Je vois. Je suis désolé d'avoir à te demander ça, mais as-tu déjà été chez elle ?

— Oui.

— Pourrais-tu passer voir comment elle va ? Je la suis depuis le début de l'année et je l'ai vu se dégrader au fil des mois. Je n'exagère pas quand je dis que son état m'inquiète, s'obstine-t-il.

Génial. Maintenant, je suis encore plus remué par son absence. La princesse n'est pas près de quitter mon esprit.

— Je verrai ce que je peux faire.

— Merci Tristan. 

Drop the end | Terminé ✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant