Ce matin, pas de marche. Morgane, mon éducatrice référente et Mame Sira, l'infirmière, nous ont rendu visite pour notre jour de repos. Ayant constaté mes nombreux coups de soleil, Mame Sira m'a sollicité pour me mette une crème. Dix minutes plus tard, j'étais badigeonnée de Biafine comme un poulet rôti plein d'huile.
Morgane et moi avons discuté de la situation que je vis et des raisons pour lesquelles je suis venue au Sénégal avec leur association. Comme je te l'ai expliqué, cette fondation permet aux jeunes en difficulté de changer et de trouver leur voie. C'est toujours difficile de discuter avec un adulte qui rabaisse le vécu d'un jeune à un bas niveau. Je m'explique: elle n'a pas admis le fait que j'ai un passé plus douloureux que la plupart des gens qui vivent leur petite vie tranquille. Nous sommes nombreux à avoir souffert de par notre expérience, la seule chose dont j'avais besoin, c'était qu'elle l'admette.
J'ai été réveillée vers 15:30 par Fatou et Pape: il fallait profiter de l'absence de soleil pour avancer. Malgré mon envie de repos et ma mauvaise foi, j'ai accepté de continuer pour nous avantager. Deux kilomètres sur la plage avant de passer par la civilisation. J'étais sur le point de craquer. Les enfants continuaient de crier "toubab". Tous les regards s'arrêtaient sur moi, comme si j'étais une bête de foire. J'étais pleine de crème solaire, j'avais mal aux chevilles, et ma motivation avait chuté d'un coup.
J'eus les larmes aux yeux. Je ne comprends pas le but de la marche. Je ne vois pas le bénéfice; pour moi, ce n'est qu'une punition, une torture. J'ai soufflé, ravalé mes larmes et me suis une nouvelle fois retenue de pleurer en voyant passer un chat famélique passer devant moi.Une fois mes esprits recouvrés, Sarah et moi avons fait les sept kilomètres les plus drôles de toute la randonnée. A notre droite marchait un jeune sénégalais de notre âge, bâton de siwak* à la bouche. De temps à autres, il nous regardait avec un sourire séducteur. Ironiquement, Sarah m'a demandé d'aller chercher son numéro de téléphone. J'ai donc appelé Fatou qui marchait devant nous avec Pape, et elle l'a fait ! Malheureusement il n'avait pas de téléphone. Sarah essayait de le faire venir de notre côté de la route en l'amadouant avec des petits "viens, t'es beau, viens" accompagnés de signes de main.
Quand il décida enfin de venir, on lui demanda son nom: Pape, comme notre accompagnateur. D'un coup, il pris la main de Sarah et dans le plus grand des calmes lui dit: "je t'aime". Sarah et moi étions littéralement pliées de rire.
Je lui ai demandé s'il allait l'épouser, il était déterminé à le faire ! Elle s'est mise à appeler Fatou en criant: "je suis fiancée ! Je vais me marier !", cette dernière a éclaté de rire.
Lorsque le calme revint, elle m'appela, en plein malaise: il avait fait le signe de pénétration avec ses doigts et lui avait demandé si elle couchait. J'en ai pleuré de rire.Un peu plus tard, le jeune homme avait disparu sans que nous nous en rendions compte. Vers 18h nous étions arrivés.
La plus belle et la plus entretenue des écoles dans lesquelles nous avons pu camper. Des fleurs partout, un puits, des salles de classe propres avec des façades lisses, des bancs en pierre, et une fresque représentative du lion de la terranga aux couleurs du drapeau sénégalais. Fatou nous a expliqué que cette peinture avait été faite par un autre jeune, Thomas.
Pendant la nuit, je me suis levée pour aller aux toilettes avec ma petite torche. J'ai croisé sur mon chemin la chose la plus mignonne que j'ai jamais vu: un bébé gecko pas plus gros que mon auriculaire. Je l'ai donc pris un peu dans les mains avant de le laisser s'en aller, ce qui a égayé ma nuit.
*bâton siwak: Le siwak (en : سواك ou مسواك), appelé aussi souek, souak, meswak ou « bois d'araq (bâton d'arak) », est la racine de l'arbuste utilisée comme naturelle.
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365 jours
Adventure1 pays, 15 ans et 365 jours. L'année de mes 15 ans, ma situation m'a poussé à voyager. L'inconnu m'effrayait, aujourd'hui il me fascine. Voici le récit d'un an d'écrits journaliers: voici mon aventure. Ce récit est tiré de faits réels. Les noms de c...