Chapitre 1 - Moi

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« Pendant des années j'ai attendu que ma vie change.

Mais maintenant je sais que c'était elle qui attendait que moi je change. »

Fabio Volo

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Je m'appelle Vickie. Ce n'est pas un diminutif ou un pseudo. C'est mon prénom, juste Vickie. J'ai quarante ans et certains me qualifieraient de vieille fille, au sens péjoratif du terme. Alors oui j'ai quarante ans, je suis célibataire, jamais mariée et j'ai un chat (je vous vois rire hein !). Mais contrairement à ce que vous pouvez penser je vais bien merci ! J'ai un job dans lequel je m'éclate, un appart sympa, je ne roule pas sur l'or, mais bon comme un peu tout le monde en ce moment, mais ça va, et je mène une existence somme toute assez normale.

Qu'est-ce que je fais comme boulot ? On s'en fout un peu, j'aime ce que je fais mais le travail n'est pas ce qui me définit ou ne devrait pas l'être. J'ai exercé des dizaines de métiers différents, eu des relations plus ou moins sérieuses et j'ai eu des enfants qui sont grands. Et maintenant quoi ? La vie s'arrête ?

J'ai décidé il y a peu que ça serait l'inverse. La quadra d'un peu moins d'un mètre soixante-dix, un peu (beaucoup) ronde - et non je ne vous donnerais pas mon poids parce que là aussi on s'en fout et en plus je suis en train de régler ce problème - a décidé de ne pas attendre la période de la nouvelle année pour prendre de bonnes résolutions. Surtout que celles prises après les fêtes ne durent jamais bien longtemps.

Bon, si j'avais su, j'aurais attendu un peu avant de sortir de la coquille dans laquelle j'étais finalement si confortablement installée depuis des années.

Je n'étais pas si mal dans ma bulle, éloignée des gens, des hommes surtout. Pas de relation = pas de souffrance, c'est mon crédo. Certains diront « Oui mais d'amour non plus ! ». Certes. Mais on ne peut pas tout avoir. On devrait, mais ce n'est souvent pas le cas. Et le bla bla du genre « Fais confiance, tu verras de belles choses peuvent arriver... ». Genre ! Ils sortent ces gens-là parfois ou comment ça se passe ? Au vu du nombre de divorces et de séparations ça ne donne clairement pas envie de faire confiance. Plus personne ne fait d'efforts, les gens se séparent comme ils zappent à la télé. Et puis les couples qui se déchirent on en connaît tous et ça, ça ne fait pas envie, si ?

Mais ne vous imaginez pas que je suis froide et fermée. Pas du tout. Je crois en la vie et en l'amour, j'y crois même passionnément.

Ce qui me fait envie ce sont les étoiles dans les yeux, l'excitation. Le cœur qui bat quand on pense à l'autre, l'envie d'échanger un message, d'avoir les mains qui se frôlent, de rigoler de tout et de rien. Et là je ne parle pas du tout de sexe, mais de toute cette alchimie un peu magique qui fait du bien au corps et à l'esprit (même si clairement le sexe c'est très sympa aussi et pas seulement au début de la relation, au contraire je pense que c'est de mieux en mieux au fur et à mesure qu'on se découvre et qu'on se fait confiance, mais je m'égare là... Il fait chaud d'un coup non ?).

Ce qui fait envie aussi ce sont les moments de complicité, la confiance absolue que l'on peut avoir en l'autre, les souvenirs créés à deux, la magie de pouvoir jouer ensemble sans tabou (et là ça inclut le sexe) et tous ces moments où l'on est juste bien ensemble sans même avoir besoin de se parler, juste de savoir l'autre près de soi.

Mais les gens rendent tout compliqué, ils se créent des difficultés où il n'y en a pas. Manque de communication, manque d'échanges, manque de confiance. Parce que pour vivre pleinement il faudrait pouvoir avoir confiance en l'autre ou a minima en soi. Comment profiter de ces instants quand on ne sait pas ce que l'autre ressent ?

Enfin, tout ça pour dire qu'en septembre j'ai décidé de reprendre ma vie et mon corps en main. Pas d'objectif couple ou mariage, my God non. À vingt ou trente ans oui ça m'a traversé l'esprit, vaguement, un peu, surtout parce que la société vous fait croire qu'il faut tout ça pour être heureux. Mais être en couple pour être en couple n'a jamais été un objectif pour moi. Je suis plus partisane de l'adage « Mieux vaut être seule que mal accompagnée » et j'ai pris grand soin de l'appliquer à la lettre depuis des années.

J'ai donc pris la résolution d'être à l'extérieur la personne que je suis à l'intérieur. Ça prendra un peu de temps, j'en suis consciente, mais je vais faire avec. Il va falloir aussi que je définisse qui je suis vraiment. Après avoir passé ma vie à essayer de plaire aux autres, d'être la personne qu'eux voulaient que je sois, je ne sais plus trop moi-même qui je suis. Je ne sais plus comment me comporter avec les gens et cela me donne souvent une image froide et asociale (enfin c'est parfois ce qu'on m'a dit, preuve que ces gens-là ne me connaissent pas !).

Je ne suis pas à l'aise en société parce que je cherche toujours à comprendre ce que les gens attendent de moi, comment je suis censée agir, communiquer. Mais en fait je crois qu'ils n'attendent rien, ils s'en fichent, je me mets la pression toute seule, pour rien. Et ça m'a isolée, des gens, de la vie, de moi. Mais ça, comme dirait l'autre, c'était avant !

Mes amis m'ont fait comprendre que je travaillais trop et qu'ils ne me voyaient pas assez souvent, et c'est vrai qu'ils me manquent aussi. À ma décharge j'ai beaucoup déménagé et j'étais souvent loin d'eux physiquement. Nous n'avons jamais perdu contact (merci aux réseaux sociaux et aux téléphones portables), mais la complicité à distance ce n'est pas très pratique. Donc je suis heureuse de retrouver les soirées papotage, resto ou jeux, c'est tellement agréable de se voir « en vrai », de partager de bons moments, de rire, de vivre quoi !

L'âge ne me fait pas peur, les anniversaires n'ont jamais été un problème pour moi et la perspective des cinquante ans non plus. J'ai encore le temps me direz-vous, mais quand même, ils n'ont jamais été aussi proches, c'est mathématique. Ce qui me terrifie ce n'est pas l'âge. Ce qui m'angoisse c'est de passer à côté de ma vie, de ne pas l'avoir vécue, de me mettre des freins toute seule. Je n'ai jamais manqué de courage pourtant pour aller au bout de mes envies ou de mes rêves, mais ma timidité et mon manque de confiance en moi m'ont quand même ralenti.

Adolescente, j'ai souvent été dans une posture de mimétisme, cherchant à comprendre ce qui faisait que les gens populaires l'étaient justement. J'en suis arrivée à la conclusion qu'ils étaient simplement eux-mêmes, pleinement assumés avec leurs qualités et leurs défauts et qu'ils n'en avaient pas grand-chose à faire qu'on les apprécie ou non. Et c'était peut-être ce qui plaisait justement, qu'ils ne cherchent pas à plaire.

Fini donc les kilos en trop derrière lesquels je me planque depuis trop longtemps. Vous êtes gentils les bourrelets, vous avez éloigné les hommes, c'était le but (et ça a très bien fonctionné), mais maintenant je vais m'en charger toute seule, comme une grande. Parce que soyons honnêtes (gardez les tomates, nous sommes entre gens civilisés), quoi qu'on en dise, la plupart des hommes n'aiment pas les kilos en trop. On vous voit dans la rue Messieurs ! Et aucun de vous ne se retourne sur les filles comme moi. Notez que je ne vous jette pas la pierre, je constate simplement. La fille mince (normalement mince hein, ne versons pas dans les extrêmes) si en plus elle porte une jupe et/ou des talons ou un décolleté même pas forcément trop plongeant, elle attire les regards. Loin de moi l'idée de me plaindre, comme dis, je constate (et puis niveau décolleté ça va je n'ai pas trop de complexes à avoir je pense). Et franchement je ne veux pas m'affiner pour attirer les regards. (Genre elle est hypocrite celle-là !) Eh bien non, celle à qui je veux plaire c'est moi. Je ne veux plus me cacher derrière mes kilos ni derrière ces fringues trop simples et trop ternes que je trimballe depuis bien trop longtemps. J'ai envie de crier, hurler et me battre.

Cela fait donc quinze jours que j'ai commencé à faire entre quarante-cinq minutes et une heure de sport par jour (marche et piscine, pas un truc de fou non plus hein !). Je ne mange plus (enfin moins) de saloperies sucrées (je n'en mangeais pas tant que ça non plus) et j'ai même déjà moins faim. Je ne me préoccupe pas trop de la balance, elle n'est pas toujours fiable et de toute façon elle me met des chiffres qui ne me plaisent pas, donc autant éviter de se faire du mal pour rien. Bref le moral est bon, très bon même.

Il y a trop de boulot, comme d'habitude, mais la perspective d'un séminaire à venir le week-end prochain me fait du bien. Je vais pouvoir m'aérer l'esprit, penser à autre chose.

Mais le karma est facétieux, il aime bien jouer avec mes nerfs. Et pour ce qui est de me changer les idées ça va dépasser mes espérances...

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 29, 2020 ⏰

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Crazy VickieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant