CHAPITRE 1 - Écervelée

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C’est définitivement un cours de merde.

Je scrute avec dépit l’homme qui s’emporte, bras vers ciel, dans un discours étoffé un brin harassant. Je me réjouis de ma place lorsque son poing rencontre la table du premier rang, réveillant par la même occasion la rangée dans un sursaut général. Un sourire m’échappe malgré moi, la jeune blonde à deux place de l’assaut semble durement émerger, cherchant désespérément ses repères parmi les étudiants hilares.

- « un peu de tenue, Barbie! »

Les fous rires fusent de plus belle et la dénommée « Barbie » se redresse aussitôt, fusillant du regard  sa voisine, une petite brune pâlotte. Elle hausse des épaules et se détourne, apparemment ravie de la tournure des événements.

Je reprends mon stylo en bouche, presque compatissante.

La torture reprend aussitôt. Coincé dans un costume démodé aux fines rayures, Jackson Raynold  s’époumone et même coincée dans les dernières rangées entre deux groupes bavards, je parviens à distinguer l’étendue de postillons qui s’élancent fièrement dans les airs, retombant mollement sur le sol sombres de l’amphithéâtre. Cheveux grisonnant plaqués sur un tête au contenu désorientant, de petits yeux terrifiant lorsqu’ils daignent se déposer sur vous, et le summum, de fines lèvres quasi inexistantes mais pourtant débordantes d’anecdotes inutiles à mes oreilles déjà bourdonnantes. 

Je mesure la durée de vie annoncée critique de mon stylo lorsque la porte arrière s’ouvre soudainement à quelques mètres de ma place. Invisible à la vue de monsieur Raynold par un pan de mur bardé d’un plan de sécurité, une courte jupe à godets aux teintes pastels me nargue, suivie d’interminables jambes au galbe atteignant la perfection.

- « En voilà une qui doit être contente » ce murmure donne un immense sourire conquis à la propriétaire de ces gambettes. Elle se rue, silencieuse, dans ma rangée au côté de deux filles ayant repris vie à son apparition.

Elle est simplement divine.

Son sourire illumine un minois aux pommettes saillantes et ses yeux manquent de me liquéfier sur place. Un bleu pur et vif, attentif au regard de notre orateur, en trans dans son monologue. Elle se déplace avec grâce, faisant voltiger les pans de sa jupe jusqu’à sa chaise.

- « Alors, tu l’as vu? »

La blondeur de sa chevelure s’accorde à merveille au hâle de sa peau et d’un hochement de tête mesurée, elle créait atours d’elle une sorte de petit attroupement euphorique. Sans comprendre, je m’aventure à l’écoute de cette discussion bondée d’oestrogène. 

- « Allez Giulia, craches le morceau »

- « J’étais chez lui, en fait.. » ses joues rougissent légèrement au rythme des légers cris mesurés émit par ses deux acolytes.

Coudes posées contre les tables vieillies de l’amphithéâtre, ses mains fines se rejoignent et son sourire me semble soudain terriblement faux. Sa lèvre inférieure tressaille légèrement, assez pour m’intriguer.

- « Il est comme on le dit ? » s’amuse l’une des jalouses, fixant son amie avec envie. 

Elle hésite, un sourire forcé toujours ancré a ses lèvres joliment colorées. Je guette son visage, absorbée par son jeu de scène parfaitement exécuté. Elle est très douée, une actrice hors pair qui se recroqueville sur sa chaise, comme intimidée face aux questions intimes. Je lâche définitivement mon attention de notre conférencier lorsqu’elle répond un vague:

- « La rumeur est loin d’être fausse »

L’une glousse, l’autre ricane grassement, le trio parfait. 

IMPERFECTIONSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant