Chapitre 3

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Je reste planté devant mon ancienne habitation pendant des minutes. Je finis par m'asseoir sur le perron, la tête posée sur mon poing. Je soupire, réfléchis. Je relève la tête vers la fenêtre de Monsieur Clark. Il est là, me voit, me sourit avant de repartir. Je sursaute lorsqu'on m'adresse la parole :

– Mike, tout va bien ?

Je relève la tête pour regarder Anna droit dans les yeux.

– Où est Max ? ajoute-t-elle devant mon silence.

– Parti. Il ne veut plus enquêter.

Mon amie me rejoint avant de fixer l'horizon du Soleil couchant.

– Je peux prendre le relai, alors.

– Je ne veux pas t'imposer ça.

– Ça va, tu as juste à me dire ce que tu sais. Tu me connais, je suis une enquêtrice dans l'âme.

– Oui, c'est vrai.

Je lui raconte tout dans les détails, du moins ce dont je me rappelle. À la fin de mon récit, la nuit est tombée. Anna se lève.

– Je vais y réfléchir cette nuit, je te dis ce que j'en pense demain, au lycée.

– D'accord. Merci, Anna.

– Avec plaisir.

Je pars une fois que mon amie a disparu au coin de la rue. Je erre dans les rues sans but précis, la tête lourde de craintes, de pensées emmêlées et confuses. Je ne sais pas si je dois poursuivre cette enquête. Je suis presque effrayé, maintenant, car si le meurtrier s'en est pris à mes parents, il peut très bien s'en prendre à moi, et puis je n'ai jamais vu ma maison dans cet état, pareille aux maisons des films d'horreur. Je me rappelle du jour où je me suis réveillé, le lendemain de la soirée. Tout était confus, je ne me rappelais de rien.

C'est comme si j'avais eu un lavage de cerveau, puis ensuite quelques souvenirs me sont revenus, mais à vrai dire, je ne sais pas ce qui est vrai et ce qui ne sont que des rêves. Je m'assois au bord d'un trottoir, la tête dans les mains. Je me sens seul, perdu, effrayé. Je suis assailli par des tas d'émotions que j'ignore à longueur de journée tout ça pour que personne ne puisse lire sur mon visage. À présent, personne ne me voit, de toute façon.

Je devrais quand même finir cette enquête, pour mes parents. Ensuite, je ne sais pas ce que je ferai.

Je ne sais pas ce que j'ai. Je me sens...bizarre. Différent des autres. Pas dans le sens où je suis exceptionnel, ou que j'ai des dons, non. Dans ma tête. J'ai l'impression d'être fou, oui, c'est ça. Je devrais faire des examens psychiques, une fois que j'aurai résolu cette enquête. Et puis ce qu'il y a dans ma chambre, ces comprimés...

Je me rappelle que Max les a pris. Je devrais les emmener en pharmacie, pour savoir ce que c'est. Reste à savoir ce que Max en a fait...

Je ne sais pas pourquoi, j'ai l'impression de changer constamment d'émotions, de pensées. Ça devient grave, à ce stade.

J'entends des pas sur le trottoir derrière moi. Je me redresse brusquement et fais volte face vers mon voisin, Monsieur Clark. Je suis surpris. Il ne sort jamais de chez lui, du moins je ne l'ai jamais vu sortir dehors.

– Bonsoir, Mike, me salue-t-il.

– Bonsoir...je réponds, confus.

Il me rejoint au bord du trottoir, sans rien dire, d'abord.

– Te rappelles-tu de quoi que ce soit ? me demande-t-il.

– Comment ça ? De quoi parlez-vous ?

– Rien...je pense qu'il est mieux que tu retournes chez ton ami.

Il ne me laisse pas le temps de répondre et se lève avant de repartir. Confus, je le regarde s'éloigner. Une chose est sûre : j'ai vu quelque chose, je ne m'en rappelle pas, et Monsieur Clark est impliqué. Je perds tout mon courage, effrayé par la nuit tombée, et me lève avant de me précipiter chez mon meilleur ami. Ce sont ses parents qui m'ouvrent la porte.

– Où étais-tu passé ? me demande sa mère.

– Désolé, j'avais besoin de prendre l'air.

– Il est vingt trois heures, Max est allé se coucher. Il avait l'air énervé mais ne voulait pas nous expliquer. Tu devrais manger quelque chose avant de dormir. Demain, tu as cours encore.

La mère de Max – Camille – a toujours été trop gentille avec moi. Elle m'intègre à la famille du mieux qu'elle le peut, mais je n'ai pas vraiment envie de m'y installer. Je n'ajoute rien et me dirige tout de même vers la cuisine pour y faire un sandwich que je mange en vitesse. Je décide de ne pas trop penser pour l'instant, pour ne pas encore m'emmêler avec mes pensées.

Une fois mon sandwich avalé, je me douche rapidement et enfile un pyjama avant d'aller me coucher dans la chambre d'amis, à côté de celle de Max, à l'étage. Les volets sont déjà fermés alors je vais directement m'allonger dans le lit une fois la lumière éteinte.

Je me rends compte que je suis épuisé. Je m'endors presque immédiatement, faisant un lourd cauchemar.

***

Je suis dans une pièce blanche, vide, juste face à un miroir. Je vois mon reflet, mais ce reflet ne fait pas comme moi. Je lève la main droite et la secoue. Mon reflet se contente de m'observer.

– Mike.

Je suis certain de ne pas avoir parlé, et pourtant, c'est ma voix, mais c'est mon reflet qui a parlé. Je remarque que ce moi est emprisonné, entouré de barreaux étroits, l'empêchant de bouger.

– Qui es-tu ? je demande.

– Je suis une autre version de toi. Ce que tu crains, ce que tu caches.

– Je ne comprends pas

Le miroir nous séparant se brise, puis s'effondre. Je suis face à un mur blanc. J'entends alors des cris, les voix de mes parents, plein de voix. Ces voix résonnent dans toute la pièce, telles des couteaux m'assaillant les tympans. Je plaque mes mains sur mes oreilles, ce qui ne m'aide pas à camoufler cette cacophonie.

« Tue-le ! Tue-le ! »

Cette voix est la mienne, hors je n'ai jamais dit ça ! Les murs dégoulinent de sang, à présent. Ma respiration s'accélère tandis que les voix continuent de me crier dessus. Je sens des mains s'agripper à mon dos, me retenir.

***

Je me redresse en sursaut, le souffle saccagé. Je tente de calmer ma respiration avant de regarder l'heure. Il est deux heures du matin. Ce cauchemar paraît si...réel. Ma gorge est sèche. Je décide d'aller à la cuisine prendre un verre d'eau. Je me lève du lit, n'allumant aucune lumière pour ne réveiller personne. J'ouvre doucement la porte de la chambre et marche vers les escaliers menant au rez de chaussée. Je suis terrorisé face au cauchemar que je viens de faire.

Tandis que je descends les escaliers, je réfléchis à sa signification. Peut-être que cet autre moi, c'est juste le moi d'avant. Je finis par abandonner et n'y pense plus. Ce n'est qu'un cauchemar.

Je traverse le hall et atteins la cuisine. J'ouvre le placard contenant les verres pour en prendre un. J'ai soudainement une douleur atroce à la tête. Je secoue la tête. Je commence à voir flou, puis tout noir.

***

J'entends des hurlements. Je ne vois rien. Juste du noir. Je sens l'odeur du sang, j'entends des pas. J'ai la tête qui tourne. Je me sens épuisé, faible. Je ne sais pas ce que je fais là, ni pourquoi. J'essaie de bouger, mais je suis comme emprisonné. J'entends des ricanements lointains, ceux de mon père. Je ne comprends pas ce qu'il se passe, ce que je fais là. Je n'entends plus rien. Je sens mes forces me quitter. Je ne tarde pas à replonger dans l'inconscience.

***

Je ne sais pas ce qu'il vient de se passer, mais je revois clair. Le verre est posé face à moi, rempli d'eau. Je suis face à la table de la cuisine, pourtant je ne me rappelle pas avoir rempli ce verre et être allé ici, face à la table.

A Night Of Dreams Or Nightmares [PUBLIÉ]Where stories live. Discover now