Chapitre II : Les Pouvoirs

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La femme en noir qui chantait au piano s'interrompit. Elle se leva d'un bond et alla saluer la jeune femme. William put entendre leur conversation.

- Bonjour Lara ! s'exclama la chanteuse. Comment vas-tu ?

- Mais très bien ! Et vous Barbara ?

- Extrêmement bien, je vous dis que ce soir je n'ai jamais été aussi à l'aise. Je chante mes petites chansons de l'ancien temps et je m'amuse, tout simplement.

- J'aimerais bien vous entendre chanter !

- Et bien, c'est parti. En plus ce soir je suis formidable, ça va être très bien.

Barbara monta sur scène, se mit au piano. Elle redressa le micro.

- Chanson qui s'appelle les Insomnies, annonça-t-elle en jouant au piano. Pour cause :

À voir tant de gens qui dorment et s'endorment à la nuit,

Je finirai, c'est fatal, par pouvoir m'endormir aussi.

A voir tant d'yeux qui se ferment, couchés dans leur lit,

Je finirais par comprendre qu'il faut que je m'endorme aussi.

Le rythme saccadé de la musique fit taper des mains les clients du bar. La soirée passa très vite, s'écoulant au fil du répertoire de la chanteuse. Ils avaient ris, pleuré et s'étaient tus. Puis, tout le monde sortit, il était une heure du matin, les tables se vidant petit à petit. Il restait à présent le sexagénaire, qui s'appelait Alfred (mais que l'on nommait par son nom de famille, Benc), Lara, Maximilien, James, Barbara et William. Il étaient tous sur la scène, assis ou debout.

- Que fais-tu à Aloha, William ? demanda Barbara, la main contre sa joue en tenant un cigarette fumante.

- Je viens tout juste d'arriver. Je n'ai pas fais grand-chose, je suis venu ici. J'ai pris le temps d'apprécier cet endroit, les gens qui la gèrent et vôtre musique.

- Tu es trop aimable, William !

- Tu n'as pas de chez-toi ? demanda hâtivement James.

- Non, pas encore.

- Dors ici ! s'exclama James.

- Où veux-tu qu'il dorme ? demanda Max.

- J'installerai un autre lit. Je suis le maître des lieux.

- Euh, dit Benc, je te rappelle que c'est moi qui ai construit cette bicoque. C'est moi le maître des lieux en fait.

Lara éclata de rire.

- Bon, s'exclama-t-elle en s'étirant les bras, j'ai envie de dormir moi.

James les mena tous sur le toit de l'édifice. C'était une magnifique terrasse couverte d'un plafond de bambou. Il y avait trois lits alignés de chaque côté de la terrasse. Chacun de ces lits reflétait la personnalité de son propriétaire. Celui de Barbara était noir, quelques livres sur la table de chevet et une petite chaise à bascule à côté. Celui de Benc, qui était un ancien paléontologue, possédait un plaid Jurassic Park, avec sur sa table de chevet un squelette miniature de tyrannosaure et une lampe à sel. Celui de Max était blanc, avec un grand filet parsemé de coquillage accroché sur le mur. Celui de Lara était vert, où un grand poster de cheval était fixé au mur. Et enfin, celui de James était rouge, avec un poster du Tour de France. William s'installa entre Barbara et James.

- Que penses-tu de cet endroit William ? demanda-t-elle, les deux mains croisées soutenant sa tête.

- J'adore le concept, en plus il y a un bon climat tropical ici. Ce doit être agréable de dormir là.

- Oh, coupa Lara, une fois il y a eu un bon orage quand même. Tu t'en souviens Max ? Ahah ! C'était hier.

Max éteignit sa lampe de chevet.

- Il craint l'orage, chuchota Lara assez fort pour que Max entende.

William aimait beaucoup cette ambiance conviviale. C'était la bohème en quelque sorte.

- D'ailleurs, demanda Benc, emmitouflé dans son plaid, est-ce qu'on t'a parlé des pouvoirs ?

- Euh...

- Et bien c'est simple, informa Barbara, chaque personne dans ce monde a un pouvoir spécifique. Moi, je peux faire de la télépathie. Benc peut faire bouger des objets à distance (Benc ferma la porte à distance pour démontrer son talent), Max peut empêcher quelqu'un de voir (William eut soudain l'impression de ne rien voir à plus d'un mètre, puis l'effet s'affaissa et Max le salua de la main pour montrer que c'était lui), Lara n'a pas de pouvoir pour l'instant. Enfin, James peut voir quelle personne est amoureuse de qui. Mais, je rappelle à James qu'il a prêté serment de ne pas s'en servir sans le consentement des autres. Voilà tout. Tu découvriras ton talent peut-être plus tard.

- Bon, fit Lara, je vous souhaite une bonne nuit !

- Bonne nuit ! s'exclamèrent les autres en choeur.

William sentait la douce brise qui lui caressait le visage. Barbara lisait un livre à la lueur d'une bougie, il essaya d'en lire la couverture. Voyage au Centre de la Terre. James, comme tous les autres, dormait. William bougea un peu, les yeux ouverts.

- Tu ne dors pas ?

William eut un frisson. Puis il se souvint que Barbara était télépathe. Il pensa qu'il était bête de faire cela mais il répondit dans sa tête.

- Oui.

- Quelque chose te tracasse ?

Le jeune blond réfléchit un instant.

- Je ne crois pas.

- Très bien.

- Pouvez-vous savoir si les autres dorment ?

- Cela dépend. Je sais que James est encore éveillé. Je viens de lui parler, enfin par la pensée.

- Que vous-a-t-il dit ?

Barbara regarda William d'un air qui voulait dire « ne m'oblige pas à te le dire ». Il insista du regard.

- James m'a demandé de ne pas te le dire, je suis vraiment désolée.

William se tourna et sursauta. James les regardait. Puis, comme si la conversation était orale, il s'incrusta dedans.

- De quoi parlez-vous ? demanda-t-il en fronçant les sourcils.

- Je lui racontais un peu l'histoire du livre que je lis, sourit Barbara en montrant son livre.

S'en suivit un long silence, rythmé par des regards entre James et Barbara. William pensa qu'ils conversaient, car leurs expressions faciales différaient. Barbara regarda très rapidement William. Aussitôt, il put « entendre » la conversation.

- Me promets-tu que tu ne lui aies pas dit ? s'énerva James.

- Je n'aime pas promettre des choses, tu le sais bien.

- Tu lui as dit.

- Écoute, James. Ça le concerne, non ?

- Pas pour l'instant.

- Mais quel chieur ! s'exclama William.

En une fraction de seconde, il comprit aux regards étonnés de James et Barbara, mais surtout de James, qu'il venait de penser trop fort.

- Tu écoutes depuis tout à l'heure ?

- Non.

La conversation s'arrêta là, au grand regret de William. James leur tourna le dos. William voulut lui parler, mais il respecta le silence de James. Il se sentit coupable d'avoir semé une certaine pagaille entre la chanteuse et le barman.

- Ne t'inquiètes pas, il était juste de mauvaise humeur.

- Vous ne voulez toujours pas me le dire ?

- Je préfère qu'il t'en parle lui-même.

Elle retourna à sa lecture. William ferma les yeux en se forçant de ne pas penser à leur conversation. Puis, au bout d'une bonne dizaine de minutes, il sombra dans les bras de Morphée.

Le Monde des MortsWhere stories live. Discover now