Gabriel et Ali

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Un soir qu'ils discutaient d'art, elle lui proposa de découvrir la vaste demeure dont elle connaissait désormais tout les secrets. À la lumière des bougies, ils déambulèrent de pièce en pièce tout en discutant des œuvres que certaines d'entres elles recelaient.

La saisissant au vol, il l'attira contre lui et l'entraina dans une valse improvisé dont il dicta les moindres soubresauts. La pression de ces mains sur ses reins suffit à l'enflammer. L'ultime mouvement se termina en un face à face subitement immobile et ces dernières réticences se noyèrent dans le bleu céleste de son regard. D'une main, il saisi doucement sa nuque, l'invitant à incliner la tête en arrière. Il explora délicatement les moindres reliefs de son décolleté puis leurs lèvres se cherchèrent dans un subtil jeu d'hésitation. Elle s'abandonna alors à ses mains impatientes.

Dévoilant peu à peu ses courbes, il regarda glisser avec délice la robe qu'il venait de dégrafer avant de libérer sa lourde chevelure qu'un peigne d'écaille finement sculpté emprisonnait. Tout en la caressant, il baisait sa nuque, ses épaules puis, plongeant son visage dans la masse de ses cheveux, il en respira longuement les effluves ambrés. Il y avait de l'adoration dans la manière qu'il avait de la toucher. Aurait-il voulu la vénérer qu'il ne s'y serait pas mieux pris. L'extrême délicatesse de ces gestes traduisait une infinie jubilation. Aussi reconnaissant qu'incrédule, il voulait savourer chaque fraction de seconde. La passion qu'il nourrissait depuis des mois ne demandait pourtant qu'à se déchaîner et c'est de tout son être qu'il lutta pour retenir la vague de fond qui menaçait de le submerger. Le puissant désir qu'il avait d'elle était un véritable supplice des sens. Il n'aurait jamais cru cela possible.

Alors qu'il l'enlaçait, elle senti le long de sa cuisse nue qu'entre ses jambes son excitation grandissait. Ses reins accablés de désir, elle voulu que dans l'instant il la posséda. Les subtilités n'étaient plus de mise. Elle entreprit de le dévêtir et lorsqu'à son tour il fut totalement nu, elle pu enfin admirer ce corps qu'elle n'avait jamais cesser de convoiter depuis la première seconde où elle l'avait contempler. Un corps sculptural que l'antiquité n'aurait pas renié mais un corps meurtri et blessé qui l'avait plus souvent fait souffrir que jouir. Et c'est ce corps qu'elle désirait ardemment. Elle laissa échapper un soupir.

- Àmame...

Prenant ses lèvres d'assaut, il la souleva et l'allongea délicatement au sol. Quand son corps entra en contact avec le sien, la chaleur de sa peau contre la sienne acheva de l'embraser. Ses mains et ses lèvres explorèrent son torse, s'abandonnant enfin sans réserve à toute sa sensualité. Du bout des doigts, elle caressa les creux formés par les fossettes de Michaelis et d'un mouvement du bassin, elle l'invita sans équivoque. Sa réponse fut immédiate. En une fraction de seconde, le plaisir qui s'empara d'elle fut phénoménal et d'autant plus violent qu'il laissait lui même exploser sa propre satisfaction. Leurs corps enchevêtrés se laissèrent aller en un mouvement de va et vient libérateur.

Les lourdes tentures de la sallede bal dissimulaient à peine la lumière crépusculaire de la lune. Les miroirsgigantesques qui scandaient les murs reflétaient à l'infini la lumière orangéedes bougies. L'oscillation de leurs flammes venait sculpter artistiquementleurs deux corps possédés. Gisant au milieu de l'immensité d'un parquetfigurant une immense rose des vents, ils tutoyaient l'éternité. Tel l'archangedont il portait le prénom, elle crut un instant apercevoir deux ailespuissantes se déployer majestueusement. Mais lorsqu'elle entreprit de lechevaucher, il ferma les yeux et s'abandonna à elle. De ses jambes repliées,elle maintenait fermement ses flancs et le contemplait défaillir et gémirdécuplant ainsi son propre plaisir. Suprême élégance, il guetta sa jouissanceet s'en repu avant de s'abandonner à la sienne. D'un mouvement adroit et vif,il plaça son bras en travers de son dos pour soutenir son corps, le soulevapuis le bascula sur le sol. Puis, dans un ultime coup de reins, il se cabra enarrière. Elle devina la fulgurance de l'orgasme qui venait de le submerger.Durant un instant, il sembla douloureusement éprouver la plus pure desvulnérabilités. Sans chercher à dissimuler le trouble que cela lui causait, illaissa au contraire tout son être l'exprimer. Le contempler en pleinejouissance avait quelque chose de sacré. Lorsqu'elle s'exprime sans retenue, lajouissance masculine est une pure merveille.

Lové l'un contre l'autre, une larme s'écrasa sur son épaule dénudée. Elletourna son visage vers le sien. Ses yeux clos baignés de larmes, il esquissaitun léger sourire. Elle ne lui posa aucune question mais devina le trouble quiagitait de son âme.
- Ne restons pas ici.
Ils ramassèrent leurs vêtements éparpillés, éteignirent une à une les bougiesqui avaient enluminer leurs ébats et, telles des ombres, se glissèrentfurtivement jusqu'au sommet de la demeure. À peine arrivé, il l'enlaça denouveau comme s'il ne pouvait plus se passer de son corps contre le sien.

- Te amo...
- Yo te amo tambien...
- Otra vez por favor...

Il savait sa supplique inutile. Elle avait déjà prit l'initiative. Mais ilavait compris combien les intonations de sa voix la troublaient, en particulierlorsqu'il faisait usage de sa langue maternelle. Et il aimait ça.

L'étroitesse du grenier contrastait fortement avec la vastitude de la salle debal. C'est dans l'intimité de cette alcôve improvisée qu'ils s'aimèrent ànouveau mais différemment. L'ardeur du désir engendrée par des mois d'attenteet d'incertitude s'était exprimée. Ils firent l'expérience d'un autre registre,celui de deux êtres qui auraient voulu n'en faire plus qu'un. Leurs corps àcorps d'apparence immobile abrita un imperceptible va et vient dont ilssavourèrent l'intensité. Mais l'essentiel se jouait ailleurs, dans lebouillonnement de leurs âmes amoureuses qu'ils nourrissaient d'effleurementsfurtifs. Arrimé au regard de l'autre, ils s'abandonnaient aux vagues deplaisirs qui l'une après l'autre les dévoraient, jouissant sans retenue de leursatisfaction réciproque. Submergé par l'intensité de sensations et d'émotionsqu'ils ignoraient jusqu'alors, ils repoussaient par tous les moyensl'inéluctable, l'instant paroxystique qui signifierait la dissociation de leurscorps. Ils n'eurent bientôt d'autre choix que de capituler. Tremblant et à boutde force, ils s'endormirent étroitement lové l'un contre l'autre. Mais commentrevenir à la réalité après ça ?

Lorsqu'elle se réveilla, il dormait étendu près d'elle, les coussins servantd'écrin à son corps apaisé. Il avait quelque chose de l'Endymion de Poynter.Pendant un long moment, elle le contempla. Son désir de lui ne semblait pasdevoir connaître de trêve et la perspective d'être privée de sa présence neserait-ce qu'un instant la fit se sentir mal. L'aimait-elle ? Elle savaitavoir dépassé depuis longtemps cette innocence là. C'est alors qu'elle pritsoudain conscience de l'intensité de son obsession pour lui et qu'au malaisesuccéda la peur. Peur de cette dépendance qui s'était enracinée en elle. À soninsu, elle était devenu l'esclave d'une passion puissante et potentiellementdévastatrice qui annihilait tout et ne lui laissait plus aucun repos. Une purefolie. Elle s'éclipsa hâtivement.

Quand il ouvrit les yeux à son tour, c'est en vain qu'il chercha sa présence.N'était-ce qu'un rêve ? Frustré, il rossa vivement les coussins qui laissèrentéchappés des effluves ambrés. Son parfum. Il esquissa un sourire. Non, iln'avait pas rêvé. Après de long mois d'attente et d'espoirs, à ne pouvoir latoucher que du regard, c'est dans ces draps brodés, dans ce grenier dépouilléqu'elle lui avait appris sans le savoir ce que faire l'amour voulait dire. Sonabsence lui était désormais devenue insupportable. Avec elle, tout sentiment desolitude disparaissait, il se sentait enfin complet. Heureux.

FlamboiementsWhere stories live. Discover now