Partie 25

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Je venais d'accepter de tourner définitivement une page de ma vie. C'était stressant, ça faisait peur. J'avais peur d'être à nouveau décu, d'être à nouveau malheureuse. Donc j'avais décidé d'y aller doucement, de ne pas trop donner, de ne pas trop faire confiance, de ne pas trop m'investir, de me laisser une petite marge pour moi-même, pour me protéger. Mais je devais avouer qu'avec Demba c'était difficile de se retenir, difficile de cacher ma joie de le voir, difficile de refuser un baiser, difficile de ne pas éclater de rire de ses blagues. Il remplissait à nouveau ma vie et ça faisait du bien

Au début du mois d'Avril, il m'a mis en rapport avec un de ses amis et j'ai commencé à travailler dans une institution de microfinance. J'étais toute contente de retrouver une activité, d'avoir à m'occuper. En plus le travail était super intéressant et les personnes que j'ai trouvées sur place étaient gentilles avec moi. Je devais juste assister Mr Niang, le responsable des crédits et j'ai été bien accueillie. On partageait le même bureau et dès le début, il a essayé de me draguer même s'il était marié et avait des enfants. Comme je venais d'arriver et je n'avais pas trop envie de lui manquer de respect. Donc j'ai été très courtoise et je lui ai dit que j'avais un fiancé. Il a essayé d'insisté, mais je crois que les coups de fil de Demba ont fini par le décourager. Quand j'arrivais le matin, il y avait un message de lui me demandant si j'étais bien arrivée, à l'heure de la pause, il appelait sur le fixe et poussait le bouchon jusqu'à parfois me demander de lui passer Mr Niang. Et c'était une longue discussion sur les problèmes des crédits et des taux d'intérêt. J'étais un peu gênée et je lui demandais par tous les moyens de ne plus m'appeler mais il n'en faisait qu'à sa tête et disait que dans les entreprises, les nouvelles arrivées étaient systématiquement draguées. Donc il voulait marquer son territoire. Mais bon dans l'ensemble l'ambiance était très bonne et Mr Niang s'est montré par la suite très protecteur. Quand Demba venait me prendre, ils restaient longtemps à discuter et ceci a contribué à le rassurer et il appelait de moins en moins dans la journée.

Mais n'empêche, il tenait à toujours être présent. Donc si en semaine, c'était des coups de fil, les weekends on allait se poser parfois chez Adja avec Babacar. Elle adorait recevoir et les copains de ce dernier ne se privaient pas de venir diner et prendre du thé. Ils évoluaient tous dans le même secteur d'activités et avaient fait leur études dans la même ville en France. Ils étaient trois et les deux étaient déjà mariés. Leurs épouses venaient parfois mais la plupart du temps, comme elles avaient des enfants à bas âge, elles préféraient rester chez elle. Mais elles étaient très sympas et l'une d'elle était rwandaise. Josie était un joli brin de femme avec un accent chantonnant très particulier. J'adorais l'écouter parler et raconter sa vie au Rwanda. On ne s'ennuyait jamais avec elle sauf qu'il fallait avoir un sens de la déduction assez poussé car on ne comprenait pas toujours ce qu'elle disait, même si c'était du français. Donc chez Adja, il y avait toujours une bonne ambiance et ces 5 gaillards, malgré leur air responsable passaient leur temps à jouer débilement aux jeux vidéos et quand il y avait un match de championnat, c'était le rassemblement général. De vrais gamins dans un corps d'adulte. Nous on s'installait sur la terrasse et on discutait mais il fallait faire avec des cris qui nous faisaient sursauter. On écoutait souvent Josie, la rwandaise nous raconter sa vie. Elle avait assisté aux tueries durant le génocide et une partie de sa famille avait été tué sous ses yeux. Un soir on était toutes en larmes quand elle nous a raconté comment on a tué son frère devant elle et on l'a épargné. Je n'ai jamais compris la cruauté humaine et comment on pouvait tuer pour une croyance ou une appartenance ethnique. Elle était brave car malgré tout, elle était toujours souriante et bien dans sa peau.

Et ainsi, les samedis chez Adja c'était très cool et cette conviviabilité me faisait un bien énorme. Ici, je devais faire avec une bande de copains aux délires imprévisibles. Mais je crois qu'il subissait tellement de stress à leur boulot, qu'il avait besoin de décompresser de temps en temps. Bien évidemment, il n'était pas toujours ensemble et heureusement. Parfois on sortait seul, moi et Demba, ou on aller se poser chez lui. Mais j'évitais le plus possible ces situations car ça dégénérait rapidement. Je censure certaines parties pour les âmes sensibles, mais on ne faisait jamais « la chose » comme il disait. Il ne me comprenait, il ne comprenait pas mon entêtement à ne pas aller jusqu'au bout avec lui d'autant plus que j'étais « libre » dans tous les sens du terme (toujours ses expressions MDR). Mais ce sont les paroles de maman Fanta qui résonnait toujours dans ma tête. Au début de mon divorce, elle ne cessait de me répéter que c'était maintenant qu'il fallait plus se préserver car les dérapages arrivaient plus rapidement. Et puis faire l'amour sans être marier relevait pour moi d'une grande frivolité et je ne voulais pas être catalogué dans ce lot de filles. Donc malgré la pression de mon chéri et mes propres pulsions, je décidais toujours de stopper à temps et parfois c'était limite.

Diouldé : itinéraire d'une vieWhere stories live. Discover now