Chapitre 2, Partie 3

9 1 0
                                    

Lisez. Aimez. Commentez. Gagnez: teedun.com/francais

Le foulard jeté négligemment sur le lit était le cadeau d'une vieille femme attentionnée. Un livre racontant l'histoire d'une femme chevalier aux yeux mauves animée d'une passion pour la justice ─ l'une des rares possessions qu'elle chérissait ─ était posé près de la fenêtre. Jusqu'à présent, elle avait déjà payé par deux fois Amanda de l'Auberge Verte pour qu'elle lui en fasse la lecture. Il était très précieux à ses yeux.

Bien décidée à quitter Vaneis, elle fourra dans sa sacoche les trois robes qu'elle possédait, le foulard, le livre, quelques herbes à savon et trente shillings pour la route.

Le lendemain matin, elle prit soin de payer à l'aubergiste les cinq shillings de son loyer du mois. Elle remplit un petit sac à dos de nourriture pour son voyage et quitta l'auberge, un grand sourire aux lèvres.

Une fois à l'extérieur, Ciardis plissa les yeux en balayant le convoi du regard. Il y avait là six chariots, attelés à des huraks ─ de grosses bêtes massives, semblables à des bœufs griffus. Les huraks avaient hâte de partir et piaffaient en labourant la neige fraîche, y plantant les griffes qu'ils avaient à chaque pied, tranchantes comme des rasoirs.

Comme je vous comprends. Elle serra ses deux sacs en tissu et chercha Dame Serena du regard, tout en essayant de ne pas se faire remarquer.

— À vos montures ! tonna-t-on en bout de file.

Ciardis abandonna son air nonchalant et se mit à chercher fébrilement, en proie à la panique. Elle n'apercevait Dame Serena nulle part. Et si tout cela n'était qu'une plaisanterie cruelle ? Après un dernier coup d'œil, les épaules basses, elle se détourna pour partir.

C'est alors qu'elle entendit une voix familière l'appeler :

— Très chère ! Ma chère Ciardis ! Je suis là ─ par ici !

Ciardis fit volte-face et, plissant les yeux, leva la main pour se protéger du soleil matinal. Assise dans la troisième voiture de tête, Dame Serena agitait un mouchoir par la vitre.

— Eh, toi ! fit une voix de stentor.

C'était le chef caravanier, sur le premier chariot. Debout sur le siège du cocher, il regardait Ciardis.

— Tu entres ou tu sors ? aboya-t-il.

Ciardis s'empressa d'obéir à son ordre et sauta à bord de la voiture qu'occupait la dame. La carriole fit un soubresaut en avant et elle tomba à genoux, se réceptionnant sur les mains. Le rire de Dame Serena résonna dans l'habitacle étroit.

— Très chère, dit-elle d'un ton léger en tendant la main pour aider Ciardis à se relever. Nous avons tellement de choses à retravailler.

Ciardis s'installa sur le banc en face d'elle et regarda les forêts du vallon enneigé qui défilaient au-dehors. Les immenses lames d'acier de la voiture glissaient sur la neige compacte. De temps à autre, elle jetait un œil à Dame Serena qui, fidèle à son nom, était assise avec sérénité et retenue, un petit livre à la main.

Ciardis prit soin de garder le visage tourné vers la fenêtre lorsqu'elle écrasa discrètement une larme au coin de son œil gauche. Elle se répétait avec assurance qu'elle avait une chance incroyable, bien décidée à considérer ce qui lui arrivait comme une grande aventure... et même, comme une toute nouvelle vie. Elle était heureuse de fuir cette vie qui ne la menait nulle part, dans un village trop étroit. Et pourtant, lui soufflait une petite voix tout au fond de sa tête, il est possible que ce village me manque. Après tout, c'est la seule maison que j'aie jamais connue. Serai-je appréciée, en ville ? Serai-je l'idiote de la campagne que les autres apprenties prendront en pitié ?

La voix de Dame Serena la tira brusquement de ses pensées.

— Bon, commençons par le commencement. Quel est votre nom complet ?

— Ciardis Rafaela Vane, Dame Serena, répondit Ciardis.

— Vane, Vaneis. C'est très proche ─ c'est sans doute un diminutif, dit la dame d'un air pensif. Alors on vous a donné le nom de votre lieu de naissance ?

— Oui, Maîtresse, je suppose.

— Et votre lignée ? demanda Serena.

Ciardis la dévisagea attentivement pour savoir si elle se moquait d'elle. Dame Serena ajouta alors :

— Vous pouvez m'appeler Serena, en privé.

Ciardis finit par lui donner une réponse succincte :

— Orpheline.

— Oui, oui, je le sais, fit Serena d'un ton exaspéré, mais quelle est l'histoire de vos parents ?

Ciardis haussa les épaules.



Le Temps du Pouvoir (La Lumière de l'Empire Tome 1 en Francais)Where stories live. Discover now