Night Night ! [Nathan]

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Je traverse la pièce immaculée à grandes enjambées. La blancheur de la salle me brûle les yeux. Plus je m'approche du corps de Newt, plus le bourdonnement dans mes oreilles s'intensifie. Mon coeur bat tellement vite, j'ai l'impression qu'il va lâcher. Soudainement, tout s'arrête : le bourdonnement assourdissant, la luminosité aveuglante, il n'y a plus aucun bruit. Le néant. Newt apparait à quelques pas de moi. Je suis soulagé, je fais un pas vers lui. Il fixe le sol avec insistance, je prends l'initiative de crier son prénom. Enfin, je perçois qu'il commence à lever le menton très lentement. Un peu comme dans les films d'horreur. Son visage est baigné de larmes. Ses lèvres tremblent, son regard se montre presque implorant. Je décide de rompre la distance qui nous sépare mais, au moment où je compte lever ma jambe, mon corps se paralyse, comme si des chaînes invisibles reliaient mes membres au sol. La bouche de mon jeune ami remue lentement, je crois qu'il essaie de me dire quelque chose...

Quand j'ouvre les paupières, je me rends compte que tous les yeux sont braqués sur moi. Je sens une main sur mon épaule, c'est celle de Mr.Lewis. Surpris, je sursaute un peu : je ne l'ai pas vu arriver. Ses lèvres remuaient en silence. Je les regarde mais n'entends rien. Soudain, un triangle apparait au beau milieu de la salle, déchirant les formes. Il grossit à vue d'oeil ! Qu'est-ce qu'il se passe ?! Un bourdonnement persiste dans mes oreilles. Manifestement, je ne vais pas si bien. Le dernier son que j'entends avoir de m'écrouler sur le sol est celui de la chaise de Newt, butant contre une table.

J'essaie d'ouvrir les yeux, non sans peine. Aaaah ! J'aurais préféré ne pas y arriver, la lumière m'aveugle. Je regarde autour de moi, tout est flou mais j'arrive à reconnaitre l'infirmerie. Je suis allongé sur un des lits, qui sont d'ailleurs connus dans tout le lycée pour être très peu confortables. Au bout de quelques instants, je m'aperçois qu'un visage est penché au dessus de moi. C'est une vieille femme, joufflue, les yeux remplis de bienveillance qui se présente à moi :
- Bonjour, je suis l'infirmière, Mrs.Dackard. Tes amis t'attendent dehors, dis-moi quand tu voudras sortir !
J'émets un grognement en guise de réponse. Dackard s'isole derrière de grands rideaux blancs. J'entends des éclats de voix, elle doit sûrement s'occuper d'un autre étudiant. Parfait. Ça me laisse le temps de me rafraichir la mémoire... Très vite, des flashs lumineux font irruption à tour de rôle pour éclairer mon esprit : Mr.Lewis, le triangle, la chaise... Il me manque un élément... Newt !! Il était... ! Je commence à me tortiller sur le lit, pris d'inquiétude. Ni une, ni deux, je saute en dehors de mon lit, m'élance vers la porte de sortie. Je fais abstraction de la douleur vive qui assaillit ma cage thoracique à chaque respiration. Je me retrouve bientôt dans le couloir.

Un visage reconnaissable entre milles me fait face, souriant. Newt ! Je pousse un long soupir de soulagement.
- Wow Nathan, tu... vas bien ? T'es essouflé qu'est-
- Ce n'est rien, je vais bien, dis-je entre deux inspirations.
Je porte une main à mon nez, essayant machinalement de remonter mes lunettes... Je.. Ne sens rien ??? Merde ! J'ai dû les oublier sur la table de chevet de l'infirmerie ! La porte s'ouvre, c'est Mrs.Dackard. Elle me tend mes lunettes, un peu agacée...
- Mr.Green, je vous avais bien dit de me dire quand vous repartirez, non ?
Puis elle se radoucit :
- Cependant, vous avez l'air d'aller mieux... Promettez moi que c'est la dernière fois que vous me faites ça !
Elle ne me laisse pas le temps de répondre - comme si la réponse était évidente (elle ne l'était pas) - tourne les talons et retourne dans son antre. Je me retourne vers Newt et il éclate de rire. Un sourire tiraille mes lèvres puis s'évanouit dès que j'entends la sonnerie.

Nous prenons place dans la salle de classe. C'est alors qu'une femme, la quarantaine, fait irruption dans la salle. Elle porte des vêtements... Beaucoup trop colorés. Newt se penche vers moi et m'informe que c'est notre professeure de littérature, Mrs.Parkinson. Il commence une phrase mais ne peut la finir car Parkinson m'a apparemment repéré.
"Ooooh, j'ai ouï dire qu'une âme nouvelle se joignait à notre cours !", s'exclame-t-elle en s'approchant dangereusement de ma table.
J'acquiesce en silence, un peu gêné. Je crois que j'ai deviné de quoi Newt voulait me prévenir. Mrs.Parkinson est... Folle. Vous voyez les stéréotypes des vieilles filles de quarante ans avec leurs dix-huit chats ? OH NON J'AI TROUVÉ ! Vous voyez le professeur Trelawney dans Harry Potter ? Ajoutez lui des fringues encore plus tape-à-l'oeil, frottez-les à un chat mouillé et BAM : vous avez Mrs.Parkinson.
Enfin, après m'être présenté à elle, nous nous sommes mis au travail. Aujourd'hui, poésie. "Vendredi, c'est poésie !", claironne-t-elle. Mrs.Parkinson me trouve une certaine"sensibilité littéraire". Enfin, c'est ce qu'elle dit.
Bref, ce cours est... Spécial, disons. Il n'est pas ennuyeux, loin de là. En même temps, dès qu'on pose les yeux sur cette prof', notre cerveau fonctionne à plein régime : il faut bien qu'il analyse toutes les couleurs qu'elle porte. C'est fou, plus on la regarde, plus on remarque ce qui fait d'elle une personne si singulière.
La mélodie annonçant la fin du cours vient interrompre une envolée lyrique de Parkinson. Tout le monde s'empresse de ranger ses affaires, laissant s'échapper des stylos par-ci par-là.

Une fois dans la cour, Newt me fait un petit briefing de la journée qui m'attend mais je ne l'écoute pas vraiment. Je ne suis pas très sociable, je ne parle pas beaucoup. Non, moi j'agis dans l'ombre. J'observe tout ce qui se passe autour de moi : les gens, les arbres, les bâtiments, les animaux... Ainsi, mon regard se promène ici et là, sans but précis. En ignorant royalement Newt (enfin, j'emets des grognements pour acquiescer à ses propos, histoire de faire plus "vrai"), je remarque qu'une fille est assise sur le banc sous l'arbre. Elle lit, seule. La mystérieuse lectrice lève de temps à autres la tête mais elle est clairement absorbée par son livre. Mmmh, cette personne m'intrigue. Je fais en sorte de passer devant elle le plus souvent possible, Newt à mes trousses. Je jette quelques coups d'oeil vers elle, de façon assez discrète quand tout à coup, elle lève sa tête et plonge son regard glacé dans le mien. Merde, repéré. Je m'éloigne en vitesse. Newt a apparemment compris que je ne l'écoute pas (long à la détente, le roux) il me donne alors un coup de coude. Ses sourcils cannelle se froncent et il commence à déblatérer de plus belle. Je crois qu'il me fait la morale. Je l'ignore encore une fois et je jette un coup d'oeil vers cette fille. Elle me fixe toujours... Flippant.

Bref, la journée se poursuit sans accros. Enfin, si on ne compte pas Newt comme un problème permanent (il me colle, il a décrété qu'il rentrerait avec moi tous les soirs...). Je n'ai pas réussi à retrouver l'Iceberg Voyeur mais tant mieux, elle fait franchement flipper. Je suis enfin rentré chez moi, pfiouh ! Je m'affale sur mon lit, écouteurs vissés dans mes oreilles, et d'un coup, une multitude de questions viennent parasiter la douce mélodie de "White Mustang". Je me rends compte que j'avais passé la journée sans me demander une seule fois ce qui s'était passer ce matin. Il faut dire que j'étais vraiment content de retrouver Newt sain et sauf ! Maintenant que j'y repense, tout ça est très inquiétant, il faut que j'en parle à... La formulation de cette pensée me fait sourire. Newt me prendrait pour un fou, tous les autres me penseraient que j'ai un sérieux problème (et ils auraient raison). Bref, pour changer, je suis seul avec mes soucis.
Après plusieurs minutes de réflexion, en vain, je décide de m'atteler à mes devoirs, histoire d'imiter le bon élève au moins pendant quelques jours.
C'est au moment où je sors ma trousse de mon sac que j'arrive à mettre le doigt sur ce qui me dérange : dans mes écouteurs, la musique s'est brutalement stoppée. Plus de batterie. Désespéré, j'arrache les écouteurs de mes oreilles et jette le tout sur mon lit. J'ai faim. Dévalant les escaliers, je prépare déjà mentalement mon petit planning de la soirée. Je suis stoppé dans mon élan par une voix que je ne connais que trop bien...
"Y'a quelqu'un ?" crie Newt en pénétrant sur le palier. Je soupire, et descend les escaliers en m'efforçant d'avoir une allure désabusée, pour lui faire comprendre qu'il n'est pas le bienvenu ici, qu'il me dérange. Le rouquin émet un petit rire et me révèle un sac, jusqu'à présent cacher derrière son dos. C'est un sac de couchage...
Et moi qui pensait passer une soirée tranquille...

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⏰ Last updated: Oct 19, 2017 ⏰

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Les Chroniques d'un TriangleWhere stories live. Discover now