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Quand Coline sort du lycée, elle reconnaît la touffe blonde d'Isidore dans les groupes de jeunes en train de fumer devant l'établissement. Elle ne sait pas s'il l'attend ou s'il attend d'autres personnes. Ou s'il est juste là pour traîner avec sa bande de potes. Mais elle a passé une journée tellement oppressante qu'elle n'arrive plus à voir clair dans ses idées.

Angèle pense que Coline devrait arrêter d'être parano, que Selim est juste de mauvaise humeur et que s'il propose un mercredi aprèm à deux, c'est pour nouer des liens et non pas en rompre.

Mais Coco' est pessimiste. Elle n'y croit pas. Elle est déçue et a perdu beaucoup trop d'espoir en une journée. Il ne lui a pas reparlé depuis la pause du matin et l'absence du brun l'a bouffée tout entière. Ils étaient tout le temps ensemble en classe ces dernières semaines. Le vide crée d'un coup l'effraie. Coline s'est rendue compte que son crush avait beaucoup trop décuplé.

— Trouduc' ?

Elle va voir le blond. Parce que ne pas l'avoir vu de la journée l'a un peu rendue triste. Peut-être qu'il peut lui remonter le moral.

Son ami lui sourit, comme d'habitude, même s'il affiche moins bonne mine.

— Saluuut, dit-il en lui faisant la bise.

Il a fumé. Elle le sent, elle le voit à son pétard entre les doigts et ses yeux teintés de rouge. Il a l'air ailleurs, mais là quand même. Relaxé, mais pas trop.

Isidore a l'air tout d'un coup plus triste, plus vulnérable et fronce les sourcils lorsqu'elle recule un peu.

— T'as l'air pas bien Coco', remarque-t-il.

— J'ai pas trop envie d'en parler quand t'es défoncé. Mais plus tard. Je vais y aller, informe-t-elle. On se voit demain ?

Isidore lui ébouriffe les cheveux, avec une certaine tendresse que Coline aurait voulu avoir d'une autre personne.

— Souris et je te laisse partir.

Elle force un sourire. Le blond n'a pas l'air convaincu du tout et rallume son joint avec son briquet en faisant une drôle de tête. Et devant ses potes, Isidore lui montre comment faire pour sourire idiotement.

— Alleeeeez Coline !

Les « Alleeeeeeeez » sont moins longs cette fois, mais elle ne peut s'empêcher d'étirer ses lèvres un instant. Non pas pour lui faire plaisir. Mais parce que, même dans un état second, il arrive à la faire sourire.

— Ah bah c'est bien mieux, ce soir j't'appelle !

Coline lève les yeux au ciel et repart. Interagir avec lui est plus réconfortant qu'elle ne l'aurait cru. Peut-être que ça sert aussi à ça de s'attacher un peu plus chaque jour au plus gros boulet de la Terre.

*

— Ici Isidore à l'appareil ! lance le blond lorsque Coline décroche l'appel.

Elle lève les yeux au ciel. Il est 22 heures et elle a attendu son appel pendant au moins deux bonnes heures.

— Pas de FaceTime ce soir ? demande-t-elle surprise de ne recevoir qu'un appel audio.

Le blond est quand même le plus gros gaga de FaceTime au monde.

— Nope, j'ai une tête dégueu tonight.

— T'as vu mes cicatrices d'acné donc y aura pas plus dégueu que moi, rappelle-t-elle.

Le FaceTime se lance. Et elle accepte de montrer sa tête.

— Si ça c'est dégueu, bah putain, j'aimerais bien être aussi dégueu, affirme-t-il en la montrant du doigt.

Et Coline ne va pas mentir, c'est vrai qu'Isidore n'a pas l'air en forme. Elle ignore son compliment absurde par la même occasion et s'allonge dans son lit, les cheveux entremêlés.

— J'espère que t'es pas défoncé.

Il acquiesce.

— Au fait, désolé si j'étais chiant tout à l'heure, un des effets secondaires du cannabis chez moi.

Elle hausse un sourcil.

— Ah bon ? Je croyais que t'étais chiant de base, réplique-t-elle en souriant.

Le taquiner lui fait du bien.

— Hahaha. Très drôle Coline. Allez, raconte.

Alors, elle lui raconte, comme il l'a ordonné. Elle n'omet aucun détail.

— Attends, j'étais pas au courant que vous vous étiez pécho. Tu m'as juste dit que t'avais passé une soirée chaotique à pleurer comme une madeleine.

Elle ne le lui avait pas dit ? Ça la surprend. Alors elle lui raconte la soirée film du vendredi dernier.

— Grossomerdo, Selim fait son connard, finit par déclarer Isidore.

Coline acquiesce. Il est tellement franc que ça lui donne une réelle bouffée d'oxygène. Quelqu'un l'admet aussi. Elle n'est donc pas la seule à le penser.

— Tu flippes pour demain ? Parce que j'ai vraiment aucune idée de ce qui lui passe par la tête le con, interroge le blond.

Elle l'avoue. Cet après-midi lui fiche les jetons.

— J'ai peur d'avoir un cœur brisé, se confie-t-elle.

Ça, elle n'a pas réussi à le dire à Angèle. Parce qu'Angèle a tellement d'expérience en garçons, qu'elle ferait une mauvaise morale ou qu'elle ne comprendrait pas comment Coline pourrait attacher autant d'importance à Selim.

Son ami prend une grande bouffée d'oxygène. Comme pour se donner du courage à lui aussi.

— Prends un élastique demain matin.

Elle fronce les sourcils.

— OK... ? Pourquoi ? questionne-t-elle, l'air paumé.

— Je te ferai une queue de cheval haute, affirme Isidore.

Coline le regarde comme si c'était un ovni. Qu'est-ce qu'il raconte ?

— Pour quoi faire ? Je sais me les faire moi-même.

Il y a une pause où elle observe les yeux d'Isi' se fermer puis se rouvrir lentement. Si la qualité était bonne, elle aurait pu admirer les cils trop longs du blond.

— Tu te fais des queues de cheval hautes pour te donner du courage. Et j'ai envie de te donner du courage. Donc je vais te coiffer demain à la pause du matin. Logique, non ? Tu vas voir, t'auras peur de rien après.

Et Coline est restée là, bouche bée, face à ce garçon qui connait parfaitement cette anecdote sur elle. Elle le lui avait dit une fois, mais sans vraiment faire attention à ses propos. Et il l'avait retenu. Ça la touche infiniment plus qu'elle ne laisse paraître.

— Quelle couleur d'élastique ? J'en ai plein, rappelle-t-elle.

Il la regarde intensément, même à travers un écran, avant de la gratifier d'un sourire sincère.

— Bleu ciel. C'est ta couleur préférée non ?

Isidore a raison. C'est bien le bleu ciel.

OupsWhere stories live. Discover now